Olaf Hund, héraut malgré lui
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Homme de l'ombre de la scène électronique française qu'il squatte depuis 15 ans, Olaf Hund reste un ovni, considéré par les critiques comme un artiste visionnaire. Sourire ironique et regard mélancolique, l'artiste revient sur une carrière désaxée, entre l'Allemagne, la politique et les crèmes glacées.
Le rendez-vous est donné aux Folies de Belleville, un bistrot où le Paris branché et populaire se côtoient. « Un endroit quasi indissociable d'Olaf ! », nous dit son assistant. Entre deux restos chinois, cet ancien cabaret-théâtre, qui a gardé sa déco des fifties avec ses gros néons rouges, est un lieu plein de vie, foutraque, décontracté et sympathique. Un peu comme Olaf qui débarque en Ray-ban, bonnet rouge à la « Cousteau » et veste teddy bleue usée. Cet habitué connait tout le monde, ou plutôt tout le monde le connait. « J'habite à Belleville depuis des années. C'est un monde à part. Pour moi, tu vois, Paris ça commence à République ! », lance-t-il. « Je viens aux Folies tous les matins. Journal, clope, café. C'est ma troisième pièce ! Je vis dans mon appart de deux pièces... et ici ! »
L'ANTi-french-touch
Olaf Hund, ce n'est pas son vrai nom. « C'est le sobriquet que me donnait ma mère. Elle est allemande. En allemand, hund ça veut dire chien. » C’est sous ce pseudonyme qu'il se fait connaître, il y a une douzaine d'année, au tournant des années 2000, en pleine période French Touch : Daft Punk, Air, Stardust et cie. « Ce que je faisais était radicalement différent, je ne faisais pas de la house. Je revendiquais que les meilleures fêtes n'étaient pas dans les clubs, mais chez toi, dans ta cuisine. Mon album s'appelait Kitch Kitch, comme kitchen. Je ne participais pas à ce mouvement commercial qui incitait les gens à consommer en boîte. C'est de ça aussi que m'est venu l'étiquette anti-French Touch. » Bien que classé « electro », le style d’Olaf emprunte sans complexe au tango, à la pop, à la samba ou encore au hip-hop. Le mélange séduit alors toute la presse de l'époque, du NME aux pages culture du Monde en passant par Der Spiegel.
En 2012, Olaf Hund refait parler de lui. Toujours aussi désinvolte, il décide de nommer son dernier album, Music is Dead. Sorti en septembre dernier, l’opus est une fois de plus une oeuvre inclassable : entre gros sons et dérision, sonorités rocks et beats répétifs qui se terminent en envolées lyrique au piano. Alors Olaf, plutôt rock ou electro ? « Je fais de la musique ! De la musique dansante... et pensante ! J'ai crée un label en 1994 qui s'appelle Musiques Hybrides. J'aimerais un jour qu'il y ait un bac chez les disquaires qui regroupe tout ce qui est hors format. Hybride, ça vient de la botanique. Quand j'ai commencé, on parlait de métissage. Aujourd'hui, tout est devenu hybride, même les bagnoles ! »
Politiquement incorrect
Multi-instrumentiste, producteur et arrangeur, le touche-à-tout de 38 ans a imprimé sa marque dans toutes sortes de projets. Du cinéma à la haute couture en passant par le cirque. Il débute avec Chilly Gonzales, compose pour Taraf de Haïdouk et contribue à faire connaître Alexis HK. Autant dire qu'Olaf Hund est partout et nulle part. Il ira même jusqu'à se lancer dans un side-project citoyen. En 2006, il crée le personnage de Nicolas Police, référence explicite au Ministre de l'intérieur de l'époque. Le concept fait mouche, mais le placardise. « Tout le monde adorait, mais la liberté d'expression était très restreinte à ce moment là. Tout le milieu professionnel m'a lâché. Les mecs me disaient qu'ils risquaient leur poste s'ils diffusaient mes chansons. Mon téléphone était sur écoute. J'ai perdu beaucoup de fric et ça a été une vraie déception humaine. Du coup, je me suis barré de France. »
Si Olaf a mis un bémol sur la politique, il a encore des choses à dire. Sur l'industrie du disque notamment : « On vit dans la consommation de masse. D'un côté, c'est génial parce qu'avec les supports numériques la nouvelle génération a une culture musicale phénoménale. Mais je pense que la tendance à tout télécharger est passée. Les jeunes se rendent compte que c'est mieux de prendre le temps d'écouter un vinyle sur le lecteur de papa plutôt qu'un mp3 pérave ! » Celui qui a toujours voulu jouer sa propre partition n'est pas tendre avec les artistes mainstream : « Les mecs qui sortent des disques qui expriment toujours la même émotion, soit c'est des monomaniaques, soit c'est un effet de style. Moi, je suis totalement sincère dans ma démarche, ça vient comme ça. J'ai des morceaux très sombres et d'autres totalement absurdes. Mon inspiration c'est les gens, les scènes de la vie. Par exemple, j'étais en Angleterre dans une épicerie avec un pote. La vendeuse le dragouillait en lui demandant ses parfums de glaces préférés. Et ça a donné "I wanna be your Ice cream" ! »
Toujours animé d’une vraie culture de la dérision, il transforme le gentil Tchoupi en Psycho Killer sur une reprise des Talking Heads, écrit une ode au liquide vaisselle et lance espiègle, en référence au clip de We love electronics : « Si on me dit : vas-y on te déguise en caniche royal et tu transformes des meufs en cartes à puce, comment dire non à ça ? ». Pour promouvoir la sortie allemande de Music is dead, il a joyeusement photoshopé quelques stars locales.
Jamais à court d'idées, qui sait dans quel projet loufoque il se lancera après ça ?