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Nymphéas...

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Le Puy de Babel

Le 8 décembre dernier, la Comédie de Clermont-Ferrand nous conviait à une représentation du Quatuor Satie dédiée à la musique contemporaine pour cordes (violons...), avec au programme François-Bernard Mâche, François Sarhan, Letta Wennakoski, ainsi que Kaija Saariaho dont la pièce musicale qui conclut ce programme donne son nom à notre spectacle.

 Par Fabien Semin

Au cours de ces quatre pièces, nous sommes ou semblons invités à entrer dans un univers étrange, instable et dérangeant, celui de la musique contemporaine. Musique se voulant non conventionnelle, recherches sonores, tentative de création musicale de ceux qui, las de porter un héritage musical sans doutes trop lourd, l'ont sapé, torturé et corrompu, cherchant un souffle désespérément nouveau.

Cela donne une musique souvent abstraite et hermétique, porteuse d'une caractère subversif trop intentionnel pour être véritablement expressif, et donc qui passionne difficilement mais intrigue tout de même. C'est hélas le même constat, à peu de choses près, que l'on peut tirer de cet hommage donné en spectacle qui porte le nom de Nymphéas. Ou du moins ne se fait-il pas représentatif de ce que la musique contemporaine a de plus touchant et fascinant.

Certes chacune des pièces réussit son objectif thématique et atmosphérique, mais sans parvenir à retenir pleinement l'attention ou captiver. Néanmoins, la qualité attractive augmente de pièce en pièce, jusqu'à la dernière (Nymphéa, de Kaija Saariaho), qui reste la plus intéressante.

Le concert s'ouvre avec Eridan de F.-B. Mâche. Il semble s’agir d'une évocation de la nature, sauvage, brute et anarchique. Mais un voyage trop intimiste parfois presque aussi ennuyeux que ces documentaires nocturnes consacrés à la nature. Quelques cris d'oiseaux, un bourdonnement, une rafale de vent ? Perdu dans une forêt ni menaçante, ni charmante, on a plus envie de s'asseoir au pied d'un arbre et de lire (un livre d'Aristote consacré à la nature, qui sait ? Tant la musique se veux aussi inaccessible que le philosophe) que de la parcourir, de l'observer, d'y errer inlassablement. Voilà un paysage inconnu ou l'on s'ennuie si vite, et même perdu on y trouve pas le courage de fuir !

Parfois une tension monte, une agitation nous sort de notre torpeur... mais retombe, hélas trop vite.

Le final parvient enfin à saisir, à accrocher, mais il est bien tardif, et ne suffit pas à donner une véritable ampleur à cette pièce.

Le second morceau, Bobok de F. Sarhan, narre l'errance d'un homme dans un cimetière. Ici, il va sans dire que le style tourmenté de l'esprit contemporain s'adapte bien au thème, qui balance entre le fantomatique et la folie. L'obsession, l'égarement, les ténèbres, autant de motifs qui surgissent dans cette ballade assez lugubre, mais qui n'atteint pas cependant un véritable pathétique. L'ambiance est là, mais le voyage finit par tourner en rond. Et le fatal ennui de ressurgir. Une pièce dont le début reste le plus marquant, mais qui par la suite accumule trop de longueurs, et une fois de plus on est tenté de laisser notre homme perdu dans son cimetière, ou de le jeter dans la première fosse venue, tant sa plainte nous semble empreinte de noblesse de prime abord, mais sombre dans un long et pénible gémissement qui, voulant réveiller les morts, endormirait plutôt les vivants.

La pièce suivante, Cula d’aria de Lena Wennakoski nous plonge dans un univers sonore troublant, intriguant, presque trop recherché. Mais on retrouve toujours les inévitables longueurs et ces découpages perpétuels de motifs, certes intéressant, mais trop brefs pour être appréciés. Des passages prometteurs volontairement inaboutis, mais un décor plus stable bien qu’à l’apparence désassemblé. Un voyage sombre en des lieux éthérés…

Le concert s’achève avec Nymphéa, une ode sonore inspirée d’un poème, qui offre une place à quelques mélodies. Fidèle à son univers, Kaija Saariaho nous présente un monde encore et toujours mystérieux, balançant entre rêve et réalité, harmonie et chaos, mélodie et dissonance. Des passages tantôt chantant, déclamant solennellement une phrase musicale qui se perd dans un abîme de sonorité déstabilisante, tantôt animés et pressants, qui nous entraînent dans un monde aux multiples facettes, mais jamais pleinement révélé. Une pièce dont le caractère intimiste ne nuit pas à son accessibilité dans la mesure où la recherche sonore n’étouffe pas la recherche musicale.

Un morceau assez convaincant, qui relève l’intérêt du concert, mais qui est tout autant terni par les pièces précédentes, qui justement n’ont pas (ou peu) convaincu, et ont rendu la musicalité contemporaine lassante.

Malgré tout, ce concert reste une expérience musicale intéressante, somme toute assez gâchée par des pièces souvent lourdes et saturées techniquement, dont la légèreté éventuelle retombe trop brusquement.

Une musique, en fait, qui paraît bien inadaptée au concert (mais s’associerait à merveille à un film !). En effet, elle n’arrive que trop rarement à poser le décor, à emporter le spectateur. On reste cloué sur place, et au vu de la potentialité des instruments et même de la musique, cela est assez frustrant.

Un voyage, peut-être, mais un voyage trop guidé et convenu. Mais il n’y a-t-il pas quelque charme à tout voyage en terre inconnue ?

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