N'To : La mélodie du Sud version techno
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La cité phocéenne a trouvé son ambassadeur électronique. Depuis une dizaine d'années, N’To secoue les foules avec sa techno onirique bien au-delà des frontières de la planète Mars. Dimanche, il avait la lourde tâche de clôturer Rock en Seine. Entretien avant l'électrochoc.
Ce soir, au Parc de Saint-Cloud, la chaleur tape et la concurrence sera rude pour le producteur marseillais. Face à lui, sur la Grande Scène du festival, les frères prodiges des Chemical Brothers s'apprêtent à faire leur retour. Alors « Antho » est venu avec du renfort : quelques membres de son label, Hungry Music, et surtout Loris, son percussionniste. Stressés, mais souriants, les deux compères partagent leurs inspirations et aspirations futures.
cafébabel: Comment vous sentez-vous à deux heures du set ?
Loris : La scène s’appelle la « Pression stage », tout est dit !
N’To : Oui, on a toujours la pression avant de jouer. Même après des années ! Mais c’est normal quand tu as envie de faire quelque chose de bien. Et puis il ne faut pas se mentir, tu joues quand même devant plein de gens… Puis là, à Rock en Seine, on a une petite pression supplémentaire... Surtout qu'on va jouer notre projet à tous les deux, ce n’est pas un truc qu’on fait souvent.
cafébabel : Justement, pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce nouveau concept ?
N’To : C’est le Live Perc. C’est mon live habituel, mais retravaillé et repensé, avec Loris qui fait les percussions.
Loris : Je joue de la batterie, du marimba et du vibraphone. C'est la troisième fois qu'on le fait, et les deux premières fois tout s'est bien déroulé. En tout cas, moi j'ai passé un super moment !
cafébabel: En revanche pas de place à l’improvisation sur ce set ?
N'To : Là, on est deux donc la structure est forcément un peu plus définie, mais c’est cool comme ça aussi. C’est vrai que d’habitude, j’ai tous mes morceaux à disposition et en fonction de l’endroit et l’heure auxquels je joue, je choisis tel ou tel morceaux et l’ordre dans lequel je les passe. Je m’adapte.
cafébabel : En parlant des différentes ambiances dans lesquelles tu as joué, y a-t-il un lieu qui t’as particulièrement marqué ?
N'To : C’est compliqué d’en définir un qui soit au-dessus des autres… Après, la Hollande, c’est vraiment un endroit où il y a des putains de soirées et à chaque fois que je suis allé jouer là-bas, c'était énorme. Le public est très différent d’ici. En France, c’est super bien aussi parce que le public est super chaud. Il est très communicatif, il fait la fête, il est souriant, il échange vachement et c’est quelque chose de vraiment génial en fait. Et à Marseille qui est ma ville, j’ai vraiment un public qui est présent. C’est super cool à chaque fois.
cafébabel : Pas trop de mauvaises expériences alors…
N'To : Ça ne se passe jamais vraiment mal en fait. Il peut y avoir des petites erreurs parfois, mais bon ça fait partie du métier. Il n’y a jamais vraiment eu de gros couacs. Je ne me suis pas encore pris des tomates ou des œufs sur scène, donc c’est cool.
cafébabel : Pour revenir à ton parcours, tu as commencé la musique assez tôt, en jouant de la guitare. Qu’est ce qui t’as poussé vers l'électro par la suite ?
N'To : Ça s’est fait assez naturellement. C’est bête à dire, mais tu es passionné, tu fais de la guitare, t’écoutes plein de trucs : du rock, du reggae, du hip-hop. Tu sors en soirée…Tu finis forcément par entendre un peu d’électro. Et j’ai eu un énorme coup de cœur pour ce style de musique.
cafébabel : Il y a des artistes qui t’ont marqué ?
N'To : Oui, carrément ! Quand j’ai commencé à sortir sur Montpellier j’avais 18-19 ans. Et du coup, je pourrais te dire Stephan Bodzin, James Holden… Enfin, tu vois, tous les Allemands de l’époque qui faisaient de la minimale très mélodique, ça m’a mis une baffe. Je me suis rendu compte que l’électro ça pouvait être ultrasensible, travaillé, profond… Pas du tout froid, pas du tout déshumanisé. Et c’est ça qui m’a plu.
cafébabel : Oui, la mélodie prend une place assez importante dans ton travail. Tu laisses aussi parfois place à l'accoustique dans tes morceaux et désormais sur scène avec Loris. Est-ce quelque chose que tu veux développer d’avantage ?
N'To : Oui, là je touche du doigt ce que je veux faire depuis super longtemps. C’est-à-dire faire venir un groupe de musicien sur scène. Et avec Loris c’est d’autant plus cool, parce qu’on se comprend vraiment.
cafébabel : Et lorsque tu crées des morceaux, de quoi t'inspires-tu ?
N'To : Plein de trucs ! Parfois t’as pas vraiment d’idée de base, tu mélanges des sons et c’est comme ça que l’idée te viens. Parfois t’as envie de faire quelque chose parce qu’un morceau, un film, un voyage, un après-midi avec des potes ou ta meuf, t’as inspiré. Du coup, tu as une mélodie en tête ou une sensation, une humeur... Ça peut être n’importe quoi en fait. Et après tu mets ça en forme.
cafébabel : Le morceau « Ayahuasca » par exemple, c’est du vécu ?
N'To : Non ce n’est pas du vécu, même si ça m’a titillé ! Mais je ne sais pas comment je vivrais le truc… Il faut être préparé pour en prendre. Je me sens un peu trop borderline pour faire ça. Mais pour le coup c’est un bon exemple. J’ai vu le documentaire sur l’ayahuasca de Jan Kounen (D’autres mondes, ndlr) et j’ai adoré. Cette voix chamanique (présente dans le morceau d’N’To ci-dessous, ndlr) elle m’a vraiment fait un truc. Donc là, pour ce morceau, c’est ce documentaire et sa philosophie, qui m’ont inspirés.
cafébabel : Est-ce que tu travailles différemment lorsque tu remixes ou que tu composes ?
N'To : Pour moi, c’est plus facile de faire un remix qu’un original, parce que ça implique moins de choses intimes et personnelles. Tu as de la matière à la base qui ne t’appartient pas que tu vas refaçonner, un peu comme de la pâte à modeler. Tu vas déconstruire son truc et le refaire un peu à ta sauce. L’approche est un peu plus simple. La page blanche, mine de rien, c’est bien prise de tête. Mais c’est un exercice qui me régale. Les deux démarches sont intéressantes, je n’ai pas vraiment de préférence.
cafébabel : T’avais aussi sorti deux morceaux un peu plus trip-hop, sous le nom « Ento ». C’est un projet que tu as mis de côté ?
N'To : Oui, c’est vrai à l’époque, j’avais deux comptes Soundcloud. Mais dans ce projet-là plus trip-hop, il y avait un morceau qui s’appelait « The Bosnian » qui est finalement sorti sous le nom N’To. En fait je me rends compte que plus j’avance, plus tout ça se mélange, à l’image de ce qu’on fait avec Loris.
cafébabel : Et tu as également monté un label : Hungry Music…
N'To : Oui, c’est parti de ma rencontre avec Worackls et Joachim Pastor. Humainement, on a grave accroché, on est devenu super pote. Et après on s’est réuni autour d’une philosophie qui consiste un peu à s’affranchir des règles des labels habituels. On voulait pouvoir sortir nos morceaux sans forcément répondre à des codes, se donner le droit de faire de l’expérimentale, de mélanger plein de trucs. Donc on s’est dit qu’il fallait qu’on bosse ensemble et le label est arrivé naturellement derrière, il y a un an et demi. Depuis, on a fait une dizaine de releases, plein de petites vidéos, une première tournée… Tout s’est très bien passé. Là on fait une pause, mais on reprendra à la rentrée avec un concert à la WeArt à Marseille, mais aussi l’Olympia en janvier.
cafébabel : En tant que producteur et après 10 années dans la musique, quel regard portes-tu sur la scène électro française ?
N'To : Un très bon regard ! Nous, on suit pas mal d’artistes comme EFIX qui fait l’ouverture de toutes nos tournées. On place beaucoup d’espoir en eux. Je trouve que ces dernières années, ça a évolué dans une super direction. Ça s’est vachement ouvert à plein de styles : électro, rock jazz… Ça s’est aussi beaucoup plus popularisé. Plus de festivals, plus de soirées, plus de gens, plus de possibilités d’échanges, de collaborations. C’est génial, la scène électro se porte très bien et ce n’est pas près de s’arrêter.