Participate Translate Blank profile picture
Image for Nouvelles élections en Espagne : et maintenant ?

Nouvelles élections en Espagne : et maintenant ?

Published on

BruxellesPolitique

Alors que le Roi Felipe VI a finalement convoqué de nouvelles élections pour le 26 juin, la situation politique du pays reste plus qu’incertaine.

C’est le mardi 3 mai, à 09h37, que le Roi d’Espagne, a signé un décret afin de convoquer de nouvelles élections législatives, afin de sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays depuis la fin de l’année 2015. Celles-ci auront donc lieu le 26 juin, soit plus de six mois après celles du 20 décembre, ayant débouché sur un Congrès (chambre basse du Parlement) incapable de constituer une majorité en vue de former un gouvernement.

Pour rappel, les élections législatives de 2015 ont été historiques, marquées par un bouleversement politique. Les deux formations politiques traditionnelles, el Partido Popular (PP, droite), de l’actuel Premier ministre Mariano Rajoy, et le Partido socialista obrero español (PSOE, gauche) ont vu deux nouveaux partis, issus de mouvements citoyens, Ciudadanos (centre-droit) et Podemos (gauche radicale) obtenir des scores significatifs. Avec 123 sièges (28,7% des suffrages), le PP était arrivé en tête, devant le PSOE avec 90 sièges (22%), Podemos avec 69 sièges (20,6%) et Ciudadanos avec 40 sièges (13,9%).

Ainsi, pour gouverner, une coalition entre le PP et le PSOE, ou entre trois partis était nécessaire au moment du vote d’investiture. Le PSOE ayant refusé de soutenir le PP et Podemos, de Pablo Iglesias, ne souhaitant pas composer avec Ciudadanos, aucun gouvernement n’a pu être trouvé après plusieurs mois de négociations. C’est la raison pour laquelle le Roi Felipe VI a décidé de convoquer de nouvelles élections pour juin.

Une issue sans doute similaire

 Problème majeur, un nouveau scrutin ne donnera pas forcément lieu à de profonds mouvements et il se pourrait très bien que le Congrès ne puisse réunir de majorité nécessaire pour former un gouvernement à l’été. Effectivement, une enquête réalisée dernièrement par Metroscopia, célèbre institut espagnol de sondage, prédit des changements mineurs, à savoir une victoire du PP avec 29% des voix, devant le PSOE, emmené par Pedro Sánchez avec 20,3%, Podemos avec 18,1%, Ciudadanos avec 16,9% et Izquierda Unida avec 6,6%. Et ce, dans l’hypothèse où le taux de participation atteindrait 70%.

Dans ce cas de figure, le journal El Mundo a établi que, les partis obtenant un nombre de sièges plus ou moins similaire à celui de décembre, une coalition entre le PP et le PSOE, ou celle entre trois partis serait quand même nécessaire pour former un gouvernement.

 Or, les leaders des grandes formations politiques ne semblent pas prêts à plus de compromis qu’ils n’étaient prêts à en faire ces derniers mois. Albert Rivera, leader de Ciudadanos, qui était disposé à soutenir un gouvernement conduit par Mariano Rajoy il y a quelques mois, a même déclaré mardi 3 mai qu’il voulait un « gouvernement nouveau pour l’Espagne (…) Quand je parle d’un gouvernement nouveau, ce que je veux dire est évident », en référence à l’actuel Premier ministre, en poste depuis 2011. La formation d’un gouvernement dans les prochains mois est donc compromise.

Un système proportionnel inefficace face à la crise économique ?

 Au regard des résultats passés et sans doute à venir, force est de se poser la question de la pertinence d’un scrutin proportionnel aujourd’hui. Le scrutin majoritaire attribue le nombre de sièges aux candidats arrivés en tête dans les différentes circonscriptions. Quant au scrutin proportionnel, il représente assez fidèlement le vote de chaque citoyen et attribue le nombre de sièges selon le pourcentage de voix, via un système de liste. C’est ce système qui est en vigueur en Espagne.

Si ce dernier a l’avantage d’être plus démocratique, l’autre, favorisant les grands partis politiques, présente moins de risques en termes de gouvernabilité. Jusqu’aux dernières élections, le PSOE et le PP se partageaient le pouvoir et la grande majorité des sièges au Congrès. Le système proportionnel ne présentait donc pas le désavantage de l’inefficacité et les grands partis étaient sûrs d’obtenir une majorité absolue s’ils arrivaient en tête aux élections législatives.

Mais la crise économique et sociale, la défiance à l’égard des politiques, l’émergence des réseaux sociaux et des mouvements citoyens ont complètement changé la donne. Les électeurs se tournent à présent, en partie, vers des personnages non-politiciens de métier, maîtrisant néanmoins la communication, dénonçant la corruption des hommes politiques et les dysfonctionnements des institutions.

Par conséquent, il n’y a rien de surprenant à ce que le système proportionnel donne lieu à un Congrès sans majorité, incapable de trouver un gouvernement. Si le système proportionnel est en vigueur ailleurs, par exemple pour les élections européennes, le dogmatisme est bien moins marqué au Parlement européen et les partis politiques votent régulièrement ensemble, après une négociation. En l’occurrence, au Congrès espagnol, les oppositions idéologiques ou culturelles sont telles entre les quatre principaux partis actuels qu’une coalition de trois partis s’avère improbable.

Dans ce contexte se (re)pose la question de la pertinence d’un scrutin proportionnel, démocratique mais parfois véritablement inefficace. Et pourtant, trouver un gouvernement qui prendra des mesures économiques concrètes s’avère plus que nécessaire pour les Espagnols, alors que la Commission européenne a publié mardi 3 mai ses prévisions économiques de printemps pour l’Union et pour le Royaume. L’institution de l’Union européenne estime que cette année, le déficit public atteindra 3,9% et le taux de chômage 20% (18,1% pour 2017). Elle estime par ailleurs qu’il y a des risques de « baisse de prévision de la croissance principalement en raison de l’incertitude concernant la formation d’un nouveau gouvernement ». La situation économique n’étant pas stabilisée, trouver un gouvernement est donc impératif.

___

Cet article a été publié par la rédaction de cafébabel Bruxelles. Toute appellation d'origine contrôlée.