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Nouvelle vague sur scène

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Culture

Libéré du joug communiste, le théâtre tchèque a trouvé son identité, entre pop culture et expérimental. Portraits de cette nouvelle génération.

L'indépendance de la Tchécoslovaquie en 1918 correspond à l’apogée de la création dramatique avec les oeuvres des dramaturges Frantisek Langer, Karel Capek ou Josef Capek. Mais le régime communiste va rapidement se servir de l'art comme d'un moyen de propagande. La création se retrouve placée sous la coupe du 'réalisme socialiste' : le drame édificateur est né.

Dans les années 1970, la critique du système socialiste s'amplifie grâce à l'apparition du théâtre d'art et d'essai et les ‘Studio Ypsilon’, ‘HaDivadlo’.... Quelques auteurs d'exception ouvrent la voie d'un théâtre libre : Vlasta Chramostova, Daniela Fisherova, Ctibor Turba, ou Karel Steigerwald.

Aujourd'hui, les salles de théâtre pragoises sont organisées autour de troupes qui leur sont attachées, et font encore appel à un ou plusieurs ‘dramaturgs’, des personnes chargées de sélectionner des œuvres, en tenant compte de la spécificité du lieu pour lequel ils travaillent mais également de leur propre conception du théâtre.

À la fois populaire et social, le thèâtre tchèque semble avoir trouvé sa voie à Prague. Hybride, il a su repenser son rôle au sein d’une nouvelle société, tout en fidélisant un public attiré par de nouvelles distractions.

Lucka Kosova, critique dramatique

Comme toute jeune fille, elle rêvait d'être une actrice universellement reconnue. Mais la réalité a été toute autre. Après avoir assisté à de nombreuses pièces du répertoire tchèque et russe, elle trouve sa voie dans l'univers de la scénographie. Décrypter les jeux de couleurs, interpréter la mise en scène ou transmettre un message au public, voilà sa vocation. Sa vision du théâtre actuel se veut plutôt critique : « Il y a 2 sortes de théâtre : celui, populaire, qui ne cherche qu'à divertir sans réfléchir, et celui, plus exigeant, d'auteur qui cherche vraiment à véhiculer un message. »

Kosova est étudiante à la prestigieuse école théâtrale de la DAMU à Prague : l’institution qui forme les futurs acteurs, dramaturges, critiques et scénographes du pays, propose un théâtre hybride qui mélange la danse, le cinéma et la musique. Une approche qui conduit à rompre la frontière symbolique entre le public et la scène. Lucka voit se profiler une sorte de ‘Nouvelle vague’ tchèque, une nouvelle élite. Et définit l’objectif ainsi : « Le théâtre, pour moi, c'est quand les deux lignes formes et couleurs, public et scène, textes et décors se rejoignent en une seule. »

Petr Kolecko, dramaturge en vogue

Le jeune homme, formé également à la DAMU, incarne le symbole de ce nouvel élan qui se dessine à Prague. Atypique, Kolecko vient de rencontrer un énorme succès grâce à sa pièce ‘Britney goes to heaven’ qui relate sur un ton ironique les déboires de la déesse pop américaine Britney Spears. Pourtant descendu par les critiques, le texte sera prochainement traduit en anglais. Kolecko n’a pas de complexe à revendiquer la pop culture, celle qui s'adresse à un public sans éducation théâtrale particulière. « Mon seul but est de raconter des histoires », explique-t-il.

« Il n'y a rien à expliquer avec des mots. Le théâtre, c'est aussi simple qu'un programme TV: soit on aime, soit on zappe. » L'originalité de son style provient du mélange des genres populaires que l’on retrouve dans son théâtre : le football, la télévision, ou le cinéma. Petr Kolecko représente une troisième voie, entre le répertoire classique et la tradition populaire. « Mon but, c'est que chaque spectateur sorte de la salle en se disant qu'il s'est bien diverti, » dit-il. Aujourd’hui, cet auteur prometteur croule sous les propositions notamment pour des adaptations télévisuelles.

Nina Chromeckova, actrice (sur)réaliste

À l'aube de ses 30 ans, Chromeckova excelle dans le théâtre expérimental. Après des études à l'université, elle intègre, sur le tard, une troupe nommée ‘Mama y Papa’, composée de 7 musiciens et de 10 acteurs. Une révélation.  « Je me suis éclatée comme jamais. J'ai pu travailler sur des textes totalement différents les uns des autres. C'était mon premier grand voyage. » Attirée par « les oeuvres russes et japonaises », elle constate l’apparition d’une nouvelle génération scénique plutôt hétérogène.

« Il y a beaucoup de jeunes troupes qui tournent dans tout le pays et qui rencontrent un franc succès. Depuis notre indépendance, les gens n'ont plus peur de la censure politique. C'est intéressant, d'ailleurs, de jouer sur scène avec les peurs des gens. Une façon de faire une thérapie collective. » Passionnée par la danse, le flamenco, et le ballet, la jeune femme pratique dorénavant le théâtre au sein de la troupe ‘Ztracena’ [Existence], écumant les petites salles et les bars. Elle joue, en ce moment ‘Dentalni Rapsodie’, une pièce d'Alexandr Guha. Le surréalisme et le dadaïsme influencent avant tout ses choix. Chromeckova trouve aussi du temps pour travailler dans une ONG auprès des plus démunis. « Communiquer pour les autres, voilà ma devise », justifie t-elle.