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Nouveau Parlement européen, nouveaux défis ?

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BruxellesPolitiqueDossier spécial Européennes

Les élec­tions eu­ro­péennes ont lieu dans quelques jours… C’est l’oc­ca­sion de faire le bilan et de voir les défis qui at­tendent les pro­chains di­ri­geants eu­ro­péens. Quels sont les pro­blèmes à ré­soudre pour cette nou­velle lé­gis­la­ture ? Sept jeunes eu­ro­péens mettent l’ac­cent sur la mon­tée de l’eu­ros­cep­ti­cisme, la lutte contre la cor­rup­tion et l’in­fluence des lob­bys.

Selon les der­niers son­dages, les par­tis eu­ros­cep­tiques pour­raient ob­te­nir 20 % des voix aux eu­ro­péennes. Ma­rine Le Pen compte for­mer une al­liance avec le Parti pour la li­berté du Néer­lan­dais Geerts Wil­ders. Pour ce faire, ils doivent ras­sem­bler 25 eu­ro­dé­pu­tés ve­nant de 7 États membres dif­fé­rents.

« La pa­trie, pas le dik­tat de l’UE » 

« Le repli sur soi est de plus en plus pré­sent. Les gens pensent qu’on ne peut déjà plus s’oc­cu­per des autres, il faut d’abord pen­ser à soi », voilà l'une des rai­sons avan­cées par Viki, Au­tri­chienne de 25 ans pour ex­pli­quer la mon­tée de ce sen­ti­ment an­ti­-eu­ro­péen. Elle cite l’exemple d’une af­fiche FPÖ, l’an­cien parti de l’Au­tri­chien Jörg Hai­der. Il y est ins­crit : « Hei­mat statt EU-Dik­tat » (« La pa­trie, pas le dik­tat de l’UE », nda). Pour Phi­lipp, Al­le­mand de 28 ans, la mé­con­nais­sance du rôle des ins­ti­tu­tions eu­ro­péennes contri­bue éga­le­ment à l’eu­ros­cep­ti­cisme. « L’UE ne fait pas vrai­ment at­ten­tion aux par­ti­cu­la­ri­tés ré­gio­nales. Je com­prends que les ci­toyens veulent ma­ni­fes­ter leur iden­tité. Les normes eu­ro­péennes s’ap­pliquent à tout le monde, qu’on le veuille ou non », ajoute-t-il.

Mu­se­ler l’ex­trême droite ?

Pour en­di­guer cette mon­tée an­ti­eu­ro­péenne, Viki es­time que l’UE de­vrait être mettre sur pied des séances d’in­for­ma­tion et des for­ma­tions dans les écoles sur les ins­ti­tu­tions eu­ro­péennes et leur fonc­tion­ne­ment. Elle admet que de nom­breuses in­for­ma­tions sont dis­po­nibles, mais « per­sonne ne cherche des in­for­ma­tions à ce sujet ».

Selon Dora, Hon­groise de 26 ans, il fau­drait in­ter­dire les par­tis d’ex­trême droite, « même si ce n’est pas la so­lu­tion ». Elle es­time que le sou­ve­nir de l’oc­cu­pa­tion al­le­mande pen­dant la Seconde Guerre mon­diale re­pré­sente un pro­blème im­por­tant de l’his­toire hon­groise : « les au­to­ri­tés hon­groises re­jettent toute res­pon­sa­bi­lité dans les évè­ne­ments, ils disent que seuls les Al­le­mands sont res­pon­sables, mais la Hon­grie a éga­le­ment col­la­boré et un parti nazi exis­tait à l’époque. Une si­tua­tion si­mi­laire peut se re­pro­duire, mais avec les Roms, les Juifs… »

Cor­rom­pus jus­qu’à la moelle…

Comme en té­moigne la carte du taux de cor­rup­tion de Trans­pa­rency In­ter­na­tio­nal, les États du sud et sur­tout de l’est de l’Eu­rope sont les plus cor­rom­pus. Les trois nou­veaux États membres de l’UE, la Bul­ga­rie, la Rou­ma­nie et la Croa­tie ob­tiennent res­pec­ti­ve­ment 43, 41 et 48 sur 100.

« Les di­ri­geants croates sont cor­rom­pus et ne sont pas com­pé­tents, et tout le monde en est conscient. L’an­cien Pre­mier mi­nistre est ac­tuel­le­ment en pri­son pour cor­rup­tion », ex­plique An­to­nio, Croate de 25 ans.

Selon lui, la cor­rup­tion est pré­sente dans tous les ni­veaux de la so­ciété, même la dis­tri­bu­tion de fonds aux as­so­cia­tions d’étu­diants. « Tant que tu connais les bonnes per­sonnes, tu ar­rives à tes fins », as­sure-t-il.

Cet étu­diant en an­thro­po­lo­gie ne re­jette pas la faute sur l’UE, mais sur le gou­ver­ne­ment na­tio­nal. « Mal­heu­reu­se­ment, on ne peut rien faire pour en­di­guer la cor­rup­tion », conclut-il, dé­pité.

Bruxelles ou la ca­pi­tale du « pan­tou­flage »

Pour de nom­breux ci­toyens, les ins­ti­tu­tions, et en par­ti­cu­lier la Com­mis­sion eu­ro­péenne, se concentrent trop sur des su­jets sans im­por­tances et vont trop dans le dé­tail.

En mai 2013, la Com­mis­sion a par exemple tenté, en vain, d’in­ter­dire l’uti­li­sa­tion de bou­teilles d’huile d’olive à usages mul­tiples sur la table des res­tau­rants. Plu­sieurs États membres, dont la France, s’étaient op­po­sés à cette dé­ci­sion. « Je me suis d’ailleurs de­mandé pour­quoi ils ont passé au­tant de temps à par­ler des bou­teilles d’huile d’olive dans les res­tau­rants », se de­mande Phi­lipp.

« Les eu­ro­dé­pu­tés ne sont pas com­pé­tents et ils se penchent sur des su­jets pré­sen­tés par les lob­bys », pour­suit-il. Les groupes de pres­sion sont très bien im­plan­tés à Bruxelles : on re­cense plus de 15 000 lob­byistes dans la ca­pi­tale eu­ro­péenne.

À l’échelle mon­diale, Bruxelles ar­rive en deuxième place après Wa­shing­ton. « Google a, par exemple, ou­vert ré­cem­ment un bu­reau à Bruxelles. Le géant amé­ri­cain de la re­cherche sur In­ter­net dé­pense 1,25 mil­lion d’eu­ros par an en lob­bying », ex­plique Oli­vier Hoe­de­man du Cor­po­rate Eu­ro­pean Ob­ser­va­tory (CEO).

Re­trou­vez le do­cu­men­taire « The Bu­si­ness Brus­sels Do­cu­men­tary ». Cette vidéo met au jour la pra­tique des lob­byistes dans la ca­pi­tale eu­ro­péenne. Elle ex­plique no­tam­ment la pra­tique du « pan­tou­flage » selon lequel un haut fonc­tion­naire eu­ro­péen ar­rête de tra­vailler pour l’UE et se re­trouve dans une en­tre­prise pri­vée. Fort de son ex­pé­rience, l’an­cien fonc­tion­naire dé­tient les clés pour ou­vrir les portes et in­fluen­cer le pro­ces­sus de prise de dé­ci­sion pour les in­té­rêts pri­vés…

Les té­moi­gnages de cet ar­ticle pro­viennent d’en­tre­tiens avec sept jeunes Eu­ro­péens âgés entre 25 et 30 ans du 21 mars au 5 avril. Ils viennent de 6 États membres de l’UE : Al­le­magne, Au­triche, Croa­tie, Hon­grie, Ré­pu­blique tchèque et Slo­vé­nie.