Noëlle Lenoir : « La séparation manichéenne entre l'université et l'entreprise n’est plus d'actualité »
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50 % des lecteurs de cafebabel.com qui ont participé à un sondage en ligne sur notre site souhaitent que les bourses universitaires soient augmentées. L’ancienne ministre française aux affaires européennes, Noëlle Lenoir, commente ce résultat.
Augmenter les bourses universitaires : 50 % des lecteurs de cafebabel.com qui ont cliqué sur notre sondage approuvent cette idée. Dans un contexte de réformes liées au processus de Bologne, 10 % souhaitent également « geler » son application, et 18 % veulent interdire le financement de la recherche universitaire par le privé. Noëlle Lenoir analyse ces réponses… à une semaine de la constitution du nouveau Parlement européen.
Comment réagissez-vous face aux résultats de notre sondage sur le processus de Bologne ?
Ce sondage vient à propos, dix ans après le lancement du processus de Bologne en 1999. Il montre à quel point les jeunes sont sensibles à ses objectifs, qui sont de faire converger les systèmes d'enseignement supérieur pour faire naître une véritable Europe universitaire. N'oublions pas que cette Europe a bel et bien existé avec l'apparition d'un mouvement intellectuel qui aboutit à la naissance des universités au XIIIe siècle, les principaux centres étant alors Paris et Bologne.
Aujourd'hui, il faut faire renaître ce mouvement mais sur une base démocratisée, fondée sur le droit de chacun à la connaissance et à l'enseignement au plus haut niveau. C'est ce qu'entendent dire les sondés lorsque 50 % d’entre eux appellent de leurs vœux la multiplication des bourses universitaires. Là où le bât blesse, c'est que cette action dépend de la bonne volonté et des financements des Etats, et qu'il faudrait une plus grande impulsion au niveau communautaire. Erasmus ne peut à lui seul supplée l'insuffisante mobilité des étudiants en Europe.
Il est plus inquiétant de voir près de 20 % des sondés demander l'interdiction du financement de la recherche universitaire par les entreprises privées. Cette séparation manichéenne entre l'université et l'entreprise ne me paraît plus d'actualité. Les universités doivent continuer à faire de la recherche et pour ce faire, il faut qu'elles puissent mobiliser des fonds privés, insuffisants notamment en France pour contribuer à l'effort européen de recherche tel que la stratégie de Lisbonne l'avait souligné en l'an 2000.
Enfin, comment interpréter le fait que 10 % des sondés seulement soient en faveur de la paralysie de la « réforme universitaire ». Je pense que les étudiants sont pour faire avancer les choses. Ils peuvent contester telle ou telle mesure d'une réforme, mais sont conscients de la nécessité de revaloriser nos universités, dans une Europe concurrencée par les géants chinois, indiens... sans parler du système universitaire américain dont la qualité et l'attractivité ne sont plus à démontrer.
Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat avec le Cercle des Européens dont Noëlle Lenoir est présidente.