Navire norvégien en eaux troubles gréco-turques
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Le manque d’enthousiasme de la part des Européens à accueillir la Turquie dans l’Union serait-elle à l’origine d’un incident diplomatique sous-marin qui a troublé la paix dominicale en Grèce le week-end dernier ?
Un navire de recherche battant pavillon norvégien effectuait en fin de semaine dernière des recherches géophysiques destinées à repérer d’éventuels gisements pétroliers sous-marins dans le bassin égéen, près de l’île grecque de Kastellorizo. Dans ces zones maritimes, les frontières liquides sont souvent l’objet de remises en question, souvent franchies selon les uns, pas franchies selon les autres. En l’occurrence, le navire de recherche se trouvait en eaux grecques selon Athènes, et effectuait ses sondages dans la partie grecque du plateau continental égéen. Il y était d’ailleurs autorisé, mais dans des conditions strictes et sur une zone limitée.
L’événement a soudain paru très étrange et justifié, aux yeux du gouvernement grec, l’envoi de navires de guerre grecs destinés à freiner l’avancée norvégienne quand il s’est avéré que l’inoffensif bateau norvégien était suivi d’une frégate de la Marine militaire turque, et que son commanditaire était la Société anonyme turque de pétrole (TRAO). Autrement dit, derrière le pavillon scandinave, se cachaient les ambitions pétrolières du voisin turc, dont le journal To Vima, qui rapportait l’événement le 18 novembre, analysait ainsi le comportement: il s’agissait pour Ankara d’envoyer un message clair à la Grèce, mais aussi Chypre et l’Egypte, qui se partagent ce plateau continental, pour qu’aucune décision liée à l’exploitation de gisements pétrolifères ne se prenne sans son accord et son concours. Déjà en 1987, une affaire similaire (il s’agissait alors d’une compagnie canadienne qui cherchait du pétrole autour de l’île grecque de Thasos) avait failli dégénérer en conflit armé entre la Grèce et la Turquie.
Mais, selon To Vima, le contexte actuel se prête à la répétition de l’Histoire: les refus réitérés de l’Union européenne d’intégrer en son sein européen la Turquie, et le marasme politique qui règne actuellement en Grèce (le parti au pouvoir, et les autres, étant englué dans une ronde joyeuse de scandales divers) auraient fait prendre aux autorités turques la décision de tenter le diable et d’essayer de prendre de fait position sur ces espaces maritimes partagés. Finalement, “la Turquie n’a plus besoin de se montrer comme le bon élève du bassin égéen” si ces efforts ne paient pas au niveau européen.