« My city, my river » : le fleuve serein
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Par Tania « Le beau Danube bleu » ; l’une des premières références que l’on me fait lorsque j’évoque Vienne. Mon grand-père me chantait cette chanson. « Il n’est même pas bleu » a-t-il dit lorsqu’il l’a vu de ses propres yeux. « Quelle histoire alors. »Ce jour-là, il était vert. Vert-gris. Comme souvent.
Ma mère m’a toujours dit qu’elle ne pourrait pas habiter une ville sans fleuve.
Les villes où elle a vécu, Paris, Orléans, Bordeaux, Luxembourg, ont toutes un fleuve. Et moi je me retrouve à Vienne.
Moi qui, Parisienne, est partie pour Vienne plus pour un Autrichien que pour la ville, ce fleuve me sauve. Il me sauve, car il me permet d’y faire quelque chose que je ne peux pas faire à Paris : me baigner au cœur de la ville. Vienne conjugue ainsi les deux lieux de mon enfance : Paris et le Sud de la France, puisque je suis au cœur d’une capitale, active, bruyante, et qu’en même temps je peux enfiler un maillot de bain, prendre le métro et aller me baigner. A Paris, c’est interdit. Il y a même une police fluviale pour interdire aux Parisiens de se baigner. La pollution est telle qu’on risque une contravention.
A Paris, il y a Paris-plage. A Vienne, il y a ces longues rives du Danube qui s’étendent sur des kilomètres. A Vienne, il y a le « FKK-Bereich », où je me baigne nue les jours où j’oublie mon maillot de bain, cachée derrière les buissons, surveillant les voyeurs, mais la conscience tranquille puisque ma nudité est légale. A Vienne, il y a ces colonies de mini-méduses d’eau douce qui attestent de la qualité de l’eau. A Vienne, il y a ce serpent d’eau douce qui vient me voir et qui m’effraie chaque fois. Le plus souvent c’est quand même lui qui a le plus peur.
Le long du fleuve, il y a ces pistes cyclables qui s’étendent sur des kilomètres, sur toute l’Ile du Danube. Rien de tel pour faire une balade un après-midi ensoleillé.
Le Danube, je ne l’ai découvert que très tard. Je vivais dans le centre de la ville. La seule fois où j’y suis allée, c’était pour visiter l’ONU. Autant dire que je ne l’ai que traversé. Après, j’ai rencontré quelqu’un qui vivait près du fleuve. Mon centre de gravité s’est déplacé. Vienne est devenue une autre ville. Une ville où, plutôt que de marcher dans les rues, de faire attention aux voitures, de faire du shopping, de manger dans des restaurants fermés, on pouvait faire du vélo dans des étendues vertes, plonger depuis les rochers dans l’eau, manger une glace au milieu d’une balade au bout de l’île, admirer les montagnes en passant lentement devant, dégagées de tout bâtiment qui en cacherait la vue.
Le chemin pour aller au Danube m’est maintenant familier. « Alte » ou « Neue Donau », je ne sais jamais mais à pied je sais m’y retrouver. En métro je sais où descendre et de quel côté marcher. Ces plages vertes à longueur de vue en désorientent plus d’un.
Je me suis longtemps sentie perdue, dans Vienne. J’avais toujours à l’esprit cette question, sortie d’un livre « où irais-tu si tu avais besoin d’être seule ? » Longtemps, à Vienne, je n’ai pas su. Je me demandais où j’irai, si j’allais mal. Je n’avais pas de réponse. Et puis, j’ai découvert le fleuve. Aujourd’hui, c’est là que j’irai. Non pour être seule, mais pour être accompagnée.