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Mozes and the firstborn : garage à vau-l'eau

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Culture

A priori, avoir l’ambition de faire de la pop-garage-grunge quand on est hollandais ne devrait pas convertir tous les profanes. Pourtant, le groupe d’Eindhoven a d’ores et déjà fait le voeux de n’avoir Dieu que pour lui. Rencontre tamisée où scintille Nirvana, Le Prince d’Egypte et le roi très rock des Pays-Bas.

Nous savons tous que nos premiers émois surviennent généralement devant la télé, vers l’âge de 8 ans. Si toute une génération d’enfants de cœur reste marquée par la mort de Mufasa - le père de Simba dans Le Roi Lion - les rejetons nés dans les années 1990 ont connu d’autres chocs émotifs. Ainsi va la vie de Melle Dielesen, jeune chanteur de rock hollandais âgé de 18 ans : « quand j’avais 8 ans, je regardais tout le temps Le Prince d’Egypte et à un moment, Dieu tue tous les premiers-nés égyptiens. Ça m’a choqué. »

Du garage, au sous-sol

Ainsi, aussi, va la vie de Mozes and the Firstborn. Quand les 4 gamins d’Eindhoven (sud des Pays-Bas, ndlr) réfléchissent à un nom de scène après avoir épluché quelques housses de guitares, Melle trouve les maux justes. Contenus par la nostalgie, les 3 autres membres - Raven, Corto et Ernst-Jan - se soumettent à la volonté du messie qui, lui, trouve encore son idée « cruelle mais cool ». Mais c’est bel et bien en équipe que le groupe des Pays-Bas est venu évangéliser Paris, dans la moiteur d’un hôtel reculé du 9ème arrondissement. Très rapidement du moins. La formation est juste de passage pour la promo de leur dernier EP, I Got Skills (sorti le 3 juin dernier) avant un exode à Rennes et un étrange concert privé à l’occasion de leur première date en France. Qu’importe, Moïse est là, dans le noir, bien baquet dans le canapé qui enfonce aussi ses 3 disciples. Figuration divine ou pas, le rai de lumière qui émane de l’entrebâillement des rideaux esquisse des silhouettes que l’on portait disparues : des grunges.

nous, c'est le goût

Rencontrer Mozes and the Firstborn c’est pactiser avec Les Seigneurs de Dogtown, sans les skates mais avec les tricks de langages. Imberbes, cheveux sur les épaules, chemises d’hiver et slim pant un peu crade, les mecs adoptent à merveille l’attitude des kids défoncés à la verveine. Tout doux, man. Un an et demi, c’est l’âge de ce groupe monté autour de Melle, le chanteur-prophète et de Raven, le batteur blond de 23 ans. Cela dit, en témoigne les paroles d’I Got Skills (qu’on pourrait traduire par « J’ai le mojo »), les premiers-nés mettent beaucoup d’énergie à faire savoir qu’ils sont déjà baptisés. « On croit vraiment en notre truc. J’ai arrêté mes études pour faire ça et je pense qu’on a été suffisamment imaginatifs pour apprendre à faire nous-mêmes nos propres disques », confie Raven, qui signifie « corbeau » en hollandais. Après des démos foutraques mises à disposition des badauds 2.0, les enregistrements du groupe tombent de plus en plus dans la pop enrobée de garage et avec un cœur en grunge. Ce qui donne, dans la bouche de Melle, de la « grungy-garage-pop ». Côté influences, c’est le guitariste Ernst-Jan de 29 ans - en niant toutefois être le papa du groupe - qui donne le ton : The Replacements, The Outsiders, Nirvana…que des groupes casse-couilles.

Oui, car à l’heure où beaucoup font dans le rance, les Mozes and the Firstborn ont décidé de séparer l’amer en deux. Et d'avoir du goût. Au delà du son tout en réverbération des années 90, il y a l’attitude, très importante pour des gamins de leur âge. « On a regardé tellement de shows à la télé où les mecs cultivaient un comportement d’emmerdeurs qu’on a été tenté de le faire. Mais en fait, on a plutôt opté pour le style de J. Mascis (leader de Dinosaur Jr, ndlr) énergique mais pas arrogant du tout », raconte Corto, à l’aise. Ne nous racontons pas d’histoires, les Hollandais sont on ne peut plus courtois voire carrément attachants lorsqu’ils se mettent à évoquer leurs souvenirs de tournée. La légende urbaine qui veut qu’un groupe de garage est forcément une bande d'ados décérébrés s’arrête là où commencent les mots de Ernst-Jan : « la vraie démarche c’est plutôt le do it yourself. Le garage c’est surtout des mecs qui enregistrent des disques dans leur chambre avec les moyens du bord. »

Le Bon Roi

Ce n’est donc pas un hasard si le groupe a élu domicile dans le sous-sol de la mère de Melle pour enregistrer. Mais au final, faire de la baraque du chanteur un studio a toujours semblé assez logique. « J’utilisais ce sous-sol pour toute sorte de projets quand j’étais gamin, affirme l’intéressé. J’ai réalisé des petits films, décortiqué des radios bref c’était déjà mon petit paradis, idéal pour faire les trucs que j’aimais faire. » D’autant plus quand on sait que la mère de Melle supportait admirablement bien le bordel ambiant. « On jouait parfois non-stop pendant 3 mois et très fort. On est parti en tournée. Quand on est revenu, elle nous a dit "vous m’avez tellement manqué, tout était si calme sans vous les gars." Elle nous apportait des jus de fruits, préparait des trucs… » 

Pourtant, les 4 membres sont bien produits par le batteur du feu groupe hollandais Urban Dance Squad : Magic Stick. La suite ? Elle ne devrait pas se passer très loin du sous-sol de la mère de Melle. Les kids ont l’air heureux à Eindhoven qui compte les bars « les plus cools des Pays-Bas » dixit Ernst-Jan, ancien taulier, et sûrement les hooligans (du PSV) les plus respectés d’Europe. A ce qu’il paraît, l’actuel roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, connu pour descendre les pintes aussi vite que les hôtels, venait s’encanailler dans les rades d’Eindo, le temps d’une année d’étude. « Mon père me disait que le jeudi soir, tu ne pouvais pas le rater. Le mec était complètement pété. Si bien qu’il a été surnommé ‘Prince pils’ (d’une nom d’une variété de bière, ndlr) après », se souvient Corto. Une question : le groupe saura-t-il exister dans une ambiance propice à la déraison ? Vous admettrez au moins une chose : avant de rentrer dans la lumière, Mozes and the Firstborn a tout du buisson ardent.

Les Mozes and The Firstborn reviendront près de chez vous, en décembre prochain, à Rennes dans le cadre du festival Rencontres Trans Musicales.

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.