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Morrissey que nous ne savons rien...

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Culture

C'est à la fin de l'été que l'autobio­gra­phie de Mor­ris­sey a été pu­bliée sur fond de contro­verse. Que nous ap­prennent ces 500 pages sur celui que l'on consi­dère en­core comme l'un des plus in­fluents pa­ro­liers outre-Manche, deuxième icône de la mu­sique bri­tan­nique tou­jours en vie ? Une fois le livre re­fermé, me suis-je fait ta­touer le front avec le vi­sage du Moz ? 

Du nou­veau ? Pas beau­coup en fait. Le ta­touage at­ten­dra. Je ne vais pas m'étendre sur les qua­li­tés lit­té­raires du livre en lui-même qui, au lieu d'être di­visé en cha­pitres, s'ar­ti­cule au­tour de la mort des proches de l'au­teur. Les com­men­taires ont ra­pi­de­ment fleuri : le fait que l'au­to­bio­gra­phie ait été édi­tée chez Pen­guin Clas­sic en a in­di­gné plus d'un (la mai­son d'édi­tion pu­blie plu­tôt des grands clas­siques dont la qua­lité lit­té­raire n'est plus à prou­ver, ndlr). Je vais néan­moins me per­mettre une re­marque : l'idée d'in­tro­duire dans le récit plu­sieurs pages de des­crip­tion sur le pro­cès du bat­teur de The Smiths (son an­cien groupe, ndlr) ou celles concer­nant la ren­contre entre le Moz et un fan­tôme dans des ma­ré­cages mé­ritent un seul mot, dans la langue de l'au­teur : « In­ter­es­ting ».

Moz - out­si­der DE Man­ches­ter

«Alma mater mat­ters » : l'art de Mor­ri­sey a été en grande par­tie fa­çonné par la ville de Man­ches­ter, mo­rose et in­dus­trielle. Re­la­tant son ac­ces­sion à la ma­tu­rité, Moz nous four­nit une image dé­tai­lée de Mad­ches­ter ne man­quant pas de qua­li­tés lit­té­raires (ni d'ali­te­ra­tions...) pour dé­crire la ville d'une blonde ro­buste qui, avec le concours de son amant, a as­sas­siné 5 en­fants au fond des ma­ré­cages. Une ville conçue comme un la­by­rinthe de rues hu­mides, où le té­lé­phone son­nait beau­coup avec au bout du fil tan­tôt Ian Cur­tis tan­tôt sa mère que l'au­teur pré­sente comme une beauté em­plie de bonté. Quant à son père, Moz nous ap­prend qu'il ne l'ai­mait pas de ma­nière in­con­di­tion­nelle. Hors de la mai­son, les choses sont en­core pires. Son prof de sport s'in­té­resse d'un peu trop près à la ci­ca­trise qu'il a sur le ventre lors­qu'il prend sa douche dans les ves­tiaires, l'ado se re­trouve à la marge de la so­ciété à cause d'une mèche de che­veux jaune. Bref, la gan­grène de l'in­com­pré­hen­sion se pro­page. Très tôt, il s'aco­quine avec des per­son­na­li­tés ex­cen­triques. L'un d'entre eux, James Maker, écrira un livre muni d'un titre des plus sug­ges­tifs : Au­to­fel­la­tio. Plus tard, David Bowie et Nancy Si­na­tra de­vien­dront, eux aussi, ses aco­lytes.

Moz - LA star et le mé­ga­lo­mane

Dif­fi­cile de le nier : Mor­ris­sey est un per­son­nage cha­ris­ma­tique. Les ac­tuels Mo­zo­philes, tout comme leurs pairs il y a vingt ans, se coif­fent, s'ha­billent et par­lent à la ma­nière du Moz. Le mu­si­cien a prouvé au monde en­tier que les nerds aussi pou­vaient être sexy, sans for­cé­ment avoir à se bi­tu­rer en continu ni à ava­ler des stocks de pi­lules. Il a mon­tré qu'en ayant assez de confiance en soi, il était pos­sible de se pro­me­ner sur scène avec un bou­quet de fleurs dans une poche de pan­ta­lon sans s'at­ti­rer de mo­que­ries. Moz, c'est an in­ter­es­ting drug. Si ce n'était pas le cas, exis­te­rait-il vrai­ment des gens pour se faire ta­touer les pa­roles de ses chan­sons sur le dos ? Per­son­nel­le­ment, je connais un type qui ne s'est ja­mais plus lavé la main que lui a ser­rée le chan­teur lors d'un de ses concerts. Pour­tant, le plus grand Mo­zo­phile c'est Moz lui-même. Cer­tains pas­sages du livre re­lèvent du pur ona­nisme. « En tant qu'ar­tiste, j'ai dé­cidé de n'uti­li­ser que mon nom, parce que je ne connais­sais per­sonne dans l'in­dus­trie de la mu­sique qui l'avait fait avant moi. A part des com­po­si­teurs de mu­sique clas­sique », écrit-il. Really, Ste­ven, really? Mais ce sont de vé­ri­tables ar­tistes que nous vou­lons, n'est-ce pas ? Uniques, in­sou­mis, ex­cen­triques, des stars qui osent plus que nous, mon­sieur et ma­dame Tout­le­monde. Dès le début, à l'époque de la fas­ci­na­tion pour The New York Dolls, Moz com­prend que pour se faire une place dans l'in­dus­trie de la mu­sique, il faut être vi­sible. Selon lui, s'il ne s'était pas construit une per­son­na­lité si forte, il n'au­rait pas pu se pla­cer aussi bien sous les feux de la rampe.

Le truc, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette confiance (ul­time) de soi. A un mo­ment du récit, il nous confie le choix qu'il a dû faire au lycée : « soit on est sup­por­table pour les autres, soit on l'est pour soi-même, car pour sur­vivre il faut étouf­fer sa vraie na­ture ». Lé­gè­re­ment schizo comme gar­çon puis­qu'il confes­sera plus tard, en ré­fé­rence aux pro­po­si­tions de film qu'il a dû dé­cli­ner : « je n'ose pas être moi-même, je serai en­core pire en tant qu'ac­teur ». 

Moz - sauve un minou

Dans son au­to­bio­gra­phie, celui qui se dé­crit comme un « hu­ma­sexuel » tombe le masque. Il nous ra­conte sa lutte contre la dé­pres­sion, dont les traces sub­sistent, mal­gré le Pro­zac.

L'au­teur men­tionne ses ac­tions hé­roïques, comme le sau­ve­tage de pe­tits chats et oi­sillons ren­ver­sés par des voi­tures, qu'il rap­porte à la mai­son en­ve­lop­pés dans une ser­viette en es­sayent de les ra­ni­mer. Vous avez sû­re­ment déjà en­tendu par­ler de cet homme avec qui il au­rait en­tamé une re­la­tion sé­rieuse à 35 ans. Et bien deux ans après, le pho­to­graphe Jake Owen Wal­ters qui lui ser­vait le thé dans sa bai­gnoire n'est plus qu'un vague sou­ve­nir. Cela dit, une chose est cer­taine : Moz s'est mis en couple avec Tina Deh­ghani, une Ira­nienne ha­bi­tant Los An­geles, et a même com­mencé à en­vi­sa­ger la pa­ter­nité. Tina est d'ailleurs l'une des quatre per­sonnes qu'il re­mer­cie dans son livre et n'a pour elle que des mots gen­tils. Les cri­tiques l'ac­cusant de man­quer d'au­todérision ont tort. Ad­mettre que  « son com­por­te­ment puisse être dif­fi­ci­le­ment ac­cep­table pour les per­sonnes de son en­tou­rage » prouve qu'il est to­ta­le­ment conscient de son ca­rac­tère dif­fi­cile. Dans un autre pas­sage tou­chant il avoue que oui, avec l'âge il s'est un peu em­pâté. Alors ? Avez-vous ap­pris qui était Ste­ven Pa­rtick Mor­ris­sey ? Parce que moi perso, je ne sais tou­jours pas.

Translated from Morrissey: kim jest Steven Patrick?