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Monténégro : un prodige en sommeil ?

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Dix ans après l’obtention de son indépendance, le Monténégro n’affiche pas une forme olympique. Malgré un fort potentiel touristique, le pays est loin d’être le premier choix des voyageurs. L’ingérence du gouvernement dans l’administration du pays semble en effet désespérer les investisseurs étrangers dont l’absence contrarie l’arrivée des perches à selfie et appareils photo en tout genre…

Une situation alarmante, mais pas irréversible 

Une balance extérieure déséquilibrée (- 910 millions de dollars au 1er janvier 2016), un déficit commercial de plus de 40% de son PIB, un taux de chômage de presque 20 %, la situation du Monténégro n’est pas synonyme de réussite. Autre symbole d’une ingérence qui dure : la dette externe. Celle-ci est aujourd’hui de plus de 100 % du PIB du pays. Par ailleurs, le pays observe depuis 2008 une augmentation du nombre d’individus vivant en dessous du seuil de pauvreté. D’après les données de la Banque mondiale, la part de la population monténégrine qui vit en dessous du seuil de pauvreté est passée de 4,9 % en 2008 à 8,6 % en 2014.

En dépit de cette situation peu reluisante, le Monténégro dispose d’un atout majeur pour inverser la tendance : son potentiel touristique. Qui l’eût cru. Il s’agit pourtant d’un des plus élevés d’Europe et il occupe déjà une place centrale dans l’économie nationale. Il contribue directement à près de 10 % du PIB, et même 25 % si l’on prend en compte tous les effets positifs indirects qu’il induit (733 M€ par an). Et pour cause : un littoral de 200 km adossé à la mer Adriatique, un climat méditerranéen très hospitalier, des conditions propices au ski alpin (il compte 48 pics qui dépassent les 2000 mètres d’altitude) et des villes médiévales telles que Budva ou Kotor, le tout à deux heures de vol de Paris. Et même les touristes européens les plus paresseux y trouveront leur compte. Pas besoin de prendre son passeport ou de passer au bureau de change. Une carte d’identité et quelques euros suffisent pour parcourir les paysages monténégrins. Alors, pourquoi les touristes n’y affluent-ils pas davantage ?

Recherche investisseurs… désespérément 

Malgré la plus belle des volontés, le pays, pénalisé par des finances publiques en berne et une gestion patrimoniale contestable, ne reste qu’un arrêt parmi d’autres dans les circuits des voyageurs de la région, souvent en route pour la Croatie. Aussi, l’État monténégrin cherche à attirer de grandes chaînes hôtelières étrangères afin d’afficher des standards plus proches des autres pays d’Europe (des chaînes comme le Banyan Tree ou One & Only ont notamment été approchées). Les deux aéroports internationaux ont d’ailleurs été rénovés et agrandis au milieu des années 2000, pour permettre des transits plus importants et ajouter un argument de poids pour convaincre de potentiels entrepreneurs. 

Oui, mais voilà, malgré des conditions idéales sur le papier, les investisseurs ne se bousculent pas au portillon. Alors pourquoi ? Malheureusement, le Monténégro est rongé par un mal des plus coriaces : la corruption. Pour l’analyste économique Vasilije Kostic, la lutte contre la corruption « est un facteur clé pour le progrès économique et pour la modernisation du Monténégro. » Celui-ci déplore une corruption qui « augmente », « cela détruit l’économie, car les investisseurs sérieux ne viendront pas ». Dans son rapport annuel, la Commission européenne a aussi souligné des défaillances dans les domaines de l’État de droit et de la lutte contre le crime organisé et la corruption. Pots-de-vin, détournements à répétition, menaces contre les journalistes, trafic d’armes (les armes des attentats du 13 novembre qui ont eu lieu à Paris provenaient du Monténégro). Le pays offre un florilège d’abus agissant comme repoussoir pour nombre d’entrepreneurs étrangers. 

Parmi les scandales les plus violents, le meurtre du rédacteur en chef du quotidien d’opposition Dan, abattu en plein centre de Podgorica le 13 juillet 2004 en dit long sur le climat national. Ce dernier était très critique à l’encontre du gouvernement de Milo Dukanović — l’actuel dirigeant, qui a été à cinq reprises Premier ministre depuis 1991 et une fois président de 1998 à 2002. Il est d’ailleurs lui-même mis en cause pour corruption, dans une affaire de trafic de cigarettes soulevée par la justice italienne. Le réseau de contrebande auquel il aurait pris part  aurait généré plus d’un milliard d’euros de bénéfices entre 1996 et 2002, d’après le magazine Forbes. Il peut remercier son immunité diplomatique, qui lui a permis de s’en sortir sans dommage. 

Et ce ne sont malheureusement pas ses résultats en tant que chef du gouvernement qui lui permettront d'avoir une meilleure réputation : après une fragile reprise, le FMI prévoit une chute de près de 50 % de la croissance pour 2017 (2,5 %). Dans le même temps, la dette publique, qui était presque inexistante dix ans plus tôt, a atteint 65,5 % du PIB en 2015. Face à ce laisser-aller, les Monténégrins affichent un ras-le-bol compréhensible. Le pays s’est inscrit dans un climat politique très instable. Afin de ne pas perdre la majorité aux dernières législatives, Dukanović a promis de passer la main à son vice-Premier ministre, l’ancien patron des services de renseignements Dusko Markovic. Autant passer de Charybde à Scylla réagit l’opposition. Une « transition » d’autant plus suspecte que Dukanović a déjà quitté la tête de l’Etat par deux fois, en 2006 (après le référendum sur l’indépendance) et en 2010 – pour à chaque fois mieux revenir.