Mohamed El Deeb : un rappeur a fait le printemps...arabe
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Camille BeaupinCertains genres musicaux, comme le rap et le hip hop, sont apparus pour exprimer la colère de ceux qui sont témoins ou subissent des injustices, des abus, et qui ont besoin de transmettre un message clair : révolutionner un système corrompu, mettre un terme à ce qui ne va pas, construire une société meilleure.
Mais combien de fois cette musique de protestation a-t-elle réellement embrassé une révolution ? Combien de fois les rappeurs sont-ils descendus dans la rue pour rendre possible, réel, le changement qu’ils réclament dans leurs textes ? Mohamed El Deeb l’a fait, et il n’est pas le seul dans le monde arabe en révolte.
« Le hip hop est un genre qui parle de lutte et d’oppression. Il te permet d’exprimer tes idées et ton point de vue, que les autres soient ou non d’accord avec toi. Cela a compliqué pour moi la composition de chansons pendant le régime de Moubarak. Je risquais de me faire arrêter à tout moment pour avoir dit la vérité. J’ai dû censurer de nombreux textes. Je ne pouvais pas prononcer des mots tels que « gouvernement » ou « président ». Je les appelais « les gros bonnets » ou « les corrompus ». » Voilà ce que rapporte le jeune rappeur égyptien Mohamed El Deeb, ou simplement Deeb, l'un des premiers à aller place Tahrir animer, encourager et soutenir les protestations avec sa musique.
En français, dans le texte
Malgré les risques, Deeb a toujours exprimé ses pensées. « Mes chansons traitent principalement de problèmes d’identité, de conscience culturelle, de harcèlement sexuel, d’oppressions sociale et politique et rappellent à mon peuple l’époque glorieuse pendant laquelle Égypte était le berceau de la culture et des arts dans tout le Moyen-Orient ». Mais d’où vient son intérêt pour ces genres musicaux ? « À l’école, j’aimais écrire des poésies. Une fois, au collège, le professeur de français nous a demandé d’écrire une chanson de rap en français. Tous mes camarades l’ont présentée à l’écrit, j’ai été le seul à l’enregistrer sur une cassette. C’était la première fois que je faisais du hip hop. J’ai donc écrit mon premier rap en français ! Je me suis alors dit que si je pouvais le faire en français, qui n’est pas ma langue maternelle, je pouvais aussi le faire en anglais ». En 2005, alors qu’il revenait en Égypte après avoir passé la plus grande partie de son enfance dans le Golfe, il a commencé à se consacrer entièrement à la musique, tout d’abord dans un groupe, les Asfalt, puis dans un duo « Wighit Nazar » (Point de vue) où il chantait en arabe : « je parlais et pensais principalement en arabe, me découvrant pour la première fois ainsi que ma culture ». L’année 2010 marque le début de sa carrière en solo.
« Les Égyptiens ont de plus en plus conscience du fait que le hip hop est un genre qui parle des luttes du peuple et qui soutient la liberté d’expression.»
Deeb a choisi de faire un type de musique notoirement occidental mais déjà connu dans le monde arabe avant le début des protestations. Ainsi, sur la place Tahrir, de nombreux jeunes entonnaient ses chansons alors que d’autres les apprenaient spécialement pour cette occasion. Ses chansons, et en particulier « Masrah Deeb », sont rapidement devenues une voix importante de la révolution. Deeb déclare à ce sujet : « Les Égyptiens ont de plus en plus conscience du fait que le hip hop est un genre qui parle des luttes du peuple et qui soutient la liberté d’expression. Ce n’est pas simplement une création de l’Occident, le hip hop prouve le pouvoir de la poésie, et les Arabes aiment beaucoup la poésie. Après la révolution, de nombreux Égyptiens se sont intéressés au hip hop car ils avaient vu les artistes place Tahrir et avaient écouté les chansons qui circulaient sur les médias sociaux. » Il raconte ensuite une anecdote significative : « Je me souviens qu’après l’une de mes performances place Tahrir, un jeune homme qui se trouvait dans l’assistance est venu me dire qu’il avait bloqué un groupe de salafistes qui voulaient interrompre ma prestation car je chantais et qu'ils considéraient que cela était inapproprié. Les salafistes ont été bloqués car les personnes qui protestaient voulaient écouter mes chansons qui les motivaient et les faisaient se sentir unies. On peut protester avec d’autres moyens et langages, avec des pancartes ou en entonnant des chœurs mais je proteste par les chansons et la poésie. Avec ce garçon qui a bloqué les salafistes j’ai obtenu la preuve concrète que la liberté est la possibilité de s’exprimer, et nous continuerons à nous battre pour cela. »
« Je crois en une société civile, non fondée sur la religion »
La musique est donc le moyen que Deeb a choisi pour participer activement aux changements dans son pays et il a quelque chose à dire aux jeunes Européens concernant ce qui s'y passe. « Je voudrais leur envoyer le message que l'Égypte va bien, et que nous sommes revenus à la normalité. Le seul doute que nous avons concerne les futures élections. C’est la seule chose qui nous inquiète. De nouveaux partis sont créés. De nombreux Égyptiens sont découragés par le grand nombre de partis islamistes qui apparaissent alors qu’ils n’existaient pas avant la révolution. Je crois en une société civile, non fondée sur la religion. Et c’est également le cas de nombreux libéraux et modérés. Il y a d'autres partis que les partis islamistes, comme les libéraux. C’est pourquoi je pense qu'aucun ne monopolisera la scène. Même si les partis islamistes arrivent au pouvoir, je crois qu’ils suivront le modèle de la Turquie. C’est le message que je souhaite envoyer à l’Occident. Nous ne deviendrons pas une seconde Arabie Saoudite ou un autre Iran car nous avons notre histoire. L’Égypte a une histoire de modération, à l’image de notre démographie : ici vivent des chrétiens et des musulmans. Je suis très optimiste. »
Photo: (cc) deeb/gruppo facebook
Translated from Mohamed El Deeb da Piazza Tahrir: la musica della Rivoluzione