Millenium au cinéma: la Suède critique
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Jane MeryLe film tant attendu sera diffusé sur les écrans français à partir du 13 mai. Après 8 millions d’exemplaires vendus dans le monde, combien de tickets de cinéma ? Suspens… En Suède, tout le monde a son avis sur Millénium au cinéma.
Déjà 1,5 million de spectateurs dans le pays où est né, de l’esprit de Stieg Larsson, le roman-fleuve Millénium. L’adaptation cinématographique du premier tome, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (« Män som hatarkvinnor », en suédois), est sorti le 27 février dernier et a déjà généré une recette de 25 millions de dollars. Pour le reste des Européens, il faut encore attendre, au moins jusqu’à Cannes et sa soirée d’ouverture pour connaître les avis de la presse culturelle. C'est ce que pensait tout le monde, jusqu'à ce qu'on réalise qu'il s'agissait là d'une rumeur. Non, toutes les caméras ne vont pas se tourner sur le visage de Noomi Rapace, qui interprète Lisbeth Salander, lors de sa montée des marches. Mais c'est la semaine du lancement du festival que sortira le film sur les écrans français.
Un roman d’enquête sur fond de nazisme
La production du film est intégralement suédoise, mais le réalisateur Niels Arden Oplev est lui Danois. Cette saga devait, à l’origine du projet, être diffusée à la télévision seulement. Mais face à l’engouement qu’a provoqué le roman… pourquoi résister à l’appel du public ? Les deux prochains épisodes, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette et La reine dans le palais des courants d'air, sortiront également sur grand écran.
En suède, la presse a énormément couvert la biographie de l’auteur, Larsson, qui est décédé en 2004 à cause d’un ascenseur en panne le contraignant à monter plusieurs étages à pieds. Un infarctus l’a terrassé, alors même qu’il venait de remettre les trois premiers volumes à son éditeur, à seulement 50 ans. On dit qu’il avait projeté d’écrire au moins dix épisodes. Son ex-compagne soutient qu’il avait pratiquement terminé le quatrième et dit être en possession de celui-ci. Autre polémique : son testament. Rédigé en 1977, il indiquerait que Larsson souhaitait léguer tout ses biens au parti communiste trotskiste suédois. Sa famille a contesté ce testament, ce qui a eu pour effet d’exclure de l’héritage aussi bien le parti communiste… que sa compagne.
L’affaire entre Fifi Brindacier et Blomkvist
Misogynie patriarcale et assujettissement des femmes : Millénium met à nue quelques thèmes noirs et épineux de la société suédoise. Voici l’histoire, en quelques mots : le journaliste Mikael Blomkvist (interprété par Michael Nyqvist à l’écran) travaille pour la revue de gauche Millenium qu’il a créé pour mettre en pratique un journalisme d’investigation, social et économique, sans concession. Le roman commence et ce personnage principal, un poil héros, un peu anti, prend d’entrée une claque : il vient de perdre un procès en diffamation contre un dinosaure de la finance. C’est le creux de la vague professionnelle pour Blomkvist qui perd le soutien de tous ces amis du milieu. Trop idéaliste pour eux.
Blomkvist rencontre alors un industriel qui souhaite retrouver sa nièce disparue 40 ans plus tôt sur son domaine familial. Ni une ni deux, ce « vieux beau » qui n’a pas de chéri attitrée, quitte Stockholm pour s’installer dans un village perdu au milieu des glaces où ses recherches l’amèneront à découvrir les mystères d’une famille violente, avec derrière les rideaux rouges du manoir, nazisme, alcool et sadisme. C’est une jeune surdouée du piratage informatique, Lisbeth Salander, tatouée d’un dragon et pas loin du cas social, qui remplira un rôle-clé dans cette intrigue passionnante et drôle dans laquelle les deux joignent leurs efforts… et fricotent aussi. Cette histoire de cœur a d’ailleurs donné lieu à une polémique à la sortie du film, suite à une scène d’amour controversée (Salander étant quand même un peu plus qu’une fillette).
Critique et inspiration
D’une manière générale, le film est trop graphique. Les scènes de torture et les corps mutilés retirent à cette adaptation, le « suspense suédois », cette ambiance spéciale qui est sûrement la raison pour laquelle l’œuvre de Larsson a eu tant de succès. Les réadaptations cinématographiques des trois tomes laisseront beaucoup de lecteurs sur leur faim : certains détails qui ont justement fait le succès de la trilogie Millénium ont disparu, retirant action et suspens. En plus, on s’ennuie un peu avec ces personnages tous inspirés de la célèbre romancière suédoise Astrid Lindgren, créatrice de Fifi Brindacier. Disparue en 2002, cet auteur de livres pour enfants a également écrit un roman dans lequel un garçon idéaliste se nomme justement Kalle Blomkvist, le « grand » détective. Bref, Lisbeth Salander, qui prend vie grâce à l’interprétation déchaînée de Noomi Rapace, est une Fifi Brindacier du 21e siècle. Une belle idée sur laquelle le film s’appuie trop.
Translated from Millennium al cinema, ma senza “suspense svedese”