Milan et ses “99 lieux secrets”: «La ville la plus irréductible et cachée d'Italie»
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Léa RérolleDécrire une ville comme Milan en un tweet n'est pas chose facile. Manuela Alessandra Filippi, “historienne de l'art impertinente”, a pourtant relevé le défi d'efficacité et synthèse en 140 caractères : « A #Milan, 99 lieux secrets pour raconter l'histoire de la ville la plus irreductible et cachée d'Italie, capable de renaître de ses cendres». Elle nous fournit la clé pour découvrir ces lieux.
Il y a exactement 99 endroits que Manuela Alessandra Filippi a déniché et partagé dans son livre “Les clefs pour découvrir 99 endroits secrets de Milan” (Editions Palombi, non paru en France). Parce que Milan «a un côté peu considéré de ceux qui y vivent depuis peu, qui y vont juste pour travailler et pensent que Milan n'est que mode, design et finance» explique-t-elle. L'auteure est fondatrice et présidente de Città nascosta, association qui depuis 2010 s'occupe de promouvoir le patrimoine historique, artistique et culturel de la ville, normalement non accessible. Elle nous reçoit au siège de l'association qui, situé dans une petite cour via del Bollo et à deux pas de l'Eglise du Saint Sepulcre, pourrait très bien être l'un de ces 99 endroits secrets.
cafébabel: Dans votre livre, vous définissez Milan comme "une ville cachée, une grande dame qui n'est pas habituée à se montrer". Comment êtes-vous parvenue à découvrir ces 99 lieux ?
La règle d'or que je me donne quand je vais vivre quelque part est de découvrir l'endroit en question. Il y a six ans, quand j'ai déménagé ici, j'ai consécré les six premiers mois à la découverte de la ville à l'aide de mon vélo, d'une carte et de quelques livres trouvés dans une librairie antiquaire. Tout ce que j'ai découvert était surprenant et inédit.
cafébabel: Pourquoi est-il si important pour un milanais de découvrir ces lieux ?
Il est très important pour chaque habitant d'une ville de la connaître de manière approfondie et de se familiariser avec sa beauté. Entrer en contact avec de tels lieux permet de ranimer le sentiment d'appartenance et la conscience de l'endroit où l'on vit. Sans l'éducation à la beauté, on reste plongé dans “la nuit où toutes les vaches sont noires”, où tout se ressemble.
cafébabel: On ne fait pas réellement l'expérience de sa ville...
Exactement, elle devient une sorte de dortoir où l'on se retrouve à vivre sans savoir vraiment pourquoi.
cafébabel: Dans les lieux décrits dans le livre, on y trouve aussi bien de la modernité que l'antiquité. Quelle est la caractéristique principale de Milan ?
La capacité d'évoluer avec son époque et son envie d'aider son prochain (et dans le livre il y a tout un chapitre consacré à la Ville du bien et à ses assocations, ndlr). Milan exprime encore aujourd'hui une volonté profonde et attentive à veiller sur son prochain, malgré la crise et les difficultés.
cafébabel: Quels sont les lieux qui représentent le mieux la ville ?
Je dirais le Dôme, la Galerie Victor Emmanuel II, le château des Sforza et la Cène, tout dépend des attentes du touriste.
cafébabel: Il s'agit pourtant des lieux les plus connus. Et selon vous ?
Le choix n'est pas facile et je n'ai d'ailleurs pas évoqué le Dôme et le château (dans le livre, ndlr) parce qu'ils sont visibles par tout le monde. Parce qu'il remplit les missions de reconstruction et de culte de la mémoire, je pense au Mémorial de la Shoah. C'est le seul en Italie qui a été réalisé sur le site d'un lieu de déportation, le Quai 21 de la gare de Milan-Centrale. C'est un endroit fort, aussi fort que le Musée Juif de Berlin car c'est un lieu physique de déportation. Un autre lieu auquel je pense : les ruines du forum romain sous la bibliothèque Ambrosienne. Milano était la capitale de l'Empire romain jusqu'en 402 et il ne reste pourtant presque rien de cette cité. Le travail de restauration d'une partie du forum est une belle entreprise de récupération d'un morceau d'histoire.
cafébabel: Parlons du livre. Comment le décriveriez-vous ?
Il s'agit à mes yeux d'une fresque et non pas d'un guide. Chaque clé est un petit bout de la grande mosaïque qui retrace l'histoire de la ville. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai choisi l'ordre chronologique : on commence avec le Forum romain et termine avec la tour Unicredit. Au milieu, on retrouve l'histoire de la ville.
cafébabel: Depuis le Forum romain aux gratte-ciel du quartier de Porta Nuova, comment Milan a-t-elle changée au cours de son histoire ?
Milan est comme un phénix : elle se réinvente mille fois. Ce fut la ville la plus bombardée de toute l'Italie, cible d'attaques sévères des angloaméricains pendant la seconde guerre mondiale. Détruite et dévastée à au moins cinq reprises, elle s'est toujours relevée. Aujourd'hui, chaque pierre encore debout doit susciter de la bienveillance car elle a survécu à tout : des bombardements aux spéculations immobilières. Il y a d'un côté l'horreur de la guerre et de l'autre une belle histoire de familles milanaises qui se sont battus pour garder leurs maisons debout.
cafébabel: Quel est le potentiel de Milan ?
Milan a un potentiel incroyable. Si elle est gourvernée avec clairvoyance et remise à neuf, ce patrimoine pourrait devenir le moteur de la ville mais aussi un modèle pour les autres villes italiennes et une référence pour les villes européennes. En effet, Milan a depuis le Moyen Âge toujours produit des innovations, de nouvelles idées et pensées. C'est ici que le premier canal de l'histoire a été construit : le Naviglio Grande.
cafébabel: L'expo commence, la ville est-elle prête ? L’Expo è alle porte, la città è pronta?
Il s'agit d'une occasion bien méritée d'avoir des personnes plus sages et clairvoyantes aux commandes, des personnes capables de penser que l'Expo ne vaut pas que pour 6 mois mais pour toute la vie. Bien que je sois une éternelle optimiste, j'ai le pressentiment que tout cela a été organisé pensant bien peu au futur et beaucoup trop au présent.
Translated from Milano e i suoi “99 luoghi segreti”: «La città più irriducibile e nascosta d’Italia»