Migrants de la Chapelle : autant on emporte le camp
Published on
Le 18 mai, le conseil d’arrondissement de la mairie du Xème a demandé l’évacuation et le relogement des occupants du camp installé dans le nord de Paris depuis l’été 2014. Le vœu a été soumis au conseil de Paris et l’opération pourrait avoir lieu aujourd’hui ou dans les jours à venir.
La centaine de tentes collées les unes aux autres pourraient presque faire penser à celles que l’on voit dans les campings de festivals sauf que là, nous sommes en plein cœur de Paris, sous le pont de la Chapelle, à la limite entre les Xème et XVIIIème arrondissements.
« Un risque d'épidémie »
Cela fait bientôt un an qu’environ 200 migrants vivent sous le pont qui relie les stations de métro de Barbès et la Chapelle, coincés entre le bruit du métro, le passage du train sous leur pieds et les allées et venues incessantes des voitures.
Lorsque l’on entre sur les lieux, difficile de se frayer un chemin au milieu des petites tentes vertes et bleues serrées les unes contre les autres. Deux hommes discutent le long des barrières, tandis qu’au loin on aperçoit un groupe de joueurs de cartes : l’atmosphère est relativement tranquille en ce samedi matin. Mais pour combien de temps encore ?
En effet, depuis la demande d’évacuation du camp – censée être suivie d’un relogement de tous ses occupants- et la soumission du vœu à la mairie de Paris, le bruit court que celle-ci aura lieu aujourd’hui lundi 1er juin ou dans les jours à venir. La demande émanerait de la mairie du Xème et aurait été validée dans la foulée par le préfet, celui-ci évoquant pour se justifier un « risque d’épidémie ».Un risque que les associations présentes sur place telles que France Terre d’Asile ou encore Emmaüs disent avoir du mal à voir…
Né à l’été 2014, le camp a progressivement pris de l’importance jusqu’à compter aujourd’hui plusieurs centaines de migrants, la plupart Soudanais, Érythréens ou encore Libyens. Au départ, le pont de la Chapelle était un point de rencontre entre migrants et passeurs. Situé juste à côté de la gare du Nord, il permettait d’organiser le départ pour Calais, dans l’espoir ensuite de réussir à gagner la Grande-Bretagne par la Manche.
Des démarches qui durent
Omar, jean bleu et baskets flambants neuves, est un jeune soudanais d’environ 25 ans, arrivé en France il y a environ deux mois. Lorsque je lui demande quelle est sa situation, il m’explique qu’il attend des nouvelles du dossier de demande d’asile qu’il a fait auprès de l’OFPRA – l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides. Au camp beaucoup sont dans la même situation que lui, en attente d’être fixés sur leur sort, sans savoir quand est-ce qu’ils auront plus d’informations sur leur situation.
Depuis plusieurs années on assiste à une progression de la demande d’asile en France, plaçant le pays en deuxième position après l’Allemagne avec plus de 50 000 demandes rien que pour l’année 2014. Face à cette abondance, l’OFPRA met de plus en plus de temps à traiter les dossiers, il faut compter plusieurs mois entre le dépôt de la demande et le rendu de la décision.
Des délais qui auraient de quoi en décourager plus d’un et qui expliquent peut-être que certains préfèrent entamer ces démarches dans d’autres pays comme au Royaume-Uni ou en Suède. Peut-être faut-il également y voir un lien avec le fait que la France, statistiquement, est le pays européen qui accorde le moins de réponses positives – 30,1% alors qu’en comparaison, pour la même année, l’Italie en a rendu 58,6%…
Combien de camps en France ?
Malheureusement, le cas du camp de la chapelle n’est pas isolé, et en se baladant sur les quais de Seine (vers la gare d’Austerlitz par exemple) vous croiserez probablement le même genre de petites tentes serrées les unes contre les autres. Combien de personnes sont dans cette situation à Paris? En France ? Difficile decompter mais certains ont néanmoins tenté de le faire. Le site Migreurop s’est attelé à la tâche et d’après lui, on compterait actuellement en France une vingtaine de camps « officiels », dont la majorité est située en Île-de-France comme à Cachan par exemple. Et au niveau européen le nombre de camps d’étrangers aurait quasiment doublé.
Suite à la décision de faire évacuer le camp, la préfecture a indiqué que « des propositions d’hébergements individualisés » allaient être faites. Concrètement, les (rares) femmes et enfants du camp vont relever de l’aide sociale à l’enfance de la Ville, tandis que les demandeurs d’asile vont être pris en charge par un dispositif d’accueil spécifique, en fonction de leur lieu de dépôt de demande. Pour les autres – en transit vers une autre destination notamment- il est indiqué qu’ils se verront proposer une « mise à l’abri temporaire ».
Une évacuation qui révèle au grand jour la précarité des demandeurs d’asile en France et la difficulté de trouver une issue à ce genre de situation, les pouvoirs publics ayant souvent à gérer au mieux la situation, tiraillés entre deux voies : rendre la vie des habitants du camp plus vivable (grâce à l’installation de sanitaires par exemple) mais en prenant le risque que cela entraîne une pérennisation de la situation. La France et l’Europe n’ont pas fini de chercher des solutions à la question migratoire.