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Migrants : au-delà des clichés

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Société

À travers son exposition « Les Traversées », la photographe française Aglaé Bory redonne un visage aux migrants. De la jungle de Calais aux rivages turcs, ses clichés dessinent une réalité complexe, pleine d'humanité.

cafébabel : Pourquoi avoir choisi de travailler sur les migrants ?

Aglaé Bory : Depuis quelques années, le sujet m’interpelle en tant que citoyenne. Je suis membre d’un collectif de photographes, France territoire liquide. Nous avons été contactés pour travailler avec l’association l’Auberge des migrants, qui travaillait dans la « jungle de Calais ». J’ai accepté la proposition et produits la série « Les invisibles ».

Suite à cette série, j’ai souhaité poursuivre le travail sur les migrants. J’ai ainsi créé une autre série, « Les mers intérieures », sur le thème de l’exil. Les photos ont été prises en Turquie. Elles sont une conversation silencieuse entre les personnes et la mer. Ces deux séries, « Les invisibles » et « Les mers intérieures » sont réunies sous le nom d’une exposition à Arles : « Les traversées ».

Cafébabel : Que souhaites-tu montrer à travers ces photos ?

Aglaé Bory : Par mon travail, j’ai voulu remettre l’humain au centre de la problématique des migrations. Nous avons tendance à oublier ces personnes : mon souhait était de leur donner une visibilité et de leur rendre une dignité perdue lors de la traversée et de l’accueil qui leur est réservé en France. Leur donner un visage, c’est lutter contre la cécité qui peut tous nous atteindre. Les migrants ne sont pas qu’une question politique, c’est avant tout une problématique humaine.

Cafébabel : Comment es-tu allée à la rencontre de ces migrants ?

Aglaé Bory : Le projet à Calais s'est déroulée entre juin et octobre 2016. J'étais accompagnée de deux autres photographes, avec qui nous avons organisé des sessions à Calais à raison de deux visites par mois environ. Les rencontres ont été organisées par l’association l’École du chemin des dunes, qui nous a également hébergée lors de nos passages. Comme je fais des portraits, j’ai photographié des gens qui avaient envie de l’être.

Cafébabel : Quelle a été ta rencontre la plus marquante ?

Aglaé Bory : Magdi. C’est un Soudanais de 25 ans appartenant à la communauté des Masalits, une tribu du Darfour. Il a l’ambition de devenir un porte-parole pour son peuple qui souffre de persécutions. Il a une aura particulière et l’âme d’un leader. Il aspire à agir au nom de son peuple au niveau international. Son chemin sera long, mais je vais continuer à le suivre.

Après le démantèlement de la jungle de Calais, il a été placé dans un centre d’accueil à Lançon et s’occupe de ses démarches de demande d’asile. Depuis le Règlement Dublin III, les migrants doivent demander l’asile au premier pays européen dont ils ont foulé le sol. Comme beaucoup, pour Magdi il s’agit de l’Italie.

Cafébabel : En travaillant dans le camp à Calais, comment as-tu perçu le rapport entre la population et les migrants ?

Aglaé Bory : La société civile m’a impressionnée. Elle a pallié aux manquements de l’État car grâce aux bénévoles, le minimum de dignité a pu être maintenu (nourriture, informations, …). Les réfugiés étaient aussi très inventifs. Il y a beaucoup de créativité lorsque les hommes sont ensemble. Ils ont réussi à recréer un semblant de vie, des lieux de socialisation, de restauration. Je regrette que les pelleteuses aient tout détruit.

Cafébabel : Quels sont tes projets pour la suite ?

Aglaé Bory : Je vais continuer à travailler sur les migrants. Je vais créer une série photographique sur le temps long, idéalement un an, qui sera intitulée « farniente ». Je veux confronter deux réalités méditerranéennes : l’activité de villégiature et celle des traversées. Ce sera une photographie de ces bords de rivages qui sont le théâtre d’une double réalité. J’irai en Italie, en Sicile, dans le sud de la France et en Grèce. Ce sera une illustration du double sens de « farniente » : la douce oisiveté et le fait que rien n’est mis en œuvre pour les migrants…

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Des clichés d’Aglaé Bory seront à remporter lors d’une tombola organisée le 8 juillet 2017. Les bénéfices seront reversés à l’association SOS Méditerranée.