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Micha Zygmunt : «Ce qui m’insupporte me motive à agir»

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Chroniqueur littéraire dans le magazine gay Dik Fagazine, ce polonais de 30 ans vient d'écrire un livre qui détruit les figures politiques et les mythes de son pays. Rencontre.

Encore à Wrocaw il y a peu, Micha Zygmunt a « senti qu’il étouffait » et a renoué avec son  « gène vagabond » qu’il a hérité de ses origines juives, du côté de son père. Une relation de longue date qui se délite, plusieurs liens amicaux s'écroulent, et l'écrivain part pour Varsovie, où il publit son premier livre et où il vit pour le mieux.

Nous nous rencontrons dans un restaurant de Mokotow, le quartier des intellectuels de Varsovie où Zygmunt habite car il lui rappelle son Wroclaw familial. Je ne sais pas trop à quoi ressemble un révolutionnaire mais il n'en a pas l’air. Il est ironique, intelligent et précis.

Animal politique

La politique l’intéresse « depuis toujours ». A 9 ans, Zygmunt réalise la première interview de sa vie avec le porte-parole du gouvernement communiste polonais, Jerzy Urban. Adolescent, il fréquente plusieurs organisations politiques pour les jeunes, dont l'organisation d’extrême droite 'La Jeunesse de Pologne', 'Modziey Wszechpolskiej'. « J’ai commencé la politique très à droite. J’ai même participé à des camps où se passaient des événements étranges qui frôlaient l'érotisme. Pour eux, faire de la politique, c'est rester assis sur un canapé et discuter. Cela m’a découragé. »

Aujourd’hui, Zygmunt évolue dans un environnement de gauche, même si sa personnalité instinctive d’outsider le rend toujours un peu différent des autres. Selon lui, la gauche polonaise, qui se débat avec son passé communiste peu glorieux, a plus de chance de mettre fin à l’immobilisme. Le véritable problème de la politique est ailleurs : « Aujourd’hui, la sociale démocratie ressemble à la droite et la droite à la gauche », pense Zygmunt qui évoque cette crainte dans son livre. « C’est un ouvrage sur 'l’après-politique' quand les clivages comme ceux-ci disparaissent. Les conséquences peuvent être très dangereuses. J'évoque notamment la fraction Armée rouge qui est apparu quand les différences entre les partis de gauche et de droite allemands ont disparu. Malheureusement, l’histoire a tendance se répéter. »

Zygmunt n’épargne pas non plus les gouvernements de gauche de l’Europe de l’Ouest, impliqués, selon lui, dans un ‘big business’ : « L’Europe connait les mêmes problèmes. Le manque d’idéaux conduit au nationalisme. L’intérêt personnel ne devrait pas être à l'origine de l’action politique. On ne le dit pas assez. Le plus important, c'est la dignité de l’homme. La 'franche camaraderie' entre businessmen et politiciens dénature les idées politiques. »

New Romantic

Zygmunt est résolument à gauche, mais il fait bien peu de cas du droit de grève en Europe de l’Ouest : « La majorité des grèves sont motivées par la cupidité des gens et leur besoin de confort. Les privilèges devraient être attribués à un individu et pas à une communauté professionnelle dans son ensemble. »

Sa sensibilité sociale et ses quelques désillusions politiques ont conduit Zygmunt à se présenter aux élections municipales de Wroclaw en 2002. La campagne du comité intitulée Des étoiles dans les cheveux fut un happening mettant en évidence l’absurde et le népotisme de la vie politique. « Pour figurer sur la liste, il aurait fallu créer un poème à ma gloire. Nous voulions montrer dans un miroir déformant, les relations qui règnent entre les leaders et les membres des partis politiques. De plus, je souhaitais avoir la possibilité de me confronter aux autres candidats. »

Ostatnio Zygmunt rozprawi si z polsk scen polityczn w swojej ksice. W "New Romantic"

Dans son dernier livre, Zygmunt règle ses comptes avec la politique polonaise. New Romantic descend en flêche une série de leaders politiques polonais appelés par leurs noms et prénoms. L'auteur va même encore plus loin et tourne en ridicule les défauts et les complexes polonais. Il se moque du consumérisme, des néoromantiques, des dévots, des ignorants et des intellectuels : « L'idée globale du livre, c'était d'en finir avec les mythes polonais. Il faut se sacrifier soi-même pour provoquer les changements sociaux. »

Car Zygmunt ne s’imagine pas pouvoir vivre et écrire ailleurs. « Je pourrais partir, mais je ne le fais pas. Cela prouve peut-être que je veux vivre en Pologne. J’ai habité un an aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, mais la Pologne me plaît davantage. En plus, ce qui m’insupporte me motive à agir », récapitule-t-il en souriant. Il ajoute enfin : « Aux Pays-Bas, l'émotion est au niveau zéro. Tout est si anormalement calme qu’on en devient fou. C’est peut-être bien pour quelqu’un qui veut économiser son argent et avoir des rues bien propres. Mais la plupart des artistes sont plutôt stimulés par le désordre. »

Magazine gay

Désillusionné aussi par la religion, Zygmunt y consacre une grande part dans son œuvre : « Je suis allé un temps à l’Eglise, mais il me manquait le sentiment religieux. J’ai compris que ce n’était pas pour moi. » Aujourd’hui, Zygmunt considère que « la religion est un moyen de propagande politique de la pire sorte car on y trouve des dogmes et punitions dont on ne peut pas discuter. C’est une forme de manipulation, qu’il s’agisse de l’islam en Orient ou du catholicisme chez nous. Les systèmes fondés sur la peur sont mauvais. »

Europride ou commercialisation du mouvement gay, Zygmunt aujourd'hui rédacteur de la rubrique littéraire du magazine gay Dik Fagazine, reste un outsider. Il refuse de s’inscrire dans la culture mainstream du mouvement gay : « Ce qui nous intéresse est la culture. Nous ne voulons pas être associés aux activistes. 'Dik' est édité dans plusieurs pays du monde, même aux Etats-Unis et au Japon. Il y a eu un numéro roumain et un autre ukrainien. Nous nous occupons d’organiser des événements, de montrer le travail des artistes que nous connaissons. De manière générale, nous nous occupons de ce dont personne ne veut s’occuper. »

Pour lui, le mouvement gay devrait évoluer dans le calme. Il n'a jamais vu la moindre agressivité envers cette communauté lors des manifestations. « Les gens se sont habitués. Aujourd’hui, nous avons une 'Europride' bien installée qui attire environ un million de personnes. Je pense qu’en 2010, on commencera déjà à parler d’une commercialisation du mouvement en Pologne. »

Zygmunt poursuit et parle de lui et de son travail avec beaucoup de sobriété : « Le journalisme me plaît et me fait gagner ma vie. L’écriture me permet de satisfaire des besoins que je qualifie de métaphysiques. J’ai beaucoup d’idées pour des prochains livres. Mais je me rends compte que c’est du cabotinage que de se qualifier d’écrivain quand on a seulement publié un livre. »

L'écrivain est d'ailleurs extrêmement critique envers son propre travail : « J’en ai sincèrement assez de ce livre… Je l’ai terminé et j’ai reconnu que ce que j’avais écrit était d'un niveau assez faible. Je voulais même le retirer de l’impression mais c’était déjà trop tard. » Et c'est tant mieux : New Romantic a été très bien acceuilli par les critiques et les lecteurs polonais.

Toutes les photos proviennent du site Internet de l'auteur : www.michalzygmunt.pl

Translated from Michał Zygmunt: Artystów kręci ferment