Même pas peur ! à Flagey
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Jusqu’au 30 novembre 2015, studio 5 Flagey diffuse le nouveau documentaire d’Ana Dumitrescu Même pas peur ! ; un documentaire consacré à la France de l’après Charlie. Ce film est « une dénonciation de la manipulation par la peur et livre une parole et des points de vue peu diffusés par les grands médias » souligne la documentariste Ana Dumitrescu.
Tout au long du documentaire, Ana fait intervenir des protagonistes de haute voltige, des universitaires, philosophes, juristes, politologues avec des grands noms tels qu’Alain Touraine, Odon Valet, Benjamin Coriat sur la perception de l’islam, de l’impact du traitement médiatique des événements de Charlie Hebdo sur les populations musulmanes dites « issues de l’immigration » et des décisions politiques du gouvernement Hollande suite aux attentats de l’hebdomadaire.
Tous dénoncent à la fois le traitement médiatique et l’inadéquation des décisions politiques, notamment du renforcement sécuritaire comme seule réponse politique aux attentats. Et pointent les manquements et failles de la France à la question de l’intégration, de l’antiracisme et de la situation socioéconomique des banlieues. « On pointe les fauteurs de trouble plutôt que les faiseurs de trouble » site un des interviewés du documentaire.
Un entre-soi convenu
Pour autant, le film ne brille pas par son originalité. Petit entre soi d’universitaires et d’intellectuels, le documentaire laisse très peu la parole aux premiers concernés par le sujet, à savoir les migrants et ces populations dites issues de l’immigration, Français musulmans et/ou supposés musulmans. De surcroît, les discours, certes plutôt à contre-courant de la couverture médiatique mainstream, ont été à maintes reprises ressassés sur les grandes chaînes télévisuelles et journaux. Plutôt dans le constat d’une situation bien connue que dans la recherche de solutions, le film laisse une certaine note de déjà-vu. Ainsi, un des spectateurs me confiait à la sortie de la séance sa relative déception, considérant que le documentaire « ne faisait qu’enfoncer des portes ouvertes ».
Pourtant, le sujet hautement polémique mérite une attention particulière et des réponses plurielles, autres que celles académiques seulement. Par exemple : quel a été l’impact des événements sur les populations supposées musulmanes en France ? Comment celles-ci vivent la situation de l’après Charlie ? Leur quotidien a-t-il changé, évolué? Quelle perception ont-ils des politiques et de la société française ? Il aurait été intéressant de leur donner la parole, de mettre en avant leur point de vue. De surcroît, le film parle de politique sans jamais faire intervenir d’homme ou de femme politique sur le sujet.
Outre un enferrement dans une approche condescendante, comme « les gens faut les éduquer », dans la critique quelque peu puérile de la culture populaire et du mainstream, la réalisatrice ne laisse aucune place à la contradiction et se contente de donner la parole qu’aux seuls intellectuels, qui portent certes un regard analytique sur l’objet, mais dont les propos semblent dès lors désincarnés, purement spéculatifs et abstraits ; la volonté de se détacher de « l’émotionnel », se défend-elle, avant de revendiquer ce choix et d’assumer « [sa] propre subjectivité ».
A vous maintenant de vous faire votre idée : http://www.flagey.be/fr/programme/17919/meme-pas-peur-/ana-dumitrescu