Meet My Hood : Flagey, à Bruxelles
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Au Sud-Est de Bruxelles, la plus grande place de la capitale cumule les qualificatifs. À la fois festive, multiculturelle, jeune et historique, elle se dresse au centre d’un quartier qui, malgré son embourgeoisement, parvient à garder son authenticité. Comment ? Suivez le guide.
Au cœur d’Ixelles, il y a Flagey. L’un des centres névralgiques de la capitale belge se situe loin du centre historique, mais se trouve pourtant au cœur de l’histoire bruxelloise. Une histoire qui commence, à première vue, par un carrefour. Au croisement de plusieurs axes stratégiques (Chaussée d’Ixelles, rue Lesbroussart, chaussée de Vleurgat, chaussée de Boendael, avenue du Général de Gaulle, avenue des Éperons d'or, rue Malibran, mais également rue de la Brasserie et rue des Cygnes), de nombreux trams et bus se succèdent aujourd'hui sous son auvent de verre.
Des bobos et des frites
À Flagey, ce ne sont pas seulement des bus qui se croisent. Étudiants, fonctionnaires européens, touristes en quête de frites, riverains de toutes origines et classes sociales se pressent la semaine sur la place. Le week-end, changement d’ambiance. Le marché envahit l’espace. Les habitants d’Ixelles s’y rendent pour faire leur course, mais aussi (et surtout ?) retrouver leurs amis autour d’une douzaine d’huitres ou d’une dizaine de plats du monde délivrés par les foodtrucks. Céline, productrice d’œufs et de fromages frais, présente depuis 25 ans sur le marché, nous raconte : « Depuis 25 ans, le marché et les personnes qui le fréquentent ont bien changé. On peut dire qu’ils se sont embourgeoisés. Et puis ce n’est pas la même ambiance le samedi et le dimanche. Le samedi, les clients vont droit au but, ils viennent seulement faire leurs courses. Le dimanche, ils flânent, ils prennent plus leur temps. Surtout depuis l’arrivée des foodtrucks, il y a quelques années : on prolonge jusque dans l’après-midi, on rencontre ses amis... enfin, pas nous ! (rires). »
Flagey est célèbre pour ses frites : « Frit’Flagey » est resté ancré sur la place, même après la rénovation de 2008. On la connaît encore pour le « paquebot », abritant aujourd’hui le centre culturel Flagey et autrefois la maison de la radio. Flagey, c’est aussi ses trams, ses bars mythiques, comme le « pantin » ou le « Belga ». On reconnaît enfin le quartier à sa diversité culturelle. Aussi bien Martine, 61 ans, dans sa boutique-atelier de meubles vintages, qui nous confie, émerveillée que les « gens se disent bonjour » que Rosalba, 48 ans, restauratrice, pour qui « cet endroit, c’est la liberté », s’accordent à dire que Flagey est un melting-pot incroyable, à l’image Bruxelles, capitale européenne.
Pour Max, membre de Communa, une association qui rénove des lieux inhabités à Bruxelles, cette diversité reste superficielle. On peut en effet facilement constater que les communautés ne se mélangent pas. A chaque coin de la place, sa population. Ainsi, vers l’étang d’Ixelles et le Belga, on retrouvera « les branchés et la bohême friquée » (Documentaire Ateliers Urbains - #1 Flagey / #2 Le Grand Nord, œuvre commune, ndlr), alors que de l’autre côté, on retrouvera une population moins aisée. Chacun son banc, chacun son coin.
« En fait, Flagey, c’est Bruxelles »
Trop timides pour être filmés, les salariés de « Frit’flagey » nous confient : « En fait, Flagey, c’est Bruxelles », et ils pourraient bien avoir raison. La place est née de l’assèchement en 1856 de la pointe Nord du « grand Étang », formé par le Maelbeek. Elle s’appelait autrefois la place Sainte croix, en référence à l’hospice Sainte Croix qui s’y trouvait alors. En 1937, le si peu fier Eugène Flagey, alors Bourgmestre, fait les démarches nécessaires pour donner son nom à la place. Vingt ans plus tard, c’est sur cette place que les frères Delhaize ouvrent le premier magasin en libre-service de Belgique.
Plus récemment, la rénovation de la place a fait écho à la « bruxellisation » de la ville. Alors parking à ciel ouvert, le quartier est victime d’inondations, en particulier la Rue Gray. Dès 2003, des travaux sont entamés afin de construire un « puit d’orage » et d’enterrer le parking. Le chantier sera la proie de vives tensions entre le gouvernement et les riverains, ces derniers réclamant une consultation plus démocratique. Il faudra finalement attendre six ans pour que la place soit inaugurée en grandes pompes.
Depuis, c’est une « renaissance » du quartier, avec le marché bi-hebdomadaire, le marché de Noël, mais également des évènements marquants, comme des manifestations ou encore un concert de Stromae. Étonnamment, cette histoire de travaux n’aura pas marqué les riverains que nous interrogeons. Ils évoqueront la douceur de vivre, le centre culturel, les balades autour de l’étang d’Ixelles ou l’embourgeoisement certain du quartier. « On peut dire que c’est très bio », conclu Youssef, 56 ans. La question reste alors : Flagey a-t-elle besoin d’une étiquette ?