Max Schrems : l'Autrichien qui a changé le monde
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Amélie MarinGrâce à l'accusation de Max Schrems, un Salzbourgeois de 28 ans, la CJUE a invalidé l'accord Safe Harbor entre l'UE et les USA. Au motif que l'accord ne protègeait pas assez les données personnelles des Européens. Interview d'un nouveau lanceur d'alerte, qui comme tous les autres avant lui, aime affronter les géants.
cafébabel : Ressens-tu de la fierté d'avoir été cité dans un tweet d'Edward Snowden après le jugement de la CJUE ?
Max Schrems : J'ai trouvé ça plutôt cool. En général, je ne trouve pas ça tellement important, mais là, j'étais vraiment content.
cafébabel : Tu as dit que nous, les Internautes, manquions d'« instinct numérique ». Ton accusation envers la violation de la vie privée par Facebook va-t-elle faire évoluer les consciences ?
Max Schrems : Je pense en effet que quelque chose a changé. Surtout depuis toute l'affaire Snowden. Tout le monde a alors compris ce qu'il se passait (comme la surveillance de masse et le manque de protection des données, ndlr). Reste cependant un sentiment diffus qui ne semble pas pouvoir être articulé de manière précise.
cafébabel : L'Europe a-t-elle jusque là échoué à imposer une stratégie numérique commune sur la protection des données de ses citoyens ?
Max Schrems : Chaque État-nation est responsable de la mise en place de ces règles, et la responsabilité se répartit entre les 28 États membres. Il en a toujours été ainsi - aucune autorité de l'UE ne s'occupe concrètement de la vie privée. Le problème qui s'est posé jusqu'à maintenant a été que beaucoup de ceux qui participaient de l'ancien système n'ont rien fait du tout. Le jugement pourrait donner un peu plus de marge de manoeuvre pour coopérer.
cafébabel : La défense de la Commission irlandaise de protection des données (DPC) devant la CJUE a donné l'impression de vouloir se débarrasser de « Safe Harbour ». C'est bizarre non ?
Max Schrems : Oui, la Commission a livré une piètre performance. Je me suis alors vraiment demandé : est-ce qu'ils veulent réellement défendre leur accord ou cherchent-il en fait à le faire mourir ? J'ai été étonné de voir qu'ils n'ont pas apporté de meilleures arguments.
cafébabel : Un de tes principaux objectifs consiste à prouver que de grandes multinationales technlogiques doivent respecter les lois. Comment penses-tu continuer à rendre la question publique ?
Max Schrems : Ce n'est pas là l'ambition de toute ma vie. J'ai vraiment beaucoup d'autres choses à faire. En fait, ce sont aussi les autorités qui sont responsables de ce genre d'actions, pas seulement les citoyens en tant qu'individus. La protection des données est réglementée de manière étatique, mais n'est pas réalisée correctement. Le problème, c'est que les autorités compétentes en la matière, à savoir le Luxembourg et l'Irlande, où la plupart des multinationales technologiques ont leur siège européen pour des raisons fiscales, ne font rien.
« Basically you can break the EUropean law because nothing is ever going to happen » - cette phrase prononcée au cours de ses études aux États-Unis a été pour lui la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
cafébabel : Comment le citoyen lamba peut-il s'engager sur le sujet de la vie privée ?
Max Schrems : Chacun d'entre nous peut faire quelque chose - parmi les 500 millions d'Européens se trouvent bien des personnes qui souhaitent s'engager. Je ne suis pas le seul à s'être occupé de la protection des données. Certaines personnes, par exemple, se sont occupées de la conservation des données. Et n'oublions pas ce type qui s'en est pris à Google (le Commissaire fédéral pour la Protection des données Peter Schaar, ndlr). On avance pas à pas. C'est ce que l'on a vu au cours du procès : c'est le signe que les gens font quelque chose.
cafébabel : La page que tu as co-créée Europe vs. Facebook est devenue ces dernières années le porte-voix des gens sensibles à la protection des données. Tu t'imagines travailler plus tard pour l'UE ?
Max Schrems : En théorie, oui, mais je n'ai pas de plan concret. Ce qu'il se passe au niveau de l'UE est très intéressant. En principe, les choses vont assez bien. Mais d'un autre côté, il y a beaucoup de processus interminables. Et aussi le truc louche du lobbying : les États se réunissent en Conseil, décident des choses, mais personne ne sait d'où viennent les décisions ni pourquoi elles ont été prises. C'est là où le boulot doit être frustrant. Mais c'est toujours fascinant de voir comment le lobbying est pratiqué de manière unilatérale, quand une des parties a tout simplement plus de possibilités et plus de fric que l'autre.
Translated from Max Schrems im Interview: Europa vs Facebook 1:0