Mauvaises herbes: attention, peinture fraîche!
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C’est dans le sous-sol du bar le Bravo plein à craquer que Cafébabel a projeté le film documentaire Mauvaises Herbes, en présence de la réalisatrice Catherine Wielant. Initiation à la botanique garantie.
Séneçon, mousse, pissenlit. Dès les premières minutes du film documentaire "Mauvaises herbes" tourné dans la ville de Bruxelles, le décor est planté. Toutes ces plantes que l’on ne rumine pas et qu’il n’est pas coutume de mettre en gerbe laisse place à un univers nocturne avec ses propres lois, ses codes bien définis. Un groupuscule armé de peinture et gardien d’un savoir ésotérique : les tagueurs.
Bruxelles la nuit
“Osmose“, “Escro“, “Choc“ ne vous disent sans doute rien, mais vous connaissez forcément ces artistes si vous avez déjà visité Bruxelles. Qu’ils soient dans le métro, sur des rideaux métalliques ou perchés à 3 mètres au-dessus du sol, leurs tags, signatures faites de peintures colorées fleurissant sur les murs, ont depuis longtemps envahi l’espace public. Dans leur film Catherine Weilant et Caroline Vercruysse partent à la rencontre du moins médiatisé des arts de rue.
Pour les deux réalisatrices, le côté transgressif du sujet est un choix qu’elles assument. Car en s’attaquant au petit dernier du genre, elles ne se sont pas facilités la tâche. Le tag, contrairement au graffiti, n’a pas la même image dans l’opinion publique. Il serait trop « salissant », « inutile ». Le mot vandalisme lui colle à la peau. Dans ce film, on voit pourtant la complexité de cette forme d’expression méconnue du grand public.
L’immersion dans le monde des tagueurs est totale. Masques d’animaux, visages cachés. Les réalisatrices ont fait le choix de protéger les artistes, et de pouvoir ainsi montrer en toute transparence des images rares aux spectateurs. Un acte illégal d’après la loi, mais sur lequel le film ne s’attarde pas. La calligraphie est mise en évidence. De même que les motivations de ces “Robins des bois“ qui semblent être en guerre contre la société de consommation. L’envie d’être connu, reconnu. Une multitude de raisons qui réduisent inévitablement la frontière entre l’art et la dégradation. Certains mots utilisés par ces noctambules dérangent. Ils traduisent un certain “malaise social“; la volonté de laisser une trace alors que personne ne les regardent apparaît comme une thérapie.
Expression libre
Les spectateurs étaient nombreux, ce qui n’a pas empêché Catherine Weilant de se prêter au jeu du question-réponse. Le film plait mais quelques sceptiques s’interrogent sur une pratique qui semble peu défendable. Le tag ne serait pas assez revendicateur, ou porteur d’un message subversif. Obetre, artiste-sociologue connu dans l’underground bruxellois intervient: pour lui, le problème vient de la conception moderne, trop souvent erronée, de l’espace public. Ce que l'on nous présente comme un endroit purement fonctionnel doit être un lieu d’expression. Les murs de la ville sont un “bien public“ qu’il est important de se réapproprier. La rue est le terrain de jeu du mouvement contestataire.
Pour Pierre, autre intervenant au débat, le tag a une raison d’être de par sa recherche artistique. Avec son collectif Dynamic’Art, ils ont entrepris il y a quelques mois de mettre "des murs d’expression libre“ à la disposition des tagueurs et graffeurs de Bruxelles mais également d’autres régions. Le but est simple : donner la possibilité aux artistes confirmés ou non de s’entrainer sur des murs en toute légalité.
Artistes urbains pour certains, délinquants pour d’autres, les tagueurs jouissent d'une perception opposée en fonction du spectateur. Catherine Weilant et Caroline Vercruysse posent les vraies questions. De quel côté est-on si on hiérarchise les arts de rues ? Plutôt que de les combattre, ne serait-il pas temps d’intégrer les tags dans notre environnement ? Il n’y a plus qu’à regarder autour de nous pour voir que ça pousse.