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Mauvais joueurs…

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Lorelei

Presse à la grecque

C’est fini ! Les Jeux olympiques de Pékin s’achèvent. Comment le pays qui les a vus naître et qui, selon les dires de son ministre de la Culture, est “dépositaire des valeurs de l’olympisme”, a-t-il vécu ces deux semaines d’épreuves sportives? Classée 59e pays au tableau des médailles (avec 2 d’argent et 2 de bronze), on ne peut pas dire que la Grèce ait brillé par ses résultats.

Mais, l’essentiel étant de participer, cela ne serait pas bien grave si les accusations de dopage ne tombaient pas aussi dru sur l’équipe nationale. Et l’accusation vient de haut: “Jacques Rogge, président du comité olympique, a décerné la médaille d’or du dopage à la Grèce, alors que sur les deux autres marches du podium on trouve la Bulgarie et la Russie.” (voir ''To Vima''). Le président du CIO s’impatiente aussi des lenteurs des procédures judiciaires qui devraient aboutir à la condamnation de deux athlètes grecs, Kostas Kenteris et Katerina Thanou, lesquels avaient été couronnés par leur victoire aux JO d’Athènes en 2004. Sauf que, victimes d’un accident de voiture que la justice considère aujourd’hui comme simulé, ils n’avaient pu se rendre aux contrôles anti-dopage. Des éléments de l’enquête semblent avoir conclu à l’usage d’anabolisants chez les deux sportifs, et ils risquent d’être condamnés pour refus de contrôle anti-dopage et faux-témoignage (voir article).

Cette année, la quasi totalité de l’équipe nationale d’haltérophilie a été convaincue de dopage (il y a déjà quelques mois), tandis que trois autres cas ont été dénoncés récemment. “Ce qui me préoccupe, confie le secrétaire d’état au sport, Yannis Ioannidis, c’est que la même substance a été retrouvée dans trois fédérations sportives différentes (haltérophilie, natation, athlétisme). Ce qui veut dire qu’il y a un effet domino sur lequel nous devons enquêter”. La substance en question, le méthyltrienolone (M3), détectée chez quinze athlètes grecs, est extrêmement toxique, en particulier pour le foie et la prostate (voir article). Son usage dans le sport de haut niveau soulève plusieurs questions.

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Tout d’abord, comment se fait-il qu’elle n’ait pas été détectée plus tôt ? C’est l’angle d’attaque qu’a choisi le journal ''Ta Nea'' pour aborder le sujet. En effet, le laboratoire athénien de contrôle anti-dopage, malgré son équipement haute technologie qui date des Jeux de 2004, ne bénéficie pas le moins du monde de la confiance de certaines fédérations internationales, comme celle d’athétisme, qui a exigé de pratiquer elle-même les contrôles sur les athlètes grecs. Il semble qu’elle ait repéré certains sujets “suspects”, et ait voulu vérifier par elle-même… qu’ils étaient réellement dopés, comme Fanny Chalkia, présidente de l’association d’athlétisme grecque ! Le laboratoire athénien, qui avait déjà envoyé des résultats d’analyse concluants avant les Jeux, se défend: “Le méthyltrienolone est une substance que nous ne recherchions pas lors des contrôles de routine. C’est pourquoi nous ne nous étions pas rendu compte de sa présence lors des contrôles en avril”. Faux, répondent en choeur le CIO et l’Agence internationale anti-dopage (WADA): ce produit se trouve depuis 2005 sur une liste officielle de produits obligatoirement recherchés dans les échantillons soumis.

Ensuite, pourquoi un recours à des substances aussi fortes ? Outre l’argent remporté par les médaillés, les athlètes victorieux (les 7 ou 8 premiers des différentes compétitions de leur discipline) bénéficient en Grèce d’un grand nombre d’avantages une fois leur carrière achevée. Le journal ''To Vima'' cite, entre autres privilèges: des emplois tranquilles dans l’administration ou dans l’armée, et l’accès sans examen à des chaires dans des établissements d’enseignement supérieur. Voilà qui peut motiver à courir plus vite ou sauter plus haut… Par ailleurs, si l’usage de produits illicites dans le sport est théoriquement puni par la loi, celle-ci est si peu appliquée que “certaines personnes accusées continuent d’être payées par l’armée où elles occupent un emploi, sans être inquiétées et en bénéficiant des avantages offerts par l’Etat.”

Le gouvernement promet de se pencher dès la rentrée parlementaire sur un projet de loi qui prévoit des mesures drastiques pour endiguer le problème. Nous en avions déjà parlé ici. “Mais pourquoi cette loi n’a-t-elle pas été étudiée et mise en place avant les JO?”, se demandent naïvement quelques journalistes. Selon les informations données dans To Vima, le secrétaire d’état actuel, ancien sportif, aurait cédé au lobbying des fédérations grecques qui rechignent à voir réduits les avantages accordés à leurs athlètes. C’est pourtant ce que prévoit la nouvelle loi en préparation et, cette fois, c’est promis, elle sera appliquée…

Si ce scandale secoue la morale sportive, elle peut aussi bouleverser le physique. C’est ainsi qu’un article paru dans Ta Nea détaille les ‘trucs’ grâce auxquels certains passent à travers les mailles des filets des contrôles: âmes sensibles s’abstenir. Pour les hommes, un faux pénis relié à un petit sac contenant une urine ‘propre’ de toute drogue peut faire l’affaire. “A certaines époques, des athlètes ont été arrêtés avec une fausse vessie placée dans leur corps, et pleine d’une urine sans anabolisant”, raconte un ex-contrôleur des services anti-dopages grecs. Lequel ajoute: “Aujourd’hui, ils sont obligés de baisser leurs sous-vêtements jusqu’aux genoux quand ils donnent des échantillons.” Cette année sept sportives russes dont les urines paraissent suspectes subiront un test génétique pour vérifier que les échantillons fournis proviennent bien de leur corps.

Décidément, le sport grec (mais pas uniquement) démontre qu’on peut vraiment aller plus loin, plus haut, et plus fort… mais pas forcément dans la direction attendue.

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