Martinique et Guadeloupe : « Une population qui étouffe »
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Une vie trop chère et une « acculturation » aliénante : la mèche allumée en Guadeloupe poursuit sa combustion en Martinique, puis en Guyane et à la Réunion, avant de toucher les rives de la France hexagonale ? Opinion d’un jeune Martiniquais.
Dans l’île de la Martinique, la mobilisation sociale qui a débuté le 5 février 2009 est née par solidarité avec la Guadeloupe. Mais elle oblige aussi les Martiniquais à réfléchir à leurs propres revendications. L’avenir laisse pour l’instant présager le pire. Pourquoi ? Le 5 février donc. C’est ce jour-là que tout s’est formalisé. Des milliers de Martiniquais sont descendus dans la rue pour dénoncer une situation « qui a assez duré ». Dans la bousculade et le début des négociations avec le préfet de la Région Martinique, le « Collectif du 5 février » voit le jour.
«Des milliers de Martiniquais sont descendus dans la rue pour dénoncer une situationqui a assez duré »
Depuis l’arrivée de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) au gouvernement et à la tête de l’Etat français, les réformes successives ont provoqué les soubresauts d’une révolte au sein de la population guadeloupéenne et martiniquaise. C’est finalement le mouvement de grève globale de Guadeloupe mené par le LKP (« Lyannaj Kont Pwofita-syon ») qui a permis à la population des deux îles de démystifier « l’inacceptable » et de se lancer dans une réflexion contagieuse sur son statut : rapidement, il est dit, voir proclamé, que cette mobilisation sociale est historique dans les départements d’Outre-mer.
133 revendications en Martinique
Cette mobilisation fait suite à une crise sociale comme on peut le lire dans la liste des 146 revendications qui concernent tous les secteurs d’activité touchés par les réformes de l’Etat français, classées en dix chapitres dans l’appel de Guadeloupe ; et des 133 revendications en Martinique. Cette crise sociétale confirme l’essoufflement d’un système et l’étouffement de la population des Caraïbes. Le19 février 2009 finalement, le président de la République française a pris la parole pour donner un cadre général au traitement des revendications des deux « pays », Guadeloupe et Martinique.
Mais au-delà des mesures de réajustement structurel, malgré les fonds dégagés dans certains secteurs et l’Etat qui investit pour régler cette crise, c’est l’idée d’organiser des Etats généraux dans les deux « pays » outre-mer qu’il faut retenir. Une proposition assez atypique et un projet d’envergure. Reste à savoir comment nous sortirons de cette crise le plus rapidement possible. La confiance s’est étiolée dans l’esprit des Guadeloupéens et des Martiniquais. Ils n’ont de cesse de réclamer de l’Etat qu’il prenne ses responsabilités. Pourtant, son désengagement n’est plus un mythe et les différentes composantes de notre société sont désormais dos à dos.
Une Europe absente
Le rapport de force actuel entre l’Etat, les patrons, les collectivités territoriales, les représentants syndicaux, les politiques et la société civile est l’illustration d’un profond malaise. Un malaise qui a pour toile de fond la dignité et le respect identitaire, politique, sociologique et économique d’une région. Un ras-le-bol des schémas qui structurent les relations entre la France, la Guadeloupe et la Martinique, et qui pourrait bien s’étendre aux consciences de l’hexagone. Reste à savoir si cette mobilisation donnera lieu à un véritable processus de refondation sociétale.
Mais où est l’Union européenne dans l’histoire et que peut-elle faire ? Nul n’en parle. Même pas les acteurs politico-institutionnels qui pourtant pourraient tenter de faire émerger un sentiment européen, même négatif, dans ces régions « ultrapériphériques » de l’UE !
Malik Duranty a 30 ans et poursuit un doctorat en sciences politiques à l’université des Antilles et de Guyane de Pointe-à-Pitre.