Marketa Tokova du réseau européen des étudiants Erasmus : «Le programme n'est pas assez user-friendly»
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Le plus grand réseau européen d'étudiants en Erasmus (le plus vieux aussi, l'ESN existe depuis 1989) a mené l'an dernier une grande étude pour savoir si le fameux programme d'échange européen est correctement reconnu au sein des universités. La réponse est : non, pas suffisamment. Rencontre avec la présidente du réseau, Marketa Tokova.
Ils mettent en avant un chiffre phare : seulement 66 % des étudiants en Erasmus bénéficient d'une reconnaissance totale de leur participation à ce programme. Vendredi 22 janvier, les membres de l'ESN (International Erasmus student network) présenteront à Bruxelles les résultats d'une étude qualitative focalisée sur les politiques de communication à destination des étudiants autour du programme Erasmus dans les universités, les crédits européens et le contrat d'étude négocié avant de partir. Plus de 100 établissements du supérieur ont répondu à leurs questions et 2400 étudiants ont été sondés. Marketa Tokova, jeune tchèque de 26 ans, nous donne quelques-unes de ses recommandations pour améliorer encore et encore l'accès à Erasmus.
Selon l'étude réalisée en 2009 par l'ESN, moins des deux tiers des étudiants Erasmus réussissent à valider et à faire reconnaître la valeur académique de leur année d'étude passée à l'étranger. Qu'est-ce qui bloque plus de 20 ans après la création de ce programme d'échange ?
Evidemment, la reconnaissance d'Erasmus d'un point de vue académique n'est pas le seul obstacle qui empêche les étudiants de mener à bien leur échange universitaire en Europe. Pour beaucoup d'étudiants, le problème est aussi d'ordre financier ou culturel. Il faut se sentir prêt à vivre dans un pays complètement différent car parfois le choc culturel est difficile. Ceci étant dit, dans l'université de départ, au moment où l'on considère son voyage à l'étranger, on manque souvent d'informations. Il faut remplir beaucoup de documents, négocier un « contrat d'études » [learning agreement] et sans informations, on peut être facilement découragé dans ces démarches. Au retour, il est fréquent de devoir recommencer certains cours pour valider son diplôme.
Nous posons donc le problème des informations données aux étudiants. Plusieurs personnes interviennent dans le processus du contrat d'études et ce qui est conclu avant le départ avec le bureau des relations internationales d'une faculté, ne correspond parfois plus aux attentes des directeurs de programme au retour. Parfois ce sont les étudiants qui ne respectent pas les consignes ou les dates limites de retour pour des documents. Ce qui pose aussi des problèmes de validation des acquis.
Le système européen de transfert de crédits n'a-t-il pas permis de résoudre ces problèmes d'équivalence des acquis?
« Il est fréquent de devoir recommencer certains cours pour valider le diplôme »
Le système européen de transfert et d'accumulation de crédits a bien sûr permis d'améliorer la reconnaissance des notes obtenues dans l'université d'accueil. Mais nous avons remarqué qu'ils sont très souvent mal utilisés et difficiles à comprendre ou à mettre en place. Pour remédier à cela, et rendre Erasmus un peu plus « user-friendly », on peut imaginer plusieurs choses à faire : nous recommandons aux universités de moins se focaliser sur le titre exact du cours suivi mais privilégier les compétences, les outils, les capacités acquises. On ne peut jamais trouver l'intitulé similaire à l'étranger. Généralement, le « contrat d'étudiants » devrait être plus détaillé et un guide d'utilisation devrait être fourni. Actuellement tout est trop vague. Le système de crédits européen lui même devrait être beaucoup mieux expliqué aux universités.
Le programme Erasmus est-il toujours un atout dans la « carrière » d'un étudiant et pour trouver un emploi?
Erasmus est toujours une ligne intéressante à ajouter sur un CV mais nous remarquons qu'en ce moment c'est d'autant plus le cas pour les nouveaux Etats-membres de l'UE : en Bulgarie ou en Roumanie par exemple, c'est une excellente chose de profiter de cette expérience à l'étranger. Erasmus reste quelque chose d'unique. Dans les plus anciens Etats membres en revanche, comme les programmes d'études ou d'échange se sont multipliés, l'offre est plus grande. Et je pense que cela joue dans le déclin du programme Erasmus qu'on peut y observer.