Mais qui es-tu Boris Johnson ?
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L’ancien maire de Londres est au centre de toutes les attentions en ce printemps 2016. La raison ? Il s’est prononcé pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, contrairement au Premier ministre David Cameron. Mais comment ce fils d’un ancien employé de la Commission européenne en est-il arrivé là ? Portrait.
« Napoléon, Hitler, différentes personnes ont essayé et cela s'est terminé de façon tragique ». Voici une des dernières sorties de l’ex-maire de Londres, énième provocation à quelques semaines d’un scrutin décisif au Royaume-Uni, dans une interview donnée au Sunday Telegraph en date du dimanche 15 mai. Le 23 juin prochain, les citoyens devront répondre par référendum à la question « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? » (Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union?).
Après d’intenses négociations avec ses partenaires européens, le Premier ministre conservateur David Cameron a fait campagne, dès la fin du Conseil européen des 18 et 19 février, pour le maintien de son pays dans l’Union. Mais Boris Johnson, son ancien allié, également membre et député du parti conservateur, a d’emblée marqué sa différence et soutenu la sortie du Royaume-Uni, plus connue sous le nom de « Brexit ». Pourtant, très peu de choses prédestinaient celui qu’on appelle « Boris », de son nom complet Alexander Boris de Pfeffel Johnson, à cette prise de position.
De Bruxelles à Oxford
Déjà, il y a sa famille, qui incarne toute la diversité européenne. Son grand-père paternel, Wilfried Johnny Johnson (né Osman Kemal) est le fils d’une Anglo-Suissesse et d’un journaliste turc ancien ministre de l’intérieur. Sa grand-mère paternelle, Irene, est Franco-Britannique, descendante d’une fille illégitime de Paul de Württemberg, et est à ce titre descendante de George II, roi d’Angleterre au XVIIIème siècle.
Boris Johnson naît dans la ville de New-York le 19 juin 1964 de parents anglais. Son enfance le conduit à Bruxelles, où son père travaille à la Commission européenne. Boris, scolarisé à l’école européenne d’Uccle entre 1973 et 1975 y apprend le français. Aussi se vante-t-il aujourd’hui de pouvoir « lire des romans en français » et de « chanter l’Ode à la joie en Allemand ».
Ce ne sont donc pas, a priori, les premières années de sa vie qui l’ont forgé dans son rejet pur et simple de l’UE. Son père, favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’UE, affirmait d’ailleurs en avril dernier « Mon fils a tort sur le Brexit ».
Mais sa scolarité se poursuit à Eton, un collège très réputé et onéreux situé à quelques dizaines de kilomètres de Londres, qui l’éloigne de cette sphère européenne.
Et ce, avant d’entrer au Balliol College d’Oxford, où il étudie les lettres classiques. Ses fréquentations sont alors en adéquation avec son engagement politique actuel. Là-bas, il fait partie du Bullingdon Club, cette célèbre association d’étudiants aisés d’Oxford, connue pour les frasques de ses membres. Il y côtoie notamment un certain David Cameron, comme le révèle le Daily Telegraph en 2007, un étudiant qui deviendra par la suite son allié en politique au sein du Tory.
Un journaliste et maire à l’attitude et au ton provocateurs
Mais c’est bien dans sa carrière de journaliste que l’euroscepticisme, du moins de façade, de ce thuriféraire de Winston Churchill se manifeste. Après ses études, il décroche un poste de journaliste à The Times, dont il est rapidement renvoyé pour falsification d’une citation de son parrain, avant d’arriver au Daily Telegraph.
Il se fait réellement connaître en tant que journaliste lorsqu’il devient correspondant du journal à Bruxelles pour couvrir l’actualité de l’Union européenne, en 1989, poste qu’il va occuper jusqu’en 1994. Et c’est à partir de ce moment-ci qu’on connaît le Boris Johnson eurosceptique, voire europhobe, toujours prompt à tacler l’Union et ses institutions.
Un article de The Independent de 1995 relève certains titres du Daily Telegraph de l’époque, comme par exemple « Menace sur les saucisses roses anglaises » (« Threat to British pink sausages »). Mais c’est surtout l’article sous le titre « Le Plan Delors pour régner sur l’Europe » (« Delors Plan to rule Europe ») qui marque les esprits. L’auteur affirme d’ailleurs, non sans une certaine fierté, que l’article aurait eu pour conséquence directe le « non » danois à la ratification du traité le 2 juin 1992.
Mais cet euroscepticisme affiché est-il alors bien réel ? Contactée par téléphone, sa biographe, Sonia Purnell, auteure du livre Just Boris: a tale of blond ambition, nous affirme que « dans ses articles, il était très critique envers l’UE. Mais en privé, quand les gens formulaient des remarques négatives sur l’organisation, il la défendait […]. Il y avait une différence entre le Boris public et le Boris privé ».
Il s’agit avant tout pour lui de se faire connaître du grand public. « Il écrivait des choses critiques sur l’UE pour se faire un nom, pour devenir célèbre » poursuit Madame Purnell. Sa défiance envers l’Union est donc loin d’être évidente.
C’est la même stratégie qu’il applique lors de ses deux mandats de maire de Londres, entre 2008 et 2014. Que retient-on de l’ère Boris Johnson dans la capitale britannique ? Davantage ses fantaisies que ses décisions politiques, sans aucun doute. Les médias, britanniques ou internationaux, relayent abondamment le moment où il charge un enfant lors d’un match de rugby improvisé au Japon ou encore sa descente en tyrolienne lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012.
Et il ne s’est jamais caché de vouloir faire parler de lui. Après l’épisode de la tyrolienne, il déclare d’ailleurs « Toute publicité est de la bonne publicité ».
Boris Johnson gets stuck on a zip wire (long version)/ODN
Une stratégie politique d’opportunité
C’est donc certainement dans cette optique que le député conservateur a osé faire une comparaison entre l’Union européenne et le nazisme. Le pays est divisé sur la question de l’appartenance et les derniers sondages ne laissent présager aucun résultat évident, alors que la volonté du peuple britannique de rester dans l’Union européenne semblait davantage marquée il y a quelques mois. Et ce, même au sein du parti conservateur. Si David Cameron, par ailleurs cousin de Boris Johnson au huitième degré, milite pour le maintien, l’ex-journaliste à la chevelure blonde décoiffée souhaite le Brexit.
Il est incontestable que si le vote pour la sortie de l’Union l’emportait, l’actuel Premier ministre se retrouverait désavoué et dans une position très inconfortable au sein de son parti et du gouvernement. D’où l’interrogation sur les motivations réelles de Boris Johnson.
D’après l’actuel correspondant du Daily Telegraph à Bruxelles, Matthew Holehouse, rencontré il y a quelques jours, « Il y a un gros débat sur ce qu’il pense. Certains pensent que son positionnement est tactique, d’autres non ». Sonia Purnell, elle, est beaucoup moins hésitante quand on lui pose la question. « Jusqu’à récemment, il disait qu’il ne pourrait jamais être un partisan de la sortie de l’Union européenne. C’est uniquement parce qu’il veut devenir le nouveau Premier ministre qu’il a changé d’avis sur le Brexit […]. Je pense que c’est quelqu’un de très opportuniste, parfois je le décris d’ailleurs comme un grand requin blanc ».
La sortie de l’Union européenne lui offrirait ainsi une voie royale vers le 10 Downing street. « C’est une bonne chance pour lui de devenir Premier ministre, sans doute sa dernière chance. Et il fait vraiment tout ce qu’il peut pour l’être », nous affirme Sonia Purnell.
Et après, quid d’un hypothétique poste de Premier ministre au lendemain du référendum ? C’est la grande question que se posent les observateurs de la politique anglaise. Sa biographe est d’ailleurs assez dubitative : « Personne ne sait vraiment ce qu’il veut faire et ce qu’il est vraiment. Et donc si vous demandez quel genre de Premier ministre il serait, il est très difficile de répondre. Il veut simplement le pouvoir mais sans but particulier ».
Et de conclure de manière lapidaire « Il n’a pas vraiment d’idéologie, il change tout le temps d’avis sur tout ». Mais les Britanniques n’en sont pas encore là et avant de supputer sur la manière de gouverner de l’ancien maire de Londres, reste à savoir quel sera le résultat du référendum du 23 juin.