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Mai-Li Bernard : « Les femmes ne sont pas bien représentées dans le monde de la BD »

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Au pays de Mai-Li Bernard, le silence est d’or et le pinard entêtant. Dans Mortelle Vinasse - sélection officielle du prochain festival de la BD - elle dépeint la situation de crise que connaissent trois amies au sein de leurs couples respectifs. Mortellement avinées, elles élaborent des plans ingénieux pour éliminer leurs conjoints. Interview de la bédéiste à l'humour noir et au regard aiguisé.

cafébabel : Comment est né Mortelle Vinasse

Mai-Li Bernard : Il y a quelques années, j’avais réalisé une version plus courte de cette histoire pour des copains. L’histoire devait être publiée au sein d’un revue collective qui n’a finalement pas vu le jour. Quelques temps plus tard, j’ai l’ai reprise et je l’ai développée. Ça a donné naissance à Mortelle Vinasse. Je suis partie d’une idée de meurtres où les tueurs s’interchangent. Je trouvais le sujet amusant et il faisait écho à pas mal de choses que j’avais pu voir au cinéma. 

cafébabel : De quoi parle Mortelle Vinasse et que dire de la place centrale qu’a le vin dans cette histoire ? 

Mai-Li Bernard : Dans Mortelle Vinasse, le vin, c’est le fil conducteur. Les protagonistes se bourrent la gueule tout au long de l’ouvrage. Elles noient leur chagrin dans l’alcool. À leurs yeux, les difficultés qu’elles connaissent sont liées à  leurs conjoints respectifs qu'elles décident donc d'éliminer. En réalité, ça ne résout pas vraiment leurs problèmes. 

Quelque part, ça parle du rapport à la dépendance mais j'ai surtout voulu évoquer la situation de dépression dans laquelle on se trouve quand on est avec quelqu'un qu'on aime et qu'on n'arrive pas à quitter alors qu'il le faudrait parce qu'on est malheureux. Je raconte des histoires qui se nourrissent d'expériences personnelles mais qui ne sont pas des récits autobiographiques. Dans Mortelle Vinasse, les solutions envisagées par les héroïnes sont radicales. J'y ai injecté de l'humour noir et je me suis amusée de cette situation poussée à l'extrême. C'est pour moi une manière détournée de parler de choses qui me touchent en gardant néanmoins une certaine légèreté. 

cafébabel : Mortelle Vinasse est une bande dessinée muette. Pourquoi avoir fait le choix d’un récit sans texte ? 

Mai-Li Bernard : Je ne suis pas très à l’aise avec les mots. Paradoxalement, j’ai un intérêt prononcé pour les outils linguistiques et tout ce qui touche aux mécanismes de la langue. C’est pour cela que j’aime travailler la bande dessinée sans texte. Le sujet de mon mémoire de Master II portait d’ailleurs sur le processus de lecture dans la bande dessinée muette. 

Dans ma façon de travailler, je suis obligée de pallier cette absence de texte. Il y a en réalité beaucoup de dialogues dans mes BD qui sont finalement très bavardes. J’utilise un langage très minimal, quasi-autonome, qui se rapproche du pictogramme. Le lecteur est obligé de d'analyser les images. J’ai construit l’histoire pour qu’à la première lecture, il puisse passer au travers d’informations. Je voulais quelque chose de ludique, qui appelle à une lecture participative.

Dans mon premier livre - Pigmentation d’un discours amoureux - les personnages ne s’expriment qu’avec des gommettes de couleur. C’est un jeu de dialogue, un jeu rhétorique fait de combinaisons de couleurs

cafébabel : Quelles ont été vos influences et de quelle école vous rapprochez-vous le plus?

Mai-Li Bernard : J’ai été influencée par certains illustrateurs du début du siècle qui ont publié des bandes dessinées quasiment muettes comme Otto Soglow dans les années 30. Concernant les bédéistes contemporains, je dirais que Nicolas Mahler de l’Association est une source d’inspiration.

Tout auteur appartient plus ou moins à une famille, à une école. Pour ma part, je pense ma rapprocher des auteurs qui sont membres de l’OuBaPo (ouvroir de bande dessinée potentielle, ndlr) et qui travaillent sous contraintes. C’est l’équivalent de l’OuLiPo (ouvroir de littérature potentielle, ndlr) créé par Raymond Queneau et François Le Lyonnais.

cafébabel : Vous êtes membre du collectif des créatrices de BD contre le sexisme. Quelle a été votre réaction en constatant que le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême avait publié une liste exclusivement masculine des trente sélectionnés pour le Grand Prix 2016, qui récompense un auteur pour l'ensemble de sa carrière? 

Mai-Li Bernard : Quand le collectif s’est monté, j’ai tout de suite signé. Je pense que la démarche est louable. Les femmes ne sont pas bien représentées dans le monde de la bande dessinée et dans les domaines culturels en général. Concernant la liste des nominés pour le Grand Prix du Festival de la BD d’Angoulême, j’ai été surprise de voir qu’aucune femme n’avait été nominée cette année alors que les autres années, il y en a au moins une. Cela soulève des questions par rapport à la place qu’ont les femmes dans le monde de la bande dessinée. 

Pour ma part, je dirais que je n’ai pas le recul suffisant pour en parler. Ce que je sais, c’est que je veux être reconnue pour un travail que j’estime non sexué, concernant notamment le public cible visé. 

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Lire : Mortelle Vinesse (The Hoochie Coochie/2015)

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Cet article a été rédigé par la rédaction de La Parisienne de cafébabel. Toute appellation d'origine contrôlée.