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Lutte contre les déchets en Irlande

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Default profile picture paul martin

L’expérience irlandaise en matière de lutte contre les « déchets sauvages » a remporté un tel succès que plusieurs pays de l’Union envisagent de la tenter. Explications.

Le 4 mars 2002, le ministre irlandais de l’environnement de l'époque, Mr. Noel Dempsey défrayait la chronique en annonçant sa lutte contre les « déchets sauvages », c’est-à-dire tous les types d’emballage qui jonchent les rues. Une taxe de 15 cents serait désormais imposée au consommateur pour chaque sac en plastique qu’il utilise dans les supermarchés. Cette mesure visait à réduire le nombre de sacs qui, emportés par le vent, défiguraient la campagne irlandaise. Pour cela, il fallait contraindre les consommateurs à changer d’attitude. Tout d’abord en leur faisant perdre l’habitude de disposer gratuitement d’autant de sacs qu’ils le désirent, et ensuite, en encourageant leur réutilisation.

Trois ans plus tard le constat est saisissant : il n’y a quasiment plus aucun sacs en plastique dans les supermarchés, ceux-ci ayant été remplacés par des sacs en papier ou des sacs réutilisables. Trois mois après la décision, 90% des sacs ont disparu du marché et la taxe a rapporté plus de 3,5 millions d’euros en cinq mois. L’argent ainsi récolté alimente un fond environnemental qui finance des infrastructures de recyclage.

Un modèle exemplaire

En plus d’élever l’Irlande au rang des pays les plus soucieux de leur environnement au même titre que les pays nordiques, cette success story irlandaise a également donné des idées à d’autres pays de l’Union européenne. Ainsi, depuis deux ans, Dublin voit des délégations parlementaires issues de tous les Etats européens désireux d’apprendre les subtilités de ce système. En décembre dernier, Malte a décidé de copier la mesure. De son côté, le Parlement écossais étudie actuellement une proposition de loi visant à imposer une taxe de 10 pennies sur chaque sac en plastique utilisé. Enfin, les responsables de Bruxelles-Propreté, l’organisme qui gère le système obligatoire de tri des déchets dans la capitale européenne, reviennent eux aussi d’un séjour en Eire et examinent la possibilité d’implanter le système irlandais dans la ville. Les problèmes environnementaux ne sont donc pas une fatalité, même si la bonne volonté ne suffit pas à les résoudre. La taxe stimule les citoyens consommateurs puisqu’elle incite financièrement les utilisateurs à changer leurs habitudes.

Toutefois, de nombreux gouvernements restent encore réfractaires à l’idée d’imposer un changement de comportement de manière « autoritaire ». D’autant plus quand il s’agit d’imposer une charge financière supplémentaire à l’industrie nationale. Les pays européens sont, en général, des importateurs de sacs en plastique produits en Asie. Si la taxe a pour effet d'anéantir le marché, elle n’a pas trop de conséquences économiques nationales. Cependant, il n’en va pas de même pour les autres types de déchets. L’expérience irlandaise dans ce domaine est d’ailleurs, à nouveau, très instructive.

Le 25 mars dernier, le nouveau ministre de l’environnement irlandais Dick Roche, mettait fin au suspense : non, il n’imposera pas une taxe unilatérale sur chaque paquet de chewing-gums vendu en Irlande. Pourtant, les sommes faramineuses englouties par la municipalité de Dublin pour nettoyer les 500 tonnes de chewing-gum déversées chaque années dans les rues irlandaises justifieraient amplement cette mesure.

Les industriels collaborent

A la place d’une taxe imposée au consommateur, le ministre préfère passer avec le secteur industriel concerné, un accord impliquant le payement d’un impôt fixe par le producteur de chewing-gums qui financera des campagnes de sensibilisation et de nettoyage. La nuance entre les deux systèmes est importante puisque selon le cas, l’objectif poursuivi n’est pas le même.

Alors que la taxe sur les sacs en plastique avait pour but de décourager leur utilisation, la mesure prise à l’encontre des chewing-gums voudrait éviter qu’ils ne se retrouvent collés sur le macadam une fois consommés.

Bien que soutenu par l’industrie, ce raisonnement, n’en est pas pour autant frauduleux. Le problème des déchets sauvages est un problème de comportement et d’éducation. L’industrie, si elle peut contribuer financièrement à faire évoluer les pratiques, ne peut cependant pas empêcher les gens de jeter leurs emballages et chewing-gums manu militari. Ainsi, une taxe directe sur le produit aurait plutôt tendance à aggraver le problème puisque après s’être acquitté de celle-ci, les gens considèrent que le problème des déchets ne relève plus de leur compétence.

Il semble donc que les outils économiques mis en œuvre pour aborder la problématique des déchets doivent être adaptés aux objectifs poursuivis : réduire l’utilisation d’un produit nocif pour l’environnement ou bien changer le comportement des consommateurs.

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