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L'UE, un club chrétien ?

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L'UE, bien que laïque, est a priori une association de pays chrétiens. L’arrivée de la Turquie et de son importante population musulmane, reflèterait-il mieux la nouvelle structure de la démographie européenne ?

Si d'aventure la Turquie devait rejoindre l'Union européenne, Bruxelles serait heureuse d'accueillir une autre démocratie laïque. Cependant, 70 millions de citoyens dont 80% sont musulmans, pourraient altérer de manière significative la dynamique religieuse de l'Union. L'établissement d'une voix musulmane «officielle» dans l'Union introduirait-il un plus grand sentiment de tolérance et de compréhension de l’islam au sein d’une union traditionnellement considéré comme de confession chrétienne ?

Une union chrétienne

La religion et l'intégration européenne ont toujours été fortement liées. Plusieurs des fondateurs de la communauté européenne, tels que Adenauer et De Gasperi, étaient de pieux catholiques. En temps de guerre, le premier trouva refuge dans un monastère tandis que le second, poursuivi par Mussolini, s'enfuit au Vatican où il travailla comme bibliothécaire jusqu'à la Libération. En fait, on pourrait démontrer que la notion de supranationalité sur laquelle est basée l’Union, point d’orgue de l’existence d’une autorité centrale sur des intérêts individuels rivaux, est analogue à la structure de l'Eglise catholique. Le rapport entre UE et christianisme est encore présent de nos jours : il est explicite dans le lobbying mené par Valéry Giscard D'Estaing en faveur de références à la foi chrétienne dans le projet de la Constitution européenne.

On peut donc suggérer que l’arrivée de la Turquie, Etat musulman, serait un affront au fondement culturel même sur lequel l'UE a été bâtie. Une telle thèse ne résiste pas à un examen approfondi. Loin d'être une République Islamique, comme l'Iran, la Turquie est une démocratie laïque depuis la chute de l'Empire Ottoman en 1923. Paris ou Vienne pourraient certes citer des contradictions culturelles qui invalideraient l'adhésion d'Ankara, néanmoins de récents évènements suggèrent que la « vieille » Europe et la Turquie sont plus proches qu'il n'y paraît. Une décision récente rendue par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) dans l'affaire Leyla Sahin contre la Turquie (affaire n°44744/98), retient que l'Etat turc est en droit de proscrire le port du foulard islamique dans ses universités et institutions académiques. Une décision qui rappelle la législation récente appliquée en France sur l'interdiction de symboles religieux dans les écoles publiques. Le signe est de bonne augure pour l'adhésion de la Turquie dans l'UE. Car il prouve que même lorsque l'on aborde des problèmes religieux majeurs, un pays jugé chrétien et un autre traditionnellement musulman, si souvent vus comme opposés, peuvent être similaires sur le plan politique.

Une voix musulmane dans l'UE

Le bénéfice le plus important de l'entrée de la Turquie dans l'UE serait probablement l’introduction d’une voix et d’une identité musulmane officielle. Durant les 50 dernières années, la fin du colonialisme et les avantages de la migration économique vers l'Ouest ont amené un changement significatif dans la composition ethnique et religieuse des populations européennes. Pourtant les représentants qui négocient et déterminent en fin de compte la position adoptée par les 25, sont encore en majorité des hommes blancs chrétiens. La rhétorique de Bruxelles souligne constamment l'importance du citoyen, mais le Conseil des ministres est loin d'être représentatif du multiculturalisme de l’Union qui s’agrandit aujourd’hui.

Une adhésion vue comme un progrès

Le plus grand avantage qu'une nation à majorité musulmane puisse probablement apporter, c’est de défier la vague d'islamophobie déclenchée par les attaques terroristes aux Etats-Unis, et permettre de présenter l’islam comme une religion pacifique, illustrant les points positifs de la culture islamique et marginalisant les mouvements extrémistes qui cherchent à détruire la démocratie. Le préjugé naît finalement de l'ignorance et une Union européenne incluant les Turcs serait un excellent pas en avant vers le renversement de ces idées préconçues.L'Union semble également désireuse d'affirmer son influence sur des problèmes plus larges, concernant notamment les incursions israéliennes en Cisjordanie. Ses résolutions auraient plus de forces si elles étaient présentées par une organisation incluant la religion et la culture musulmane. Une plus grande reconnaissance de la population musulmane d'Europe faciliterait aussi l'intégration de pays candidats tels que la Bulgarie et la Roumanie, dont la part relative de population musulmane est plus importante que la moyenne des 25.

Bien que l’adhésion turque ne soit pas effective avant longtemps, une Union européenne incluant la Turquie serait certainement un point positif pour le reste de l'Europe : elle incarnerait alors la diversité des origines et des croyances contemporaines, reflet de l’évolution du tissu religieux au cours des générations tout en mettant en valeur la compréhension et la tolérance de l'islam en Europe. Soit la fin des guerres de religions.

Article publié le 4 octobre 2004 dans le dossier Turquie, négocier ou pas?

Translated from EU, a Christian club?