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« L'UE pourrait supplanter l'ONU au Tibet »

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SociétéPolitique

Le nouveau train entre Pékin et Lhassa, mis en service en juillet 2006, ouvre la voie à la modernité et à de nouveaux conflits entre le gouvernement chinois et tibétain.

Depuis l’été dernier, la fréquentation touristique au Tibet a bondi de près de 50%. La raison ? L’ouverture d’une nouvelle ligne ferroviaire reliant Pékin à Lhassa le 1er juillet 2006. Sonam Norbu, Secrétaire des relations internationales du gouvernement tibétain en exil vit à Dharamsala, en Inde, ville du Dalaï Lama et du gouvernement tibétain depuis 1959 évoque l’actuel état des relations sino-tibétaines.

Après l'inauguration de la ligne ferroviaire Lhasa-Pékin en juillet 2006, le gouvernement a déclaré que « l'essentiel pour le peuple tibétain n'était pas le train lui-même mais l'usage qu'il pourrait en faire ». Que doivent craindre les Tibétains ?

Les infrastructures développées par la Chine au Tibet ne sont pas dangereuses en soi. En revanche, nous redoutons que les autorités chinoises y voient l'opportunité d'envoyer davantage de soldats et de militaires au Tibet. Si nos craintes s'avéraient fondées, le peuple tibétain deviendrait une minorité ethnique sur son propre territoire. Bien sûr, ce nouveau train représentera une source de revenus supplémentaires pour le Tibet. Même si ce sont les Chinois qui seront les premiers à en bénéficier. N'oublions pas qu'ils ont un niveau d'études plus élevé que leurs voisins tibétains, occupent les postes administratifs et possèdent les entreprises dans lesquelles travaillent ces mêmes Tibétains.

Le gouvernement tibétain s'inquiète de ce que la Chine continue à spolier sans vergogne les ressources naturelles du Tibet. Les compagnies européennes participent-elles à cet incessant pillage des richesses ?

Actuellement, nous ne disposons d'aucune information précise quant aux entreprises européennes implantées dans le pays. L'équilibre naturel du Tibet étant extrêmement fragile et précaire, la question environnementale reste évidemment au cœur de nos préoccupations. En 1998, la Chine a essuyé une série d'inondations dévastatrices. Pékin a soudainement pris conscience que les déforestations massives dans les zones adjacentes aux fleuves tibétains étaient à l'origine de ce type de catastrophe.

L'UE et d'autres pays européens appuient la politique et le principe d'« une seule Chine » tout en apportant leur soutien au gouvernement tibétain en exil. Ces prises de position ne sont-elles pas incompatibles ?

Au contraire. Le Tibet ne réclame pas son indépendance sinon une plus grande autonomie. Nous souhaitons en effet préserver notre liberté, notre langue, notre culture, notre environnement naturel et notre mode de vie, tout en nous conformant à la constitution chinoise. À partir du moment où nous ne cherchons pas à récupérer notre souveraineté, les différents intérêts que défendent l'Union européenne et les pays européens ne me semblent absolument pas contradictoires.

En 2002, le Sommet du Millénaire pour la paix s'est tenu sous l'égide de l'ONU. Plus de cent leaders spirituels mondiaux y ont participé, à l'exception de Sa Sainteté le Dalaï Lama. Pensez-vous que cinq ans après les Nations Unies aient toujours un rôle à jouer dans le dossier tibétain ?

C'est la Chine, et non l'ONU, qui a opposé son droit de veto à la présence du Dalaï Lama au Sommet de 2002. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des initiatives prises par les Nations unies et contrecarrées par la Chine. L’organisation internationale a également tenté de publier un ouvrage pour promouvoir la paix et la non-violence qui contenait un article écrit par le Dalaï Lama. Pékin a énergiquement manifesté sa désapprobation, de sorte que le livre n'a jamais pu voir le jour.

Pensez-vous que l’UE peut jouer un rôle significatif dans la question tibétaine ?

Je pense en effet que l'Union européenne pourrait agir de manière beaucoup plus constructive que l'ONU. Depuis que la Chine est devenue membre de l'ONU, aucune résolution sur les droits de l'homme n'a pu aboutir au Tibet. Ironie du sort, Pékin fait également partie de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.

Le Panchen Lama, le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain, est traditionnellement choisi par le Dalaï Lama. Pourtant, les autorités chinoises viennent de lui nommer un successeur. Prévoyez-vous de vous entretenir avec Pékin à propos de cette ingérence chinoise ?

Non, je ne crois pas. Quelques jours après que Sa Sainteté ait identifié en la personne d'un enfant la réincarnation de l'ancien Panchen Lama, le garçonnet était enlevé, devenant ainsi le plus jeune prisonnier politique du monde. Chaque fois que l'UE ou d'autres gouvernements témoignent de leur inquiétude sur la situation de l'enfant, le gouvernement chinois leur répond qu'il est heureux ainsi et ne souhaite pas revenir. Les Chinois ont donc choisi un autre Panchen Lama en lieu et place du véritable Panchen Lama, obligeant par conséquent les Tibétains à le vénérer.

Sa Sainteté le Dalaï Lama est l'emblème de la lutte tibétaine. Il est respecté des gouvernements étrangers et des leaders spirituels, quelque soit leur idéologie. Qu'adviendra-t-il le jour où il disparaîtra ?

Lorsqu'il est arrivé en Inde, le gouvernement tibétain était encore archaïque et primitif, extrêmement dépendant des différents Dalaï Lama qui s'étaient succédés jusque-là. Au cours des 45 dernières années, il a travaillé très dur pour faire de ce gouvernement l'institution moderne, responsable et démocratique qu'elle est aujourd'hui. En fait, depuis 1959, le Dalaï Lama a préparé les Tibétains à vivre sans qu'il ne soit jamais accordé davantage d'autonomie aux organes politiques tibétains.

Photos : Train du Tibet (owltoucan/Flickr) ; Sonam Norbu (JDR) ; Parlement du Tibet en exile (JDR)

Translated from Sonam Norbu: la UE podría jugar un papel más constructivo que la ONU en el Tíbet