Lobbying contre mobbing immobilier
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céline panteixPressions, menaces ou chantage… les propriétaires recourent souvent au ‘mobbing immobilier’ pour se débarrasser de leurs locataires. Un phénomène qui a pris des proportions préoccupantes en Espagne.
Madrid. Manoli, Mayte et Lola habitent depuis près de trois décennies dans le même appartement. Depuis quatre ans, elles vivent dans la peur de se faire expulser ou de voir leur plafond s’écrouler. L’agence propriétaire de leur logement, après une première tentative d’expulsion, a décidé de ne plus réparer les dommages graves de l’édifice afin de contraindre les trois femmes à s’en aller « volontairement ».
Si la brique est d’or, le mobbing est espagnol
L’exemple est caractéristique du phénomène de 'mobbing immolibier’. Dérivé de l’anglais « attaquer, malmener », le terme est en général associé au chantage et menaces exercées par des collègues de travail ou des employeurs pour contraindre un salarié à démissionner. Appliquer au secteur immobilier, le ‘mobbing’ fait référence aux pressions, même illégales, que les propriétaires utilisent pour chasser leurs locataires, principalement ceux ayant de faibles revenus comme les personnes âgées, les jeunes ou les filles mères avec des enfants à charge.
L’objectif de ces propriétaires malveillants ? Faire fructifier davantage leur bien immobilier ou respecter un plan de transformation de l’urbanisme. Le phénomène a pris de l’ampleur avec l’augmentation vertigineuse des prix de la pierre en Espagne qui a rendu plus gourmand les acteurs du marché de l’immobilier : au cours de la dernière décennie, les tarifs ont grimpé de 150%. Rien qu’entre 2005 et mai 2006, la municipalité de Barcelone a enregistré près de 201 plaintes de victimes « mobbisées ».
Lorsque le propriétaire paie des gitans pour accélérer les expulsions
Jusqu’à présent, seule l’Espagne semble avoir retenu des procédures explicites de mobbing immobilier. Ainsi, à Bilbao, en 2004, un juge a condamné un propriétaire et ses complices, pour avoir participé au vol et à la dégradation de trois appartements, occupés par ses locataires. L’homme voulait les chasser afin de racheter l’ensemble de l’immeuble. Sa stratégie avait consisté à louer l’un des logement à une famille de gitans pour la modique somme de 1 euro. En échange, ceux-ci devaient endommager le bâtiment jusqu’à ce que les autres habitants se décident à quitter les lieux. Si le plan a échoué, c’est grâce aux dénonciations des victimes et aux témoignages de certains voisins.
Le mobbing immobilier est certes lié à la modification contemporaine de l’urbanisme des villes mais les victimes s’adressent de plus en plus à des associations spécifiques, visibles des institutions. Quelques exemples ? Début 2005, l’ONG Architectes sans frontières (ASF) a diffusé un livret gratuit recensant et critiquant les expulsions injustes dans chaque ville de la péninsule ibérique.
Mais la polémique ne frappe pas seulement l’Espagne. L'ONG Alliance internationale des habitants (AIA) recense plusieurs initiatives de la société civile. Lors du dernier Forum social européen (FSE) d’Athènes en mai 2006, la Fédération londonienne des locataires n'a pas hésité à montrer le côté obscur des Jeux olympiques de Londres prévus pour 2012. Parmi les conséquences néfastes prévisibles, « l’accélération des privatisations dans le secteur des habitations ou les démolitions de maisons populaires afin de construire des édifices sportifs, commerciaux et des résidences de luxe ». Autre critique, celle de l'association belge Solidarités nouvelles qui dénonce les « expulsions qui se multiplient à Bruxelles pour laisser place aux institutions et à la très puissante eurocratie ».
C’est grâce à la campagne ‘Zéro Expulsion’ menée contre les privatisations des logements publics, que l’Italie, après l’avertissement de l’ONU sur les 600 000 menaces d’évacuation, a signé un protocole en février 2005, déclarant Rome « ville sans expulsions ».
De son côté, la France a introduit une norme permettant la transformation d’une partie des expulsions en nouveaux contrats et a approuvé la construction de 500 000 logements sociaux sur une période de cinq ans. La mobilisation est en marche.
Pas de législation spécifique en Italie
D’un point de vue légal, le combat contre le mobbing immobilier commence par la dénonciation du « mobber » [celui qui exerce les pressions] même si, selon les explications de Gianluca Nargiso, notaire, « en Italie, il n’existe pas encore de législation spécifique. Aux comportements arbitraires des propriétaires qui contreviennent aux usages, répondent les actions judiciaires qui se terminent quasiment toutes par une victoire du locataire. Ce dernier peut décider d’une procédure pénale portant sur l’exercice arbitraire des droits à la violence privée ou l’extorsion. En Italie, près de 90% des sentences sont défavorables aux propriétaires ‘mobbers’. »
D'après un autre spécialiste, Giorgio Vanacore, « dans le droit privé italien, le ‘mobbing’ entre propriétaire et locataire est punissable en vertu de l’article 2042 du Code civil, qui stipule que ‘Tout fait maveillant et imprudent, qui occasionne un dommage injuste à autrui, contraint celui qui le commet à réparer les préjudices causés’. » La procédure consiste alors à apporter la preuve du dommage injuste, ses conséquences sur le plan affectif et patrimonial et la preuve du lien de causalité entre le comportement « mobbisant » et le préjudice subi.
Translated from Sfratti forzati, gli europei si mobilitano