Littoral grec : les droits civils bafoués
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Véronique MazetLe littoral de la Grèce, qui s'étend sur plus de 10 000 kilomètres, est considéré comme la ressource la plus importante du pays. La Constitution grecque est très à cheval sur le respect de l'environnement, et l’accès public à la mer est protégé par la loi. Mais ce droit fondamental est aujourd’hui à vendre.
Le littoral grec n’est pas seulement une ressource, mais un aspect fondamental de la culture grecque. L’accès public à la mer est protégé par la loi, mais les choses pourraient aujourd'hui changer puisque le ministre des Finances a proposé une législation autorisant les investisseurs privés à acquérir des locaux sur la côte et sur la plage. Mais une résistance s'organise. J’ai rencontré Vivianna Metallinou dans un restaurant sur la promenade du bord de mer de Théssalonique (nord est). Après un accueil chaleureux, elle commande des calamars frits et de l’Ouzo.
Vivianna est une femme occupée. Je l’ai contactée grâce à sa pétition en ligne sur change.org contre la nouvelle législation. Alors que nous discutons, j’apprends qu’elle est architecte, diplômée du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), et qu’elle se présente au Conseil municipal le 18 mai.
LA PLAGE EST UN DROIT FONDAMENTAL
Lorsque nous parlons enfin de la pétition, elle donne son premier commentaire : « c’est un acte de provocation ». « La décision de vendre les plages a été prise en secret et avant tout par des consultants économiques, non par des représentants élus par le peuple », explique-t-elle. Depuis le début de la crise, ce n’est pas la première fois que les droits fondamentaux du peuple grec ont été bafoués. La manipulation très libre de la Constitution est devenue évidente avec les problèmes de soins : seul un tiers des Grecs possède une assurance méaladie et a accès aux soins médicaux.
La crise contrôle encore le pays, et en vendant des biens de l’État, le gouvernement d'Athènes espère la reprise économique tant attendue. Une stratégie imposée par la Troïka pour rembourser les dettes du passé. Dans son dernier rapport, il a été souligné que le processus de privatisation n’avait pas obtenu de résultats satisfaisants. TAIPED, une société basée à Athènes, est responsable des transactions. Son unique actionnaire est l’État grec. Tout est à vendre : les aéroports, les ports, les marinas, les entreprises de gaz ou d'eau, et aussi les terrains. Malheureusement, TAIPED ne brille ni par son succès, ni par sa transparence. On sait donc que maintenant, l’EOT (Organisation nationale du tourisme), qui répond directement du ministère de la Culture et du Tourisme, a donné le feu vert à TAIPED pour vendre les locaux sur les plages à des investisseurs privés.
LE TOURISME N’A PAS BESOIN DE PLAGES PRIVÉES
« Certains locaux, d’accord, mais pas tous et sans règlementations », critique Vivianna en dénonçant le côté radical de l’action prise par le gouvernement. « Tout le monde, avec assez d’argent peut venir et acheter un bout de plage, y faire tous les changements qu’il veut, même bétonner des parties du littoral. La Grèce prend donc le risque de détruire ses côtes, comme cela s’est passé sur une partie du littoral en Espagne. Mais le plus grave, c’est que les politiciens d’Athènes vendent ressources les plus précieuses de la Grèce. Et puis, le pays qui dépend largement du tourisme, sait depuis les années 50 et 60 que le business pendant les vacances marche parfaitement sans plages privées », ajoute-t-elle.
Entre 1957 et 1967, l’architecte grec Aris Konstantinidis était en charge du projet Xenia, une initiative de l’Organisation nationale du tourisme dont le but était de développer et structurer le secteur touristique. La caractéristique principale de Konstantinidis était son approche durable. Son style est caractéristique car c'est une forme de langage moderne, qu’il perçoit comme la continuité de la tradition grecque. Ses bâtiments, non seulement se fondent dans le paysage avec leurs couleurs et leurs dimensions, mais ils prennent aussi en considération les conditions climatiques, en fournissant des zones d’ombres et en utilisant des matériaux traditionnels. La majorité de ses constructions fait partie de l’héritage culturel, et a façonné le tourisme en Grèce depuis des décennies, en ne fermant jamais au public l’accès à la plage.
BATTEZ-VOUS POUR VOS DROITS
Aujourd’hui, la loi 2971/2001 qui garantit le libre accès à la plage est dramatiquement modifiée et les restrictions imposées par l’Article 24 de la constitution, pour préserver l’environnement, sont caduques. « La Grèce est un pays nautique. La mer est notre mode de vie », déclare Vivianna en soulignant le danger de la législation pour la population. Et la large résistance des Grecs contre la nouvelle législation lui donne raison. En plus de sa pétition sur change.org qui a mobilisé plus de 25 000 signatures en seulement quelques jours, une autre pétition est en ligne sur avaaz.org ainsi que de nombreuses initiatives sur les réseaux sociaux. C'est surtout sur Internet que le nombre de personnes augmente pour s’opposer au manque de respect dont le gouvernement fait preuve envers les principes démocratiques et éthiques. Mais il n’y a pas que l’éthique, pour Vivianna, « le conflit est réel, il est politique et nous devons nous battre pour nos droits ».
Translated from La plage, c'est moi - how Greece is selling civil rights