L'Italie face à la forteresse européenne : opportunistes dans la diversité
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Jessica Devergnies-Wastraete« Le gouvernement s’est comporté comme un groupe d’amateurs allant à la défaite ». C'est ainsi que l’ex-ministre des Affaires Étrangères et actuel président de Copasir (un organe de contrôle des services secrets), Massimo D’Alema, a évoqué la gestion de la vague immigrée au Conseil de l’Europe.
Le groupe d'amateurs, c’est le gouvernement italien, qui, après avoir tenté d’impliquer les États membres de l’Union européenne par la directive 55, a ensuite menacé de quitter l’Union européenne.
Le lundi 11 avril dernier, le ministre de l’Intérieur Roberto Maroni a présenté un texte à Bruxelles dans lequel il demandait la solidarité et l’assistance aux réfugiés, la mise en place de fonds additionnels, le renforcement de Frontex – l’agence chargée de surveiller les frontières communautaires – ainsi que l’application de la directive 55 – un instrument législatif permettant de partager le poids des grands flux migratoires entre les 27 pays membres . La commissaire européenne Cecilia Malmström a répondu préventivement à ces demandes en envoyant une lettre au ministre italien, anticipant ainsi la décision de la Commission. Cecilia Malmstrom a clarifié que les permis de séjour temporaires à fin humanitaire ne permettaient pas la circulation au sein de l’espace Schengen.
La directive 55 en question
Concernant la directive 55, il y a en fait deux raisons qui empêchent sa mise en œuvre. La première concerne le nombre – les immigrés sont peu nombreux et peuvent se répartir sur le territoire italien sans problème. La seconde, c’est que les immigrés sont en majorité non demandeurs d’asile mais qu’ils ont fui leur pays pour raisons « économiques » et sont donc expulsables dans leur pays d'origine. Quant à la demande de fonds additionnels, bien que les 80 millions affectés pour la cause par l’UE soient déjà suffisants, la Commission s’est déclarée disponible à aider, ainsi que pour le renforcement de l’agence Frontex avec l’élargissement du service de patrouille navale. Mais vu que l’objectif de l’Italie est la mise en œuvre de la directive 55, les signaux d’ouverture provenant de Bruxelles ne sont pas suffisants pour le gouvernement italien, qui d’un côté voit la France lui renvoyer les réfugiés qui cherchaient à franchir la frontière à Vintimille, et de l’autre essuie un refus de la part de l’Allemagne qui estime que 23 000 réfugiés est un nombre modique, surtout quand on voit qu’elle a accueilli 100 000 exilés sans l’aide de personne.
« Mieux vaut être seul que mal accompagné »
C’est justement cette fermeture totale non seulement de la part des pays méditerranéens, mais également de la part de tous les membres de l’Union européenne qui a agacé Maroni au point de menacer de sortir de la zone euro : « Mieux vaut être seul que mal accompagné ! ». En réalité, il n’y a pas si longtemps que ça, le Premier ministre Silvio Berlusconi, en visite à Lampedusa, a carrément dit : « Si l’Europe n’y met pas du sien, alors il vaut mieux se séparer ». Les raisons politiques de ce soudain euroscepticisme italien n'ont pas grand chose à voir avec celui des Anglais. Loin d'être existentiel, il répond à des questions internes : le refus catégorique d’immigrés ainsi que le manque de considération de la part de l’Union européenne font le jeu de la Ligue du Nord, grande alliée du PdL de Berlusconi et parti du ministre Roberto Maroni. En effet, le parti populiste risque de perdre son soutien aux prochaines élections administratives si son électorat voit qu'il ne fait rien à propos des réfugiés qui débarquent de Lampedusa.
Clandestins ou réfugiés ?
Pendant ce temps-là, les arrivées se poursuivent, malgré les accords avec la Tunisie et la visite de Barroso qui a confirmé l’engagement économique de l’Europe afin qu’il ne soit pas permis aux clandestins de quitter l’Afrique du Nord. Les dernières victimes en date sont deux femmes mortes noyées en tentant de rejoindre Pantelleria à la nage. Ajoutons à cela la rage à l’écoute des nouvelles de rapatriements systématiques vers la Tunisie : dans le centre d’accueil de Lampedusa, la révolte a de nouveau éclaté. Les réfugiés ont mis le feu à des matelas et sont montés sur les toits en hurlant : « Liberté, vive l’Italie ! ». Ignorant leur propre destin, ils ont été répartis dans divers centres sur le territoire italien, tandis que les trafiquants de Zarzis continuent à embarquer des personnes sans que la police de Tunis ne se risque à les arrêter. « Clandestins ou réfugiés ? », se demande, confus, le peuple italien. Dans le chaos de la rhétorique pré-électorale, l’Europe risque vraiment de passer pour une égoïste. Pourquoi n’aide-t-elle pas l’Italie ?
Photo: Une : (cc) Antonello Mangano/flickr; Roberto Maroni (cc) Premio Chiara/flickr; vidéo: Agrigento TV/YouTube
Translated from Immigrati allo sbando: l'Europa si sfascia?