L'indépendance de l'Écosse : « le plus grand pari politique de tous les temps »
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Cécile VergnatÀ 100 jours du référendum fixé par le Parlement le 18 septembre 2014, les Écossais gambergent encore sur leur indépendance du Royaume-Uni. Parmi leurs interrogations : l'euro, le pétrole ou des missiles Trident. Mais à Édimbourg, les gens préfèrent parier sur leur sort, surtout quand la mise débouche sur un gain à 7 chiffres. Reportage.
UKIP (Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni, nldr) de Nigel Farage a remporté un des six sièges écossais du Parlement européen. Un bon score qui est cependant insuffisant pour dépasser le Scottish National Party (SND) du Premier ministre Alex Salmond. Le leader du UKIP a obtenu 10,5% des voix alors que le SNP en comptabilise 29%, ce score est fortement en baisse par rapport aux élections parlementaires de 2011 où il avait obtenu 45% des votes et 53,5% des sièges au Parlement écossais. Cette défaite pourrait avoir des conséquences néfastes sur le grand objectif du parti du gouvernement selon lequel il s'est engagé à rappeler les différences entre l’Écosse et le reste du Royaume-Uni.
Les Écossais se posent beaucoup de questions à propos de ce qui pourrait se passer en cas de victoire du oui au référendum. Il suffit de pousser la porte d’un pub et de faire un tour des tables pour comprendre que nombre d'entre eux sont perplexes. En jeu : la monnaie qui sera utilisée au-delà du Mur d’Hadrien, l’exploitation des gisements de pétrole dans la Mer du Nord, le destin des missiles nucléaires Trident de la base navale de la Clyde, le système social pour « la nouvelle Écosse », le type d’éducation, les rapports avec l’Union européenne. En bref, plus qu’une histoire de panse de brebis, de whiskey et de cornemuse. La bataille pour l’indépendance est plus que jamais géopolitique et économique.
nucléaire, monnaie et pétrole
Linda Fabiani, parlementaire du Scottish National Party et membre du Referendum Scotland Bill Committee, reçoit après la tenue d’un débat sur la réforme de la justice écossaise. José Manuel Barroso le président sortant de la Commission européenne a exprimé une certaine réserve quant au maintien de l’Écosse comme membre autonome de l’Union, alors que plusieurs partis envisagent cette possibilité seulement si Édimbourg fait la demande d'entrer dans l’euro. « La livre sterling est une monnaie écossaise mais également anglaise, d’Irlande du nord et galloise », précise avec franchise la parlementaire qui indique aussi que « le maintien de la monnaie » à l’intérieur d’une « union monétaire » est la prospective la plus attrayante pour le SNP.
Avec David Cameron, le Premier ministre britannique et d’autres branches de la Grande-Bretagne, pour le moment peu enthousiastes, ce sujet fera partie du système d’accord le plus général du style do ut des (je te donne afin que tu me donnes, ndt), nécessaire si un résultat positif au référendum devait sortir des urnes. Le déplacement des armes atomiques britanniques hors du sol écossais est un objectif auquel le gouvernement de Salmond ne compte pas renoncer. Fabiani argumente : « nous sommes contre les armes nucléaires point. Elles nous ont été imposées, et doivent s’en aller ». Les missiles Trident se trouvent à 25 miles à l’ouest de Glasgow. Plus au nord, dans la mer, il y a du pétrole, un autre élément sur lequel le Scottish National Party n’entend pas faire marche arrière. Bien que ce point soit vivement critiqué, le gouvernement tente de maximiser les avantages d’une Écosse indépendante et riche en production de pétrole. Le Times, chiffres à l’appui, démontre que « les revenus liés au pétroles » ont baissé et continueront de baisser « bien en-dessous des prévisions du gouvernement écossais ».
Mais le non est encore en tête
La majorité de la presse semble prudemment se rallier ou opter pour un vote négatif. Des analystes tels que Nicola McEwen, directrice du Conseil pour la Recherche Économique et Sociale (ESRC) à l’université d’Édimbourg, le confirment en soulignant toutefois que « la campagne en faveur du oui bénéficie d’un soutien majeur sur les médias sociaux ». Seront également appelés à voter les européens âgés de 16 ans habitants et citoyens du Commonwealth, qui se seront enregistrés sur les listes électorales avant le 2 septembre 2014. Internet pourrait donc peser dans la balance des votes. Dans les sondages, le non est encore en tête, mais rien n’est encore joué d’avance. « Pendant les trois mois de campagne la tendance pourrait s’inverser », croit savoir McEwaen. Notamment parce que Yes Scotland (une organisation qui représente les partis, organisations ou particuliers qui font campagne pour le oui, ndlr) bénéficie « d’importantes ressources financières et organisationnelles ». Toni Giuliano, coordinateur des groupes sectoriels pour Yes Scotland parle de plus de « 250 comités sur le territoire » pour ce qui sera « la plus grande campagne qu'ait jamais connue l’Écosse ». Le facteur émotif n’aura pas un rôle négligeable. En effet, d’après Nicola McEwen, « bettertogether (même chose que pour Yes Scotland mais pour le non, ndlr) qui a un problème avec son président, base sa campagne en insistant beaucoup sur les coûts de l’indépendance ». En revanche, les défenseurs du oui, « peuvent jouer sur des facteurs émotionnels plus forts, traduits en messages positifs par rapport à l’indépendance ». Parmi ces études, on apprend aussi que les hommes seraient plus enclins à voter pour l’indépendance par rapport aux femmes qui comptent le plus grand nombre d’électeurs indécis.
« Une recette à 7 chiffres »
La société de pari Ladbrokes paye le « non » à 2 contre 7 et le « oui » à 11 contre 4. Cela signifie que pour le maintien de l’appartenance au Royaume-Uni, on reçoit 1,29 fois la mise du pari. Pour l’indépendance on encaisse 3,75. Il s’avère que 52% des parieurs ont misé sur le non et 48% sur le oui. Un cinquantenaire écossais à Glasgow a placé 200 000 livres sterling contre l’indépendance en faisant 3 mises successives dans « ce qui est considéré comme le plus grand pari politique de tous les temps ». William Hill, courtier anglais, s’attend lui à ce que les paris autour du référendum génèrent une recette « à sept chiffres »
Pour les promoteurs du référendum le vote prendra également la tournure d’un pari. Avec ses 5 200 000 millions habitants, le pays parviendra-t-il à voter pour le oui et à assumer l’énorme charge de responsabilités politiques et économiques ? Si oui, que se passera-il ? Si ce pari venait à être perdu, on ne pourra pas l’effacer en jetant simplement la facture.
Cet article fait partie d'une édition spéciale consacrée à Édimbourg et réalisée dans le cadre du projet EU in Motion initié par cafébabel avec le soutien du Parlement européen et de la fondation Hippocrène. Retrouvez bientôt tous les articles à la une du magazine.
Translated from Scozia indipendente: la scommessa di Edimburgo