L'immigration en Bulgarie va droit dans le mur
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emmanuelle.mUn an après que la Grèce a terminé son mur à la frontière de la Turquie, les autorités bulgares ont annoncé qu'elles constuiraient le leur, sur 30 kms, afin d'endiguer l'immigration clandestine que représentent les réfugiés syriens. Alors que le recours à ce type de mesures inquiète, de plus en plus de migrants considèrent désormais l'Europe comme l'enfer sur Terre.
A l’instar de certaines routes maritimes bien connues à travers la Méditerranée, la courte frontière terrestre entre l’UE et la Turquie constitue un foyer d'immigration illégale. Ces murs ne sont qu’un élément des tentatives onéreuses de l’UE afin de surveiller les frontières, tentatives largement accusées d’être inefficaces et propices aux violations des droits de l’Homme. Ces dernières années, la frontière entre l’Europe et la Turquie est devenue l’un des points d’entrée les plus importants pour les migrants d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique. Il y a dix ans, les frontières espagnoles et italiennes ont subi de plein fouet l’afflux de migrants fuyant la guerre et la misère. Puis, les contrôles aux frontières maritimes ont été renforcés et le rapatriement s’est accéléré – l’Espagne et l’Italie ont signé des accords de reconduite à la frontière avec les gouvernements nord-africains. Les trafiquants ont évolué en conséquence.
Les centaines de milliers de migrants qui franchissent les frontières de l’Europe chaque année, venant parfois d’Afghanistan, peuvent payer les trafiquants jusqu’à 10 000$ (7400 euros, ndlr). Selon les calculs des autorités, il s’agit d’une véritable industrie de plusieurs millions de dollars. Avec autant d’argent en jeu, les trafiquants peuvent s’adapter plus rapidement que les autorités frontalières ne peuvent répondre à l’évolution du paysage de la migration clandestine.
100 000 immigrants illégaux chaque année
Rien qu’en 2011, près de 100 000 migrants clandestins ont été arrêtés en essayant d’entrer sur le territoire européen via la Grèce, contre seulement 36 000 en 2010. Alors que le flot d’immigrants s’est intensifié dans le sud-est de l’Europe, les autorités grecques ont eu la sensation d’être écrasées par un bus. « Nous ne pouvons pas gérer cela », a déclaré en 2011 le ministre de l’Intérieur grec Christos Papoutsis. Les autorités, à court d’argent, étant incapables de supporter ce fardeau, les demandes d’asile ont été maintenues et les migrants entassés dans des hébergements surpeuplés, vivant dans des conditions inhumaines pendant des mois.
En décembre 2009, la Grèce a terminé son mur à 3 millions d’euros. Longue de 10,5 kilomètres et haute de 4 mètres, la clôture barbelée protège une petite terre aride le long des 200 kilomètres de frontière avec la Grèce, dont une grande partie longe le fleuve Evros. Les autorités estiment que ce mur est efficace, mais il semble avoir seulement amené les migrants à emprunter les voies maritimes, plus dangereuses.
Les gardes-frontières ont expliqué au journal Kathimerini que le projet avait un fort impact sur les flux d’immigration illégale à travers la frontière terrestre. Bien qu’ils affirment que les entrées illégales ont chuté de 95%, on observe également une nette augmentation des traversées maritimes via la Mer Egée. Lors du premier semestre 2012, la police et les gardes-côtes de la région ont détenu 102 migrants sans-papiers, tandis que 1 536 d'entre eux ont été interceptés lors des trois mois suivants la fin de la construction du mur.
LA BULGARIE EMBoîTE LE PAS
Les autorités bulgares se sont retrouvées dans une situation similaire depuis le début du conflit syrien. Depuis 2012, l’augmentation des entrées clandestines a été multipliée par sept. Environ 10 000 migrants, Syriens pour deux tiers d’entre eux, sont arrivés jusqu’à présent, laissant les autorités sans ressources pour endiguer la vague de clandestins ou offrir des équipements de base à ceux qui arrivent. Pour The Economist, un réfugié a qualifié la situation du pays le plus pauvre d’Europe de « cauchemar ». La nourriture et les soins médicaux pour les réfugiés déchirés par la guerre sont rares et les hébergements sordides.
Comme les Grecs, les Bulgares espèrent que ce mur leur procurera un peu de répit. Il devrait couvrir près de 30 des 274 kilomètres que constitue la frontière du pays avec son voisin turc, et traversera une zone boisée et vallonnée, où la visibilité pour les patrouilles aux frontières est limitée. Le mur, disent-ils, fait partie d’un effort plus vaste pour faire face à la situation, incluant notamment de nouveaux hébergements d’accueil actuellement en cours de construction et quelques milliers de policiers supplémentaires pour patrouiller le long de la frontière.
La Grèce a également commencé à reconduire des centaines de migrants en Syrie, une initiative vivement critiquée par l’UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés. Les officiels bulgares s’inquiètent que l’arrivée massive de migrants déclenche une vague de xénophobie. Le 9 novembre, des skinheads ont passé à tabac un musulman bulgare, le confondant avec un Syrien. Des milliers de personnes ont récemment manifesté à Sofia après qu’un employé de magasin a été poignardé par un migrant clandestin algérien.
25 000 immigrants noyés
En Grèce et en Bulgarie, les murs sont le symbole d’une tentative désespérée des autorités pour garder le contrôle sur des évènements qui les dépassent. Alors que les responsables sont naturellement préoccupés par les faibles ressources dont ils disposent pour s’occuper des réfugiés, les critiques craignent que ces murs soient contre-productifs. Adrian Edwards, de l’UNHCR affirme que « l’introduction de barrières, comme des murs et/ou autres moyens de dissuasion, peuvent amener les gens à entreprendre des traversées plus dangereuses et à mettre davantage de réfugiés à la merci des passeurs. »
Pour endiguer les flux croissants de migrants illégaux, l’UE a mis en place un ensemble de contrôles frontaliers et de nouvelles lois de grande envergure lors des dernières décennies, plus connu sous le nom péjoratif de « l’Europe forteresse ». Nombreux sont ceux qui affirment que la coûteuse bureaucratie européenne est incapable de maintenir les migrants à distance, conduisant à de graves violations des droits de l’Homme aux frontières de l’Europe. En outre, ces pratiques forcent les trafiquants à prendre de plus grands risques. Lors des deux dernières décennies, 25 000 immigrants se sont noyés dans la mer Méditerranée, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations.
Les activistes disent que la criminalisation de l’immigration clandestine est inévitablement contre-productive et mène à des abus, aussi bien de la part des autorités frontalières que des trafiquants cruels auxquels les migrants confient leurs vies. Les groupes de défense des réfugiés plaident pour plus de solutions pour l’immigration légale. En fin de compte, c’est seulement en abordant les situations de rupture et les inégalités de richesses, qui conduisent essentiellement à la migration, que l’Europe pourra s’attaquer à la racine du problème.
Translated from Bulgarian anti-immigrant fence