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Liberté des médias en Europe : la Hongrie n'est pas un cas isolé

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Politique

A l'occasion d'une manifestation massive à Budapest et dans d'autres villes comme Pécs pour obtenir le retrait de la loi sur les médias votée le 21 décembre et entrée en vigueur le 1er janvier 2011, cafebabel.com analyse ce que la loi va vraiment changer pour la liberté d'expression des journalistes et blogueurs hongrois.

La Hongrie accède après la Belgique à la présidence tournante de l’Union Européenne. Mais si cette dernière était parvenue à dissimuler ses problèmes domestiques pendant six mois, Budapest doit affronter les critiques publiques et le scandale que provoque sa nouvelle loi sur les médias appelée « sur les services médiatiques et les mass media ». On reproche à cette loi de restreindre de façon très importante la liberté de presse et de constituer une menace directe pour la démocratie. La Commission Européenne mène actuellement une enquête pour savoir si cette législation controversée, dont une traduction de 194 pages est en cours d’examen, est compatible avec les lois de l’UE. Il s’agit d’une question extrêmement complexe et d’un sujet sensible; l’analyse pourrait donc prendre entre plusieurs semaines et plusieurs mois. En attendant, dès ce vendredi 14 janvier, suite à la création des groupes facebook « Tüntetés a magyar sajtószabadságért» (manifestation pour la liberté de la presse hongroise), 7000 membres, et « Egymillióan a magyar sajtószabadságért » (un million pour la liberté de la presse), 25 000 membres, les Hongrois vont descendre dans la rue pour exiger le retrait de cette loi.

Réaction à la nouvelle loi hongroise sur les médias

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a regretté dans une déclaration du 21 décembre, le jour où le parti de centre droit au pouvoir, le Fidesz, renforçait le contrôle des médias par le gouvernement, que cette loi transgresse les normes de liberté des médias et mette en danger l’indépendance éditoriale et le pluralisme des médias. Elle prévoit la création d’une autorité pouvant imposer jusqu’à 70.000 euros de sanctions financières pour les diffuseurs et la presse écrite et jusqu’à 89.000 euros pour une publication en ligne pour violation de « l’intérêt public, des mœurs publiques ou de l’ordre » sans que ces concepts ne soient définis avec exactitude. Les organisations internationales, comme Reporters Sans Frontières, l’Association de la Presse Internationale (API) ou la Fédération Européenne des Journalistes s’inquiètent du non-respect de la charte des droits fondamentaux et la loi européenne sur la liberté de la presse et le pluralisme. L’époque de la Pravda (le journal soviétique officiel) est révolue, se sont indignés certains groupes politiques du parlement européen. D’autres émettaient des communiqués de presse dénonçant « cette loi draconienne qui fait écho au passé antidémocratique de l’Europe. » Le 23 décembre Neelie Kros, Commissaire européenne à la société numérique et ancienne représentante de l’OSCE pour la liberté de la presse, a envoyé une lettre au vice-Premier ministre hongrois pour lui faire part de ses préoccupations. Une attitude attentiste prévaut cependant. Aucun signe d’une volonté d’analyse de la validité de la loi n’a été montré.

José Manuel Durão Barroso ne s’est exprimé que le 5 janvier, veille de la remise officielle du drapeau européen à la Hongrie par la Belgique. Il a alors annoncé que la liberté des médias constituait l’un des principes sacrés de l’Union Européenne, principe qu’il entend faire appliquer et dont il s’entretiendrait lors de sa visite officielle à Budapest en janvier. Il semble que la pression internationale ait eu quelques résultats. En effet, bien que le Premier Ministre hongrois ait d’abord dit que les critiques ne l’amèneraient pas à amender la loi, un des membres du parti au gouvernement s’est déclaré favorable à une modification en cas de mauvaise application ou en cas de problème. Mais le ministre des Affaires Étrangères a affirmé lors d’une conférence de presse que si la Hongrie avait pris l’engagement de poursuivre le programme de la commission européenne en prenant la présidence tournante, elle s’opposait fermement à toute suggestion visant à mettre en doute sa capacité à agir et à limiter ses responsabilités pendant cette présidence. Et le porte-parole du premier ministre a même ajouté que la loi sur les médias était européenne jusqu’à la dernière virgule et qu’il n’était absolument pas envisagé de la changer.

Europe : la liberté de la presse se dégrade de façon alarmante

Pour savoir ci cette loi est totalement valide, il faudra encore attendre. Il ressort de l’Indice de la Liberté de la Presse, enquête annuelle sur l’indépendance des médias dans 196 pays, menée par l’ONG Freedom House, que dans certains pays de l’UE comme l’Italie, la Bulgarie et la Roumanie, les journalistes ne sont que partiellement libres, une situation analogue à celle de leurs confrères au Niger, en Colombie, ou encore en Sierra Leone. En 2009, les membres du Parlement européen ont rejeté une proposition de la commission destinée à préserver le pluralisme des médias dans l’UE. Les députés ont, à trois voix près, voté contre une résolution visant à empêcher Silvio Berlusconi d’exercer son influence sur environ 90% l’espace médiatique. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs déploré ce qu’ils ont qualifié de jour noir pour la liberté de la Presse en Europe. La même année, une nouvelle loi en République Tchèque a interdit aux médias la publication des écoutes téléphoniques, ce qui fut plus tard remis en cause par la cour constitutionnelle du pays.

L'Europe divisée en deux camps

Même s’il est prouvé à l’issue d’une analyse légale exhaustive que la loi hongroise peut s’exercer en conformité avec la loi européenne, une éventuelle directive sur le pluralisme des médias est, et sera toujours, une source de conflits potentiels au Parlement européen. Certains pensent que l’Europe n’a pas à s’ingérer dans des affaires nationales ne concernant pas les traités, quand d’autres voient ces situations comme des anomalies à combattre avant qu’elles ne s’étendent à d’autres pays. Mais il sera toujours délicat de rationaliser la diversité et le pluralisme dans ce domaine puisque ceux-ci dépendent en définitive des systèmes de valeurs et des usages différents selon les pays. Il n’y aura donc pas lieu d’être surpris la prochaine fois que l’un des Etats membres adoptera une loi ambiguë sur les médias. Personne ne peut nier que l’Europe a un problème avec la liberté de la presse.

Photo : Une (cc) bubbo-tubbo/ Flickr

Translated from Hungary's new media law no surprise for Europe