L'histoire du café
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H. ViseurDepuis que je suis arrivée en Bulgarie et que je vois les cafés constamment bondés à toute heure de la journée, je commence à croire que les Bulgares sont accros à la caféïne. Cependant, le café est bien plus qu'une simple boisson. Il a contribué à façonner notre histoire et a jeté des ponts entre l'Orient et l'Occident.
Le café, tout comme la chrétienté, est arrivé en Europe de l’Orient. Le mot arabe qahwah est devenu kahve en Turquie ce qui a donné naissance au mot café : kawa en polonais, koffie en néerlandais et kave en hongrois.
Le caféier vient d’Afrique et plus précisément de l’Éthiopie actuelle. Comme d’autres Africains, les Éthiopiens se donnaient probablement de l’énergie grâce à des boulettes faites de café et de graisse animale. Ils faisaient aussi du vin à partir de la pulpe de grain de café. Ensuite, la plante a été apprivoisée et emmenée au Yémen qui a été le principal fournisseur en café jusqu’au XVIIe siècle.
Le café est arrivé dans l’Empire ottoman par l’Egypte conquise et le Hejaz (région de l’Arabie saoudite) au début du XVIe siècle. Cette boisson, amenée par les marchands qui commerçaient avec les Ottomans, a fait son entrée officielle en Europe par Venise en 1615. De Venise qui était alors le carrefour commercial de l’Europe, le café s’est étendu au reste de l’Italie. Le marchand londonien Edwards a introduit le café en Angleterre en 1652 et, en quelques années, ce pays est devenu le plus grand consommateur de café. Selon la légende, les Autrichiens ont découvert le café à l’aide d’un interprète, Georg Frantz Kolschitzky, qui leur a expliqué comment utiliser plusieurs tonnes de café vert que les Ottomans avaient laissé près de Vienne après le siège de 1683. Bientôt, tout Vienne a commencé à activement boire du café. Un monument rend aujourd'hui hommage à ce « pionnier » du café à Vienne.
Chez les musulmans, tout comme chez les chrétiens, le café était perçu comme un moyen de remplacer l’alcool. Les sociétés musulmanes qui ne peuvent consommer des stupéfiants selon le Coran, appréciaient les effets revigorants du café. Les guerriers arabes croyaient que les pains aromatisés aux grains de café torréfiés tartinés avec du beurre et du sel les aideraient à mieux combattre. Au Yémen, les autorités ont avant tout encouragé la consommation de café, en boisson ou à chiquer, comme une alternative à la consommation de feuilles de khat, addictive et stimulante, illégale aujourd’hui. En Europe, alors que cette nouvelle boisson était largement perçue comme un substitut à l’alcool, alors que des boissons plus fortes étaient aussi consommées dans les cafés.
Le café était perçu à la fois comme un puissant médicament et une substance toxique. Au début du premier siècle après J.-C., Avicenne a proclamé le café comme médicament. Cependant, il est arrivé que la moitié de l’Association médicale du Caire se soit levée pour déclarer au grand vizir que cette boisson était responsable de tous les maux, du pied d’athlète aux maladies zymotiques. En Europe, le café était souvent vendu à côté des limonades et l’on pensait qu’il avait un effet bénéfique sur la santé. En Allemagne, cependant, les médecins avertissaient déjà les femmes enceintes sur les effets néfastes du café. Le clergé l’a aussi qualifié de boisson des infidèles. L’Église a fini par accepter ce breuvage lorsque, selon la légende, le pape Clement VIII y a goûté et est devenu adepte de cette boisson.
Pour les chrétiens et les musulmans, le café était le premier endroit du genre. On y faisait de nouvelles rencontres, on y menait des affaires et on y prenait du bon temps ; le tout pour le prix d’une tasse de café. Lloyds, leader mondial sur le marché de l’assurance, possédait autrefois un café à Londres. En fait, la plupart des vieux clubs londoniens descendent de maisons du café parce que chaque couche de la société possédait leur propre débit de boissons. Alors que les cafés européens étaient des institutions purement laïques, les cafés iraniens pouvaient être accueillir des mollahs et des derviches, mais il était acceptable de les ignorer.
Les maisons de cafés sont rapidement devenues des enjeux politiques. À l’entrée d’un vieux café anglais, il était courant de demander : « Quelle est la table du traître ? » Charles II, roi d’Angleterre, a un jour décidé d’interdire les cafés, mais face à de violentes oppositions, ils ont rouvert dans la semaine. Le sultan Selim II, empereur ottoman, a lui aussi interdit le café très peu de temps après son introduction sur son territoire. Dans ces deux cas, les campagnes d’interdiction à l’encontre du café ont été brèves et « tendaient à s’essouffler à mesure que l’ardeur déclinait ou était diminué par la corruption » ou était tout simplement annulées si les revenus des impôts étaient trop bas. Le café a largement contribué à former l’idée que l’on se fait de la nuit comme un moment d’activité et pas seulement de repos. Le prolifique écrivain français Voltaire était réputé pour boire près de 50 tasses de café par jour. Ce n’est que plus tard, dans les années 1800, que les grains de café, récoltés en grandes quantités au Brésil, sont passés d’un breuvage raffiné à une boisson du quotidien.
L’histoire du café et des maisons du café est directement liée à l’histoire du commerce et des relations internationales. Par exemple, la popularité du café a dramatiquement diminué en Angleterre, lorsque le thé a colonisé avec succès le Sri Lanka sous domination anglaise (appelé Ceylan avant 1972). Aujourd’hui, au moins 25 millions de familles dans 50 pays vivent de cet arbre à feuilles persistantes. En 1963, l’Organisation internationale du café a été fondée sous les auspices des Nations Unies afin de réguler le marché du café. Malgré cela, la déréglementation internationale, les innovations technologiques et les tendances du marché engendrent une instabilité pour les petits producteurs de café. C’est pourquoi les Européens, en tant que grands consommateurs de café, devraient s’assurer que leur café est produit de manière à ne pas mettre à mal les économies, l’écologie et les sociétés des pays producteurs... et avoir une pensée à la manière, dont le café a façonné leurs cultures et leurs vies.
Photos : Ottoman coffee house from Yerasimos, Stephanie, Turkish Style (New York: Vendome Press, n.d.) / The CoffeeHous Mob Ned Ward, The CoffeeHous Mob, frontispiece to Part IV of Vulgus Britannicus, or the British Hudibras (London, 1710), the British Library.
Translated from The Story of Coffee