L'Europe, un territoire politique encore à conquérir !
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Voici trente ans que nous autres, citoyens européens, avons acquis le droit de désigner nos représentants au Parlement européen. Trente ans durant lesquels cette assemblée est passée du simple instrument de consultation au rang de véritable colégislateur de plein droit.
Pourtant la montée en puissance de la seule institution communautaire élue au suffrage universel direct coïncide avec une baisse constante de la participation à son élection. Cette tendance abstentionniste interpelle d'autant plus le Parlement européen des jeunes que le taux de participation aux Européennes est systématiquement inférieur d'environ 20 points à celui des élections nationales qui les précèdent. Le désintérêt est donc spécifiquement européen. Comment l'expliquer ?
Mauvaise foi des acteurs politiques nationaux qui n'évoquent l'Europe que pour l'accabler de tous les maux ? Bêtise des appareils politiques français qui utilisent le Parlement européen pour y installer recalés et disgraciés ? Ces raisons ne sauraient être entièrement écartées. Il est douteux cependant qu'elles soient décisives.
L'histoire l'enseigne, le vote est avant tout une affaire d'empathie, tant à l'égard des candidats que des institutions. En démocratie, la mobilisation de millions de personnes sur des sujets communs implique deux conditions nécessaires et complémentaires : la possibilité pour les citoyens d'identifier les candidats en compétition et la croyance que les décisions prises par les institutions ainsi incarnées ont un impact réel sur la société. Or, si les électeurs se détournent massivement des urnes, c'est bien qu'ils perçoivent encore difficilement le pouvoir croissant du Parlement européen.
Mais l'essentiel n'est toujours pas là. En vérité, nous manquons d'une démocratie européenne parce que nous restons incapables de ressentir émotionnellement la communauté citoyenne que nous constituons à travers l'Europe. Cela tient essentiellement à l'inexistence d'un espace public commun où nous pourrions échanger nos visions de l'Europe qui se construit. En offrant un forum civil et civique, non partisan et non militant, où chacun peut échanger, dans une perspective européenne, ses opinions sur les grands sujets de société, le Parlement européen des jeunes tente à son échelle de combler ce vide. L'objectif est simple mais ambitieux : sortir du débat stérile entre eurobéats et eurosceptiques pour entrer dans le vrai débat public européen.
Car l'enjeu des élections européennes est considérable. En matière de transport, d'énergie, d'éducation, de protection des consommateurs comme dans une quarantaine de domaines politiques, les eurodéputés disposent du dernier mot sur l'ensemble des textes votés. A l'Assemblée nationale, plus de la moitié des lois examinées transposent des textes préalablement débattus et votés au Parlement européen. La couleur politique du Parlement européen n'est donc pas un détail, elle détermine le sens des décisions prises chaque jour à Strasbourg et à Bruxelles et influence de manière significative nos destins.
Combien de temps allons-nous encore abandonner le terrain d'un espace politique qui produit la majorité des lois sur lesquelles est assis notre droit ? Indépendamment des opinions que chacun porte sur le fonctionnement actuel des institutions de l'Union, il est urgent que nous nous appropriions au plus vite l'espace politique que constitue l'Europe en commençant par nous mobiliser pour les élections du 7 juin prochain. Sans quoi il est inévitable que l'Union européenne reste à jamais cet « objet politique non identifié » guidé à vue par le prétendu apolitisme des seuls techniciens et spécialistes de questions européennes.
Par Guillaume BORIE, président du PEJ-France ; Lacina KONÉ et Laura LÉOTOING, vice-présidents ; Thibault d'ORSO, chargé des relations publiques.