L'Europe selon un Américain : « Une idée supérieure du développement humain »
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Sébastien VigneauLe 20 janvier 2009, deux millions d'Américains étaient au Capitole pour écouter Barack Obama le jour de son investiture. Malgré des discours stimulants, le 44e président des Etats-unis a besoin de convaincre au moins 60 des 100 sénateurs pour faire adopter ses projets de lois. Ces politiciens devraient regarder outre-Atlantique pour voir l'Europe avancer vers l'avenir.
Lorsque j'ai commencé à voyager en Europe pour mes recherches à la fin des années 90, j'ai essayé de comprendre les différences entre les systèmes politiques et les institutions démocratiques des Etats-unis et celles instaurées en Europe. J'ai interviewé des hommes politiques, des dirigeants, des journalistes, des bureaucrates, des leaders de partis politiques, des représentants syndicaux et des chefs d'entreprise. J'ai discuté avec des vendeurs, des propriétaires de petits commerces, des PDG, des chauffeurs de taxi, des jeunes gens, des usagers du bus, des voisins dans les ascenseurs, des gens dans les restaurants et cafés, dans leur maison et dans la rue, et même quand ça ne leur disait rien de parler.
Ce ne sont pas seulement les institutions qui différent en Europe. Pendant les années de guerre froide, chaque nation a parcouru, une étape après l'autre, sa propre voie de développement. C'était une période « d'incubation » efficace. La Pax Americana [qui désigne l'hégémonie américaine dans le monde, ndlr] a permis à l'Europe de constituer un « capitalisme social », une idée radicalement différente du développement humain et, il me semble, supérieure.
La plus grande puissance
L'Union européenne est devenue la zone de libre échange la plus grande et la plus prospère au monde. Ses 27 Etats membres (et leur demi-milliard d'habitants) génèrent 30,42 % du PIB mondial (selon la banque mondiale), ce qui est presque autant que les Etats-unis et la Chine réunis. L'Europe a plus d'entreprises classées parmi les 500 premières mondiales que n'en ont les Etats-unis, la Chine ou le Japon, et elle abrite certaines des économies nationales les plus compétitives au monde, d'après le Forum économique mondial. Aujourd'hui, elle a même un taux de chômage inférieur à celui des Etats-unis.
Vers une démocratie économique
Je suis Américain et pour moi, c'est bizarre d'entendre parler des institutions purement européennes et de leurs pratiques telles que : la co-détermination, les comités d'entreprise, les conseils de surveillance, la fléxicurité, la représentation proportionnelle, les parlements d'enfants, l'enregistrement sur les listes électorales, le fond d'assurance maladie, l'architecture verte, les marchés de droits à polluer, l'éducation civique et plus encore...
« Après les rois, les dictateurs... les démocraties représentatives instaurées en Europe sont les plus abouties au monde »
Toutes ces pratiques, les partenariats entre le public et le privé et l'existence de petites entreprises dynamiques sont les fers de lance de ce qu'on appelle la démocratie économique [Il s'agit d'un type de socialisme dont l'économie est basée sur le marché libre (source Wikipédia), ndlr]. Ce concept, les Américains ont bien du mal à l'imaginer : en Europe, le conseil d'administration de Walmart, par exemple, serait composé environ d'un tiers d'administrateurs élus par les employés. Ce mode de fonctionnement est en vigueur dans la plupart des Etats européens.
Une bonne santé
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2000, les Etats européens avaient mis en œuvre les meilleurs systèmes de santé au monde. Et paradoxalement, ils dépensaient pour ce faire beaucoup moins d'argent que les Etats-unis (classés au 37e rang mondial juste devant Cuba) pour cette couverture universelle. 47 millions d'Américains (surtout des enfants) n'ont pas accès aux soins médicaux, en dehors des Urgences hospitalières. En Europe en revanche, même la Croatie [candidat à l'entrée dans l'UE depuis 2003, ndlr], forcément moins riche que les Etats-unis, fournit l'accès aux soins à tous.
De véritables valeurs familiales
En ce qui concerne l'aide aux plus démunis, aux familles et aux travailleurs, l'Europe fait beaucoup plus d'efforts que les Etats-unis : en plus des systèmes de santé de qualité, il existe des systèmes de retraite décents, des congés payés ou parentaux, un accès à l'université gratuit ou quasi gratuit, l'aide au logement... bien plus que s'autorise à rêver un Américain moyen. Mieux huilé que « l'Etat providence », le « capitalisme social » européen est un assemblage ingénieux de lois qui protègent les travailleurs, de manière à aider la population à rester en bonne santé, productive et active, à une époque d'inégalités croissantes et de crise économique.
La conscience écologique
Pour l'environnement, l'Europe est à la pointe. Grâce à l'adoption généralisée de pratiques simples, qui se basent soit sur les énergies renouvelables telles que le solaire et l'éolien, ou soit sur des transports publics efficaces, des emplois sont créés dans le domaine du développement durable et une économie verte voit le jour. L'empreinte écologique de l'Europe [c'est-à-dire l'impact des activités humaines sur les écosystèmes et la planète, ndlr] est de 4, 8 hectares par personne, quand elle est de 9, 5 hectares aux Etats-unis (Source Living Planet report 2009).
Démocratie aux reins solides
Il y eut des rois, des dictateurs... Aujourd'hui, les démocraties représentatives instaurées en Europe sont les plus abouties au monde. Elles font la promotion de l'inclusion, la participation, le consensus, les scrutins multipartites et des politiques s'appuyant sur un large soutien populaire. C'est le politique qui gouverne l'économie, et non le contraire.
Innovation vers l'étranger
Tandis que le « hard power » ( ou puissance coercitive) à l'américaine ne fait pas que des heureux, le « smart power » à l'européenne semble avoir plus de succès sur le long terme : il s'appuie sur des réseaux régionaux d'Etats et un « Plan Marshall » européen pour le développement. On peut même parler d'une « Eurosphère » d'environ 2 milliards de personnes (un tiers de la planète) reliées à l'Europe grâce aux échanges commerciaux, aux aides et à l'investissement.
Alors qui, sinon l'Europe, est le premier leader mondial ? La Chine ? L'Inde ? Ces pays ont encore des années de développement devant eux pour atteindre les niveaux de prospérité de l'Europe ou des Etats-unis. Alors que la crise économique mondiale, le réchauffement climatique et les tensions géopolitiques les mettent en péril, le modèle européen a la capacité de montrer au monde le chemin de l'avenir.
L'auteur est directeur de la fondation New America à Washington DC, et l'auteur de Europe's promise: why the european way is the best hope in an insecure age.
(Crédit photo : speedye/flickr)
Translated from Europe vs the US: seven reflections