L’Europe molle dans la crise coréenne
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La Corée du Nord offre de suspendre son programme nucléaire. Une occasion pour l’UE de participer enfin aux négociations.
Que se passe-t-il dans la tête du dictateur nord-coréen Kim Jong-il ? Ces derniers jours, la Corée du Nord n’a cessé d’envoyer des signaux contradictoires sur sa volonté de régler par la diplomatie la crise déclenchée par la relance de son programme nucléaire il y a plus d’un an. Les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon, mais aussi la Chine et la Russie n’attendent qu’une chose : que Pyongyang accepte de participer à une nouvelle session de pourparlers à six après l’échec des négociations en août 2003 à Pékin. Pourquoi l’Union européenne est-elle tellement en retrait de ce processus de discussions ?
« Concessions audacieuses » de Kim Jong-il
Mardi 6 janvier, la Corée du Nord a proposé de suspendre toutes ses activités nucléaires, tant civiles que militaires. En échange, Washington devrait « simultanément » rayer le pays de « l’axe du mal » et reprendre ses livraisons de carburant suspendues après les révélations sur ses programmes nucléaires en octobre 2002. Une « concession audacieuse », selon Kim Jong-il. Un revirement aussi puisque lundi 5 janvier, donc la veille, la Corée du Nord avait évoqué un « retard », voire un « abandon » des pourparlers si les Etats-Unis ne faisaient pas un geste préalable.
La nouvelle offre de Kim Jong-il intervient le jour-même de l’arrivée d’une délégation américaine, sans mandat officiel, en Corée du Nord pour un séjour prévu jusqu’au samedi 10 janvier. Il s’agit d’un groupe d’experts emmenés par Syg Hecker, l’ancien directeur du laboratoire nucléaire américain de Los Alamos. Invitée par Pyongyang, cette délégation pourrait visiter le site de Yongbyon, le principal complexe nucléaire nord-coréen. Une première depuis l’expulsion des inspecteurs de l’ONU fin 2002. En autorisant cette visite, Kim Jong-il veut, semble-t-il, prouver qu’il détient effectivement des armes nucléaires pour aborder de nouvelles négociations en position de force.
Faible contribution européenne
Ces « concessions » surgissent après l’intense activité diplomatique déployée depuis la fin 2003. Début décembre, les Etats-Unis et ses alliés sud-coréens et japonais avaient par le biais de la Chine proposé à Pyongyang une garantie de sécurité en échange de l’arrêt de son programme nucléaire. Dans ce contexte, une délégation de l’Union européenne s’était rendue en Corée du Nord en passant par Pékin, du 9 au 11 décembre.
Dirigée par Guido Martini, le directeur général pour l’Asie au ministère italien des Affaires étrangères, cette délégation avait réitéré le « ferme soutien » de l’UE aux pourparlers à six. Interrogé sur la volonté de l’UE d’y participer, l’un des membres de la délégation, M. Westerlund de la Commission européenne, avait alors répondu que l’UE ne « voulait pas interférer dans le processus des négociations nucléaires ».
Pourquoi cette attitude si frileuse ? L’UE semble se contenter de son rôle de simple bailleur de fonds : environ 393 millions d’euros d’aide humanitaire et technique versée à la Corée du Nord depuis 1995. Jamais l’Union n’a quitté cette posture diplomatique « molle » : soutien éloigné aux négociations dans l’attente d’une résolution de la crise pour entrer en scène.
Au moment où la situation se débloque peut-être, l’UE doit pourtant s’inviter à la prochaine session de pourparlers. Dans la mesure où les Européens n’ont plus d’intérêts militaires en Asie, ils seraient le médiateur idéal du dialogue de sourd entre Washington et Pyongyang. D’un côté, les Américains veulent éliminer un « Etat voyou » responsable en partie de la prolifération des armes de destruction massive dans le monde. De l’autre, Kim Jong-il défend la survie de son régime en faisant monter les enchères sur le nucléaire. Une occasion unique pour l’Union de mettre sa puissance commerciale au service du droit international et du règlement pacifique des différends. Deux notions qui de nos jours se perdent.