L’Europe en court-circuit ?
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Je sais pas ce qui se passe en ce moment dans le secteur de l’énergie, mais c’est en train de devenir du grand n’importe quoi. On a l’impression que dès qu’il s’agit d’électricité ou de gaz, les dirigeants des pays européens pêtent un câble et se croient tout permis.
Cette fois-ci, c’est l’Espagne qui vient de se faire allumer par la Cour de Justice pour cause de bon gros protectionnisme qui tâche. En résumé, le gouvernement espagnol avait sorti une règle selon laquelle les investisseurs dans les entreprises du secteur énergétique ne pouvaient pas exercer tous leurs droits de vote s’ils étaient contrôlés par des pouvoirs publics étrangers. En gros, c’était la loi anti-EDF.
En effet, notre bon vieux fournisseur d’électricité se la joue service public en France, mais grâce aux réserves hallucinantes qu’il a amassées il est en train de racheter la moitié des entreprises d’énergie d’Europe (et un peu du monde aussi). Résultat, avec la libéralisation du secteur, les espagnols flippaient. Tellement qu’ils ont pondu ce machin débile.
Pourquoi débile ? Mais parce qu’on avait pas vu un truc aussi grossier depuis les années 60 ! Tout le monde sait depuis longtemps qu’en Europe c’est plus possible de limiter les investissements. Alors, depuis les années 90, les mesures sont plus subtiles. On utilise les règles fiscales, sociales, on impose des procédures longues… Mais, là, un truc aussi gros ça nous ramène à la préhistoire du droit communautaire…
A la limite, ce serait un cas isolé, on en ferait des blagues et puis terminé. Mais le problème c’est que l’Espagne est loin d’être la seule à revenir au bon vieux temps de la guerre économique. Entre l’Italie qui protège son fleuron ENEL et la France qui fait fusionner GDF avec Suez pour éviter qu’ENEL, justement, n’achète l’opérateur historique de gaz, ça va vite devenir le bordel !
Non, mais vraiment, qu’est-ce qui leur prend ? Pourquoi soudainement un nationalisme aussi primaire ? Comment peuvent-il pendant les grands sommets professer la main sur le cœur leur engagement européen et une fois rentrés dans leur pays prendre des mesures aussi ouvertement anti-européennes ?
J’ai un début de réponse. Le problème des élites dirigeantes en Europe c’est qu’elles n’ont pas vraiment compris le sens de la construction communautaire. Elles sont trop habituées à trouver des solutions à courte vue, sans analyse d’ensemble. Le terme à la mode en ce moment, c’est « pragmatisme ». Partout on nous sert ça comme l’argument ultime. Comme s’il existait une solution « sur-mesure » pour chaque problème. Comme si les hommes et femmes politiques étaient capables de la trouver…
Il faut se méfier de la tendance actuelle qui consiste à dénigrer toute tentative de compréhension globale ou d’analyse théorique. Ne pas réfléchir en terme idéologique, ça amène très vite à l’opportunisme politique et à des pratiques clientélistes. L’Europe, avec ses règles contraignantes et permanentes est justement le meilleur rempart contre ce genre de dérives.
Revenons à l’énergie. Le grand défi pour l’Europe en ce moment c’est la dépendance énergétique. Il est donc urgent de s’organiser pour assurer la sécurité de l’approvisionnement du continent et pour développer de nouvelles énergies, afin de diminuer cette dépendance. Pour cela nous aurons besoin de toutes les grandes entreprises européennes du secteur.
Dans ce contexte, je suis pas certain que jouer à la gue-guerre entre monopoles nationaux soit la meilleure solution. Comme s’il était encore possible d’assurer son approvisionnement tout seul ! Comme si nos destins sur cette question n’étaient pas inextricablement liés !
En prenant des mesures protectionnistes, les dirigeants nationaux ne respectent pas le doit communautaire, mais c’est pas vraiment le plus grave. En faisant cela, ils font passer l’intérêt de quelques dirigeants d’entreprise avant l’avenir des peuples d’Europe. Mais, étrangement, l’aveuglement est rarement sanctionné en politique…