L'Europe en Afrique du Sud : comme à la maison
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Après l’hécatombe du mois de juin, juillet a vu le triomphe final des Européens. La pieuvre du Vieux Continent, amputée de sept de ses treize tentacules, a déjoué tous les pronostics des parieurs, et c'est tant mieux. Retour sur la prestation des équipes européennes sur le sol sud-africain, entre la tête baissée des grands d'hier et le front levé des nouveaux rois Ibères.
Le podium est entièrement européen. Rouge, jaune, orange et noir. Pour la première fois des troupes en short venus d’Europe gagnent une Coupe du Monde loin de leurs bases. Le Continent-Lumière s’adapte et s’exporte. Florilège des prestations des équipes du soit-disant Vieux continent.
Vainqueurs d'hier : la tête basse
Les finalistes de Berlin ne sont pas remis de leurs exploits de 2006. L’Italie et la France ont créé une surprise attendue. Des équipes vieillissantes. Encore plus mauvaises que les observateurs le redoutaient et bien moins entreprenantes que les supporters l’espéraient. Des sélectionneurs à court de solution avaient bâti des groupes sans cohérence, avec peine et sans perspective. Marcello Lippi et Raymond Domenech connaissaient le nom de leurs successeurs avant l’entrée dans la compétition. Le mauvais exemple ne sera sans doute pas suivi.
Faibles et opprimés : la tête haute
Les petits Européens venus de Slovénie, de Grèce et de Suisse ont alterné le bon, le moyen et le mauvais. Un match gagné. Insuffisant pour se qualifier mais nécessaire pour ne pas rentrer à la maison sous les quolibets. Être présents au raout des grands du ballon rond suffit au bonheur de ces nations. Ne pas repartir humiliés constitue un bonus. Seule la Slovaquie, inconnue et inattendue, s’est extirpée de sa poule, aux dépends d’Italiens suicidaires. Portés par le gentil géant Vittek, buteur en série, les souffre-douleurs des Tchèques ont pris leur revanche sur l’Histoire. Les faibles et les opprimés ont levé la tête. Juste le temps de voir fondre sur leur campement de fortune un engin de chantier orange et cruel.
Les outsiders déçoivent
Les outsiders danois et serbes, habitués du haut niveau, ont déçu. Les athlètes venus de Copenhague et de Belgrade disposaient des éléments collectifs et individuels pour effectuer un parcours honorable. Mais la magie n’a pas opéré. Le désenchantement pointe chez les voyantes aveugles des faubourgs malfamés de Leskovac et parmi les elfes facétieux des forêts du Midtjylland.
Le bateau Angleterre chavire
L’Angleterre a cherché hors de son île, les trésors qui lui font défaut. Une vieille habitude. Le tropisme du voyageur-voleur l’a amené sur les terres italiennes pour s’emparer d’un entraîneur italien. En toute courtoisie. L’heureux élu, grassement rétribué, est un gagnant patenté. Même s’il n’avait encore pas tenté l’expérience de sélectionneur. Rien n’y a fait. Fabio Capello a échoué. Largement et profondément. Comme un vulgaire technicien anglais. Pourtant, la solution aux maux anglais est simple : réarmer le navire-marchand en quête d'un gardien français et d'un attaquant argentin. Naturalisés aussitôt sortis des cales, ces deux éléments porteront l'équipe de la rose en demi-finale et seront aussitôt anoblis.
Christiano Ronaldo, seul contre tous
Le Portugal a trouvé sur son chemin l’encombrant voisin espagnol. Le taiseux et modeste Lusitanien déteste secrètement le volubile et vantard Ibère. L’histoire des deux pays est entremêlée le long du Douro. L’immigré parti de Coimbra doit passer par le péage espagnol et l’émigré venu du Guimaraes ne peut éviter les terres ibériques pour retourner saluer la famille. Cristiano Ronaldo, seul contre la Roja, devient un enfant inutile et geignard. La défense de fer préparée par Carlos Queiroz a cédé sous les assauts conquérants de l'Espagne.
Hollande : Jamais deux sans trois
Sur la terre de leurs aïeux Boers, les Pays-Bas ont perdu de leur superbe. Mesquins et en manque d’initiative. Vaincus en dernière instance pour la troisième fois, les Bataves n’ont pas seulement perdu une rencontre, ils ont aussi égaré une réputation flatteuse. Après deux finales (1970 et 1974) sacrifiées sur l’autel du jeu, ils avaient décidé de délaisser leurs principes fondateurs. Avec en point d’orgue, une ultime sortie émaillée d’agressions sordides. Le plan minimaliste dessiné par Bart Van Marwick alliait une solidité de tous les instants à des contres parcimonieux et efficaces. Rinus Michels (entraîneur de la Hollande 1990-1992) s’est retourné dans sa tombe et Johann Cruyff s’est tortillé de rage dans son fauteuil. Heureusement l’avarice néerlandaise n’a pas triomphé du panache espagnol. Les deux légendes du football total gardent le sourire.
L'Espagne intègre le carré VIP
L’Espagne, terreur du football de club, devient une puissance du football de nation. Forts d’un doublé historique, acquis en jouant une partition onirique, les Ibères rendent enfin justice aux Français de 1986, aux Néerlandais de 1974 et aux Hongrois de 1954. Après des années de disette et une histoire de frustration, le jeu est enfin récompensé.
Accueillons dans la joie et la félicité l’impétrant au cénacle des vainqueurs européens. L’Espagne rejoint l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre et la France. Le Big 5 est enfin au complet. Les convives peuvent à présent savourer leur dîner de gala : quelques antipasti et des tapas accompagnés d’une pils fraîche en entrée, suivi d’une belle côte de bœuf arrosée d’une lager mousseuse. Le Brésil, futur hôte du Mondial en 2014, risque de déguster.
Photo : ©pollobarba/Flickr; l'affaire Anelka : ©robertodevido/Flickr; La vuvuzuela anglaise : ©DFID - UK Department for International DevelopmentDFID - UK Department for International Development/Flickr; la défaite portugaise : ©mikkelz/Flickr; Iniesta victorieux : ©Globovisión/Flickr