L'Europe en 150 ans de photographie
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"L'Union européenne ne se base sur rien de concret, elle n'est qu'une construction politique gouvernée par des bureaucrates élitistes (qui au passage nous volent notre souveraineté)." Voilà en gros, le verdict sans appel de l'eurosceptique moyen. La fondation Alinari de Florence qui collectionne depuis 1852 toutes sortes des photographies veut convaincre du contraire.
Son exposition sous le patronage de la présidence de la république italienne et de la commission européenne "Europa in Bildern - L'Europa delle immagini" cherche à prouver que l'Europe se base sur un grand nombre de cultures liées entre elles par des valeurs communes et ayant donc un avenir commun, ce dont témoignent 150 ans de photographie.
par Sergio Marx
La première partie de l'exposition est constituée de "cartes de visites" des 27 pays de l'Union Européenne. Pour chaque pays quatre photos qui représentent son histoire et sa culture. Les images choisies par les ambassades respectives représentent par exemple la chute du mur de Berlin, le roi d'Espagne lors de la mort de Franco, une école de la IIIème république française. La seconde partie est elle moins centrée sur les histoires nationales et rend compte de moments de la vie quotidienne, on y voit des promeneurs mangeant tranquillement une glace ou un concert de musique classique. À l'opposé, un corps sans vie sur une plage méridionale nous rappelle les côtés les plus durs de la réalité européenne comme les dangers de l’immigration illégale.
Connaissez-vous cette femme? George Charles Beresford, Virginia Woolf, 1902 © Ullstein Bild–Garanger CollectionLe visiteur pourra également contempler des images originales de paysages, d'acteurs, d'intellectuels ou de personnages de la culture populaire, dont les capteurs vont d'Eugène Atget à Brassaï, d'Henri Cartier Bresson à Gustave Le Gray et August Sander. L'amateur sera ravi. La présentation est plus souple et reste intéressante par les associations qu'elle produit: d'anciennes ruines antiques côtoient une reproduction de Guernica, des ruines éloignées de millénaires mais toutes deux présentes dans la mémoire collective européenne.
Le parti pris de n'accompagner les photos que des titres et des auteurs sans y ajouter d'indications sur la biographie du modèle ou sur le contexte des événements présentés fait que l'image réveille des sentiments différents chez chacun des visiteur mais peut également le laisser perplexe s'il n'est pas connaisseur. Tout le monde connaît-il la femme de lettre anglaise Virginia Woolf, ou l'histoire de la construction européenne assez bien pour voir se qui se cache derrière une photo de quatre hommes signant un traité ? Pourtant, lors de l'ouverture de l'exposition, Walter Momper, président de la chambre des députés de Berlin, insista sur le caractère éducatif qu'elle devait avoir, en particulier en direction des jeunes. Cela ne semble malheureusement par être le cas.Ou sont la Norvège ou l'Ukraine?
De plus, pourquoi avoir limité les cartes de visites aux 27 pays de l'Union Européenne? Cela voudrait dire que les culture nationales ne prennent une dimension européenne qu'à travers l'Union Européenne. Il semblerait que l'Europe s'arrête aux portes de l'Union Européenne. Si l'exposition eût été présentée en 2006, la Roumanie et la Bulgarie n'y auraient donc pas figurés, alors qu'elles faisaient déjà tout autant partie de cette même communauté d'esprit. Qu'en est-il de la Norvège, la Suisse, la Croatie, l'Ukraine et, sans entrer dans un débat qui dépasse le cadre de cet article, la Turquie?
Mais après tout, les images ne perdent rien à leur charme, donc si jamais vous vous baladez dans Kreuzberg sans savoir quoi faire, passez quand même à la Willy-Brandt-Haus, c'est gratuit et vous aurez également accès à une autre exposition présentée dans le même bâtiment, celle de Pablo Picasso.
Willy-Brandt-Haus, Stresemannstr. 28, (U-Bhf. Hallesches Tor) Jusqu'au 30 mars, du mardi au dimanche de 12 heures à 18 heures, ouvert également le lundi de Pâques. Entrée gratuite, pièce d'identité nécessaire.