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L’Europe de la défense : rêve ou réalité ?

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Bruxelles

L’idée d’une défense européenne revient sur le devant de la scène politique depuis quelques mois. On l’a encore vu cette semaine avec les déclarations de François Hollande à l'occasion d'un entretien avec six quotidiens européens. Mais où en est-on ? Peut-on envisager une armée européenne dans les prochaines années ? CaféBabel démêle le vrai du faux. 

L’Europe de la défense, une idée récente ?

FAUX. Nous allons bientôt célébrer les 60 ans des traités de Rome le 25 mars prochain, souvent vus comme le succès politique à la base de la construction européenne actuelle. Pourtant, cette construction ne date pas de 1957 et l’idée de la défense a très vite suscité d’importants débats sur le Vieux Continent. Après la signature du traité de Paris le 18 avril 1951 instaurant la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), la question d’une possible armée européenne a été mise sur la table avec un traité signé en 1952, afin d’instaurer la Communauté européenne de défense. Cette initiative ambitieuse prévoyait notamment l’établissement de forces européennes de défense. Mais le texte fut rejeté par l’Assemblée nationale française en 1954 et le projet abandonné. Premier échec certes, mais premier projet. 

Plus modeste, l’Union occidentale voit le jour en 1948. Ce projet de coopération entre le Royaume-Uni, la France et les États du Benelux prévoit une assistance militaire entre les membres en cas d’agression.

Et depuis, rien ?

VRAI ET FAUX.  L’idée de défense européenne fut parfois inscrite à l’agenda politique, notamment avec l’élargissement et un léger approfondissement de l’Union occidentale, devenue Union de l’Europe Occidentale. Mais ce n’est que dans les années 1990 que la question revient vraiment sur le devant de la scène politique, dans un contexte post-Guerre froide et d’embrasement des Balkans. L’Europe ressent le besoin, dans un effort commun, de développer une stratégie de défense axée sur le maintien de la paix, la prévention des conflits ainsi que la stabilisation post-conflit.

C’est ainsi que la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, devenue Politique de Sécurité et de Défense Commune, est créée, mais sans grande avancée concrète. Pourtant, l’UE se veut ambitieuse. En 1999, elle prévoit de créer un corps européen de 60 000 soldats. Mais cet objectif ne sera jamais atteint, l’UE ne menant que quelques opérations sur le terrain par le biais de contingents nationaux.

De retour au premier plan ?

VRAI. Les enjeux (géo)politiques ont effectivement remis la défense européenne au goût du jour. D’après un document de la Commission européenne publié en novembre dernier, « l’Union européenne fait face à des défis sécuritaires comme jamais auparavant, à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières ».

D’une part, l’Europe est confrontée depuis quelques années à une menace terroriste que les dirigeants européens prennent très au sérieux et qui justifie, selon certains, d’aller vers plus d’Europe dans les domaines militaires et de sécurité.

Ensuite, bien qu’elle ne soit jamais citée explicitement, l’attitude de la Russie sur le terrain (Ukraine) et sur la toile (cyberattaques dont elle a été soupçonnée), incite les États européens, notamment de l’Est, à pousser pour une politique de défense plus intégrée. C’est notamment en ce sens que le député européen estonien Urmas Paet a présenté un rapport sur l’Union européenne de la défense qui fut adopté par le Parlement européen en 2016.

Le Brexit joue lui aussi un rôle dans le retour en force de l'idée d'une défense européenne. En effet, les Britanniques ont toujours été réticents à mettre en oeuvre les initiatives précédentes en la matière. Leur retrait du l'UE apparaît comme une opportunité de rattraper le temps perdu.

Enfin, l’élection de Donald Trump marque aussi un tournant. Le président étatsunien a longtemps martelé qu’il n’accepterait pas de financer largement l’OTAN, laissant sous-entendre que les Européens devraient eux-mêmes régler la facture davantage y participer. D’où une incitation à plus de défense européenne.

Des mesures ambitieuses ?

PLUTOT FAUX. Faisant écho à la volonté de certains chefs d’Etat et de gouvernement d’aller vers plus de défense européenne, les institutions ont formulé plusieurs propositions. Le 8 juillet 2016, les dirigeants de l’OTAN et de l’UE ont signé une déclaration commune afin de coordonner  l’action des contingents opérationnels entre les deux organisations. En novembre 2016, la Commission a, quant à elle, proposé un « Plan d’action européen de la défense», afin notamment de créer un fonds de recherche et de soutenir les entreprises dans le secteur. Ce plan a été accueilli favorablement par le Conseil européen de décembre dernier. Lundi dernier, le Conseil de l’Union européenne a décidé de mettre sur pied « une capacité militaire de planification et de conduite (MPCC) au sein de l'État-major de l'UE ». Enfin, lors de ce dernier Conseil européen des 9 et 10 mars 2017, les dirigeants européens ont réaffirmé leur volonté d’aller vers plus de défense européenne. S’il y a bien des mesures qui sont envisagées, elles demeurent assez modestes.

Bilan ?

Certes, les dirigeants européens souhaitent coordonner leur action de défense, mais on semble encore bien loin d’une armée européenne. Alors qu’un corps européen avait été envisagé en 1999, corps qui n’a jamais vu le jour, il ne constitue même pas un objectif à moyen terme aujourd’hui. Et les mesures concrètes proposées se concentrent essentiellement sur la recherche et le marché. L’Europe de la défense, un rêve finalement lointain ?