L’Europe à la conquête de l'Eldorado militaire indonésien?
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L’UE s’intéresse de plus en plus aux politiques de défense en Europe. Les complexes militaro-industriels se tournent vers la vente d’armes à l’étranger. Et l’Indonésie semble être un nouvel Eldorado. Quelle est la situation actuelle ? Nous avons tenté de trouver des réponses auprès de Bruno Hellendorff, chercheur spécialiste des questions de paix et sécurité en Asie du Sud-Est au GRIP.
Selon les mots de B. Hellendorff, les besoins de l’Indonésie dans le domaine de la défense sont « considérables » et « multiples ».Jokowi a porté la réforme de l’armée comme une des priorités de son mandat. En particulier, il tient à renforcer l’économie maritime de l’Indonésie. Cependant, il est difficile de chiffrer les besoins de l’armée de l’archipel. L’Indonésie s’est d’ailleurs fixé des objectifs au travers du plan Minimum Essential Forces afin de moderniser les armées navale, aérienne et de terre.
L’Indonésie fait également face à un besoin de réformes institutionnelles. B. Hellendorff l’évoque : « il y a un besoin criant de modernisation […] au niveau de la paie des soldats, au niveau du welfare, de la couverture sociale… ». En dehors du fonctionnement des armées, l’organisation militaire de l’Indonésie doit également tendre à plus de transparence. Il est effectivement de tradition en Indonésie que les fonctions politiques et militaire soient imbriquées.
Enfin, il existe un besoin de « welfare ». « Le welfare, c’est surtout la capacité de l’Etat et de ses émanations, qu’il s’agisse du ministère de la défense, des forces armées elles-mêmes (TNI), d’assurer à chacun des soldats un salaire correct, décent qui arrive en temps et en heure, mais aussi la possibilité pour eux d’allier vie professionnelle et vie de famille… », explique Hellendorff. Or cette question est liée au budget dévolu à l’armée et donc à la performance de l’économie nationale. Malgré les réformes macroéconomiques de Jokowi, l’économie indonésienne demeure sous-performante. Elle impacte donc le budget de l’Etat indonésien en matière militaire brisant ainsi l’élan d’investissements indonésien et l’Eldorado pour les investisseurs européens du domaine militaire. En 2016, malgré une augmentation budgétaire voulue par le Parlement indonésien, l’exécutif a dû demander à l’armée de restreindre ses financements en cette fin d’année pour contribuer au comblement du déficit budgétaire.
Une diversifit mais encore bien peu nombreux
Malgré le renouveau de la question d’une défense communautaire au sein de l’Union européenne (armée, budget commun, investissement commun…), les institutions demeurent peu impliquées. L’Union a simplement établi huit critères communs afin d’établir des positions étatiques parallèles sur les autorisations de vente d’armes. Cependant, l’interprétation de ces derniers reste à la discrétion des États Membres et donc il existe toujours 28 positions divergentes. Selon Hellendorff, la vente de chars Léopard II par l’Allemagne à l’Indonésie à la suite d’un refus néerlandais illustre parfaitement cette diversité de positions européennes.
Par là même, on arrive donc à une diversité de positionnement entre les différentes entreprises européennes, selon leur « nationalité ». Ainsi, par exemple, Thalès et Airbus sont très bien positionnés sur le marché indonésien, tout comme Damen avec la vente de frégates ou encore Nexter, qui a vendu une trentaine de canons CESAR. En dehors de ces entreprises principalement néerlandaises et françaises, il existe certains acteurs publics.
Les Européens doivent faire face à deux limites. La première est la concurrence rude des entreprises chinoises, américaines et russes. La Russie a pu remporter le marché des avions de chasse. L’Europe est connue pour produire des biens de bonne qualité mais dont la compétitivité-prix est plus relative. De plus, Hellendorff afirme que le fait que l’Indonésie, comme tout pays émergent, demande à ce que les achats s’accompagnent de « partenariats locaux » afin de « dynamiser la base industrielle et technologique de la défense » peut susciter des réticences de la part des investisseurs à l’égard de ces marchés.
Aujourd’hui s’il y a une volonté indonésienne d’investir dans son armée, la réalité budgétaire et économique de l’Indonésie ne lui permet pas de se moderniser aussi rapidement que voulu. Différents obstacles restent toujours présents en particulier en matière d’investissement. De plus, les acteurs européens du marché de l’armement demeurent diverses et peu présents sur le marché malgré une volonté affichée d’y gagner des parts de marché. Mais quelles sont les motivations de l’Indonésie aujourd’hui pour justifier un tel investissement ?
Cet article a initialement été publié sur le site web du magazine Eyes On Europe.