L'Europe à besoin d'une révolution pacifique
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Hanna Bonnier|Opinion| Les élections européennes ont lieu dans deux mois. Or, l’Europe fait encore aujourd’hui face à une crise sans précédent avec des européens de plus en plus exaspérés et méfiants. Pourquoi devrions-nous voter pour une UE qui a clairement échoué à se préparer à la plus importante des crises depuis la Grande Dépression et à s’y confronter de façon adéquate ?
D'après le professeur d’Intégration Européenne de l’Université d’Athènes et Président de la Fondation Hellénique pour l’Europe et la Politique Etrangère (ELIAMEP), Loukas Tsoukalis : « Les hommes politiques ont tendance à remettre toutes les difficultés à plus tard ».
DE VILAINES POUPEES RUSSES
Selon Loukas Tsoukalis, essayer de comprendre les dimensions multiples de la crise économique européenne c’est comme jouer avec de « vilaines poupées russes » - la plus grande représente la bulle du système financier international qui a éclaté en 2008 avec la rupture du marché financier ; à celle-ci s’imbrique la crise de l’UE qui démontre les dangers d’avoir une monnaie commune sans des institutions adaptées pour la soutenir ; enfin, la plus petite des poupées correspond aux problèmes fiscaux nationaux auxquels les Etats membres doivent faire face. Problèmes, exacerbés par une année d’emprunt continus auprès des banques. Ces crises nationales sont devenues inséparables de la crise de l’Euro. Aujourd’hui « la fête est finit », nous dit le Professeur Tsoukalis, mais qui va payer la facture ?
Des erreurs ont été faites à la fois sur la scène nationale tout comme sur la scène européenne. L’explosion de la bulle financière a fait perdre une décennie à l’UE. En effet, l’UE a sous estimé les conséquences de l’ajustement fiscal et les divisions entre les Etats membres que cela allait engendrer. D’après Tsoukalis, « nous devrions nous estimer heureux si nous ré-atteignons les taux de croissance et de PIB de 2007 d’ici à 2016 ».
AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
La Grèce a perdu à elle seule un tiers du niveau de qualité de vie, pendant trois ans elle a été sujette à de drastiques mesures d’austérité (2009-2012) et se range aujourd’hui parmi les pires performances au sein de l’UE en terme de déséquilibre des salaires, de taux satisfaction et de suicide. Le taux de chômage est quant à lui encore extrêmement élevé, ce qui représente un obstacle de taille à la croissance et au développement. Peu importe la situation des Etats membres avant la crise, aujourd’hui quasiment l’ensemble de la zone Euro souffre des conséquences du désengagement, de l’irresponsabilité et de l’inefficacité de l’UE.
Aujourd’hui, les sociétés européennes frisent la crise de nerfs. Si nous continuons à nous enfermer dans le cercle vicieux de l’austérité et de la récession avec les salaires qui diminuent et les taxes qui augmentent, le risque d’explosion sociale est à prévoir. Cependant, la majorité des citoyens européens reste en faveur l’Euro et ce, parce qu’ils ont peur que la situation ne devienne encore plus inquiétante sans monnaie commune. C’est ce que Tsoukalis décrit comme la « balance de la terreur ».
Beaucoup pensent qu’après que les citoyens aient payé le prix fort nous nous dirigeons aujourd’hui vers une sortie de crise. Le sommes-nous réellement ? Le chômage continue d’augmenter, la dette est toujours incroyablement élevée, et l’UE continue à aller de l’avant sans être réellement préparée.
VERS UN NOUVEAU GRAND COMPROMIS
« L’Europe a besoin d’une révolution pacifique », nous dit Tsoukalis. Plus de changement est nécessaire à la fois au niveau domestique et institutionnel, afin que les 28 nations et que l’UE en tant qu’entité commune sortent de la crise. L’UE a besoin d’un « nouveau grand compromis » pour changer son approche de gestion de crise et pour « échapper à la vision du jeu à somme nulle prévalant entre les créditeurs et les débiteurs, entre le Nord et le Sud ».
Tsoukalis affirme que le plus grand des défis auquel l’UE doit faire face aujourd’hui est de continuer à remonter la pente sans pour autant balayer ses problèmes sous son tapis et ce, en s’engageant dans une politique de croissance active avec la mise en place de mesures nécessaires et adaptées. Cette crise aura rappelé que l’UE ne dispose aujourd’hui d’aucun mécanisme pour y faire face. L’Euro ne survivra pas sans une base économique et politique stable, nous alerte Tsoukalis, et il ajoute que l’union bancaire et une coopération accrue avec l’Union Monétaire et Economique est vitale pour sauver l’UE de son déclin.
Pour le moment, les espoirs de croissance de l’Europe restent faibles. Néanmoins, d’importantes décisions ont besoin d’être prises dès maintenant car plus nous attendrons plus les défis deviendront importants et difficiles à résoudre.
"un acte hardi, un acte constructif"
Les citoyens ont perdu confiance en l’Europe et se méfient de la politique en général. Cela a pour conséquence un retour au nationalisme où chaque Etat agit d’abord en fonction de ses propres intérêts et ce, dans une société où les citoyens se sentant beaucoup moins concernés par la notion de « bien commun » deviennent de plus en plus individualistes.
Or, ce n’est pas le moment de se battre seul. Et il serait stupide de le faire. Il est temps de réaliser l’impact qu’une alliance prestigieuse et puissante des Etats membres de l’UE pourrait avoir dans un monde globalisé.
Cette crise perpétuelle a orienté le débat sur ce qui a besoin d’être fait en Europe et sur quel future nous lui voulons. Cependant, la question n’est plus de savoir si nous voulons plus ou moins d’Europe car la réponse est que nous voulons aller vers une Europe meilleure. Pour cela, nous devons enfin adresser la question du comment atteindre cet objectif. Robert Schumann déclarait le 9 mai 1950, « il n’est plus question de vaines paroles mais d’un acte, d’un acte hardi, d’un acte constructif ». Les élections européennes de mai prochain qui offriront aux citoyens de faire entendre leurs voix sont une première étape vers, nous l’espérons, un acte constructif.
Translated from Europe needs a peaceful revolution