Lettonie 2014 : Letton monte sur l'entrée dans l'eurozone
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Anne-Sigrid FumeyMalgré la crise de l'euro, la Lettonie souhaite adopter la monnaie unique l'année prochaine. Pourtant 65% de la population s'y oppose : de nombreux Lettons craignent une hausse des prix et ne veulent pas payer pour les États du Sud de l'Europe. Car ce petit pays a lui-même surmonté une grave crise économique et consenti à de nombreux sacrifices.
Entre manucure et coiffure, il se passe toujours quelque chose dans le petit salon de Inga Kraft et Astrida Fishere. Ces derniers temps, les conversations tournent autour de la politique. Le gouvernement letton souhaite en effet introduire l'euro en 2014, et cela dérange autant les clientes que les coiffeuses. « Cela ne fait que 22 ans que nous sommes indépendants de l'URSS et du rouble, et nous voudrions déjà nous séparer du lats letton. C'est pourtant une partie de notre identité », tempête Inga. Sa collègue Astrida acquiesce, tandis qu'elle teint en roux les mèches d'une cliente : « Tout va devenir plus cher et nous allons perdre nos clients ».
Lundi 4mars, le ministre-président letton Valdis Dombrowskis a signé la demande officielle d'adhésion de son pays à la zone euro pour l'année prochaine : « Notre économie et notre monnaie sont déjà liées à l'euro depuis 2003. Cela n'aurait donc aucun sens de garder le lats. Nous sommes trop liés à l'euro et à l'UE ».
Pour Andris Strazds, économiste à la banque Nordea à Riga, les entreprises et les touristes profiteront de la disparition des taux de change élevés. Plus de la moitié des entreprises exportent déjà vers des pays de la zone euro et s'acquittent de frais élevés pour échanger les lats en euros, et inversement.
La Lettonie veut peser sur la scène européenne
La raison est également d'ordre psychologique, d'après Strazds : « On parle souvent d'une Europe à deux vitesses. Il y aurait les lents, auxquels appartiennent la majorité des pays de l'Est, et les rapides, auxquels appartiennent les pays de la zone euro. Nous voulons faire partie des rapides et participer aux négociations sur l'avenir de l'Europe. Pour cela, que nous le voulions ou non, il faut être dans l'eurozone ».
La population est loin d'être aussi convaincue. En 2003 les Lettons ont certes approuvé par référendum l'adhésion à l'UE et le passage à la monnaie unique. Le pays est membre de l'UE depuis 2004 et respecte les critères de convergence de la zone euro depuis l'automne dernier.
Plus de 65% de la population rejette désormais la monnaie unique
Pourtant plus de 65% de la population rejette désormais la monnaie unique. « L'euro va nous coûter les yeux de la tête », jure un habitant de Riga. Beaucoup de Lettons pensent comme lui : ils ne veulent pas payer pour les États en crise du Sud de l'Europe. Car leur petit pays sort lui-même d'une grave crise économique, et les Lettons ont dû faire beaucoup de sacrifices.
En 2009, la Lettonie était au bord de la faillite. En échange d'un prêt de plus de 5 milliards d'euros du FMI et de la Commission européenne, le gouvernement a dû mettre en place une politique d'austérité. Pendant que l'État réduisait son administration hypertrophiée et diminuait les salaires des fonctionnaires de près de 20%, les entreprises réduisaient leurs dépenses énergétiques et affluaient sur le marché occidental. Fin 2012, la Lettonie remboursait intégralement son emprunt – avec trois ans d'avance.
Aller de l'avant
La crise a servi de leçon au monde politique, mais également économique, affirme l'économiste Aivars Timofejevs, de l'antenne de Riga de la Stockholm School of Economics : « La part des exportations dans l'économie est passée de 40% avant la crise à plus de 60% aujourd'hui. Dans l'agroalimentaire, des entreprises individuelles se sont associées pour être plus fortes sur les marchés étrangers ». L'accent a également été mis sur la finition des produits : « Nous ne sommes compétitifs que si nos marchandises sont de meilleure qualité ».
Mais le redressement a un prix. Le salaire brut en Lettonie tourne autour de 633 euros par personne, en-deçà de son niveau d'avant crise. « Nous nous plaignons simplement moins que d'autres pays européens », explique le jeune expert en informatique Janis Gailis. « C'est pourquoi les Lettons vont de l'avant et ne descendent pas dans la rue comme les Grecs et les Espagnols, malgré la rigueur. »
Le ministre-président Valdis Dombrowskis a promis de convaincre les Lettons d'ici l'été. Pour renforcer l'identification à la nouvelle monnaie, une pièce d'euro à l'apparence du lats letton d'avant-guerre sera mise en circulation. Mais en fin de compte, c'est la Commission européenne qui va juger si la Lettonie est effectivement prête pour la zone euro. Les conditions d'adhésion sont une inflation faible, un budget stable et des recettes fiscales sûres. Dans le salon d'Inga Kraft et Astrida Fishere, on continue de boucler des cheveux et de vernir des ongles. Si cela ne tenait qu'à ces deux Lettones, leur pays échouerait à l'examen d'entrée dans l'euro cet été.
L'auteure de cet article, Birgit Johannsmeier, est correspondante du magazine consacré à l'Europe de l'est ostpol.
Photos : Une (cc)liber/flickr; Texte (cc)lancetino/flickr
Translated from Lettland 2014: Ohne Jammern in die Euro-Zone