L’été des poissons volants : itinéraire d’une coproduction franco-chilienne
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L’été des poissons volants offre une délicate évocation du conflit mapuche. Cette histoire de choc des cultures n’aurait pas vu le jour sans une coopération européenne entre le festival de San Sebastian en Espagne et le festival Cinélatino de Toulouse : le film a gagné en 2013 le prix Cinéma en construction qu’ils décernent de concert. Nous avons rencontré la responsable du prix pour Cinélatino.
cafébabel : Pour commencer, est-ce que tu peux présenter un peu Cinéma en construction ?
Eva Morsch Kihn : Cinéma en construction, c’est un dispositif d’aide à la finalisation de films, donc de work in progress latino-américain, qui est le fruit d’une coopération européenne entre le festival de San Sebastian en Espagne et le festival Cinélatino de Toulouse en France. Les deux festivals se sont associés pour organiser ce dispositif. Il existe depuis 2001 et intervient au moment de la finalisation du film. Cinéma en construcion est donc au départ une aide à la post-production.
cafébabel : À quel moment le festival intervient ?
EMK : En général, que ce soit Toulouse ou San Sebastian, le festival accompagne les films. Ça a été le cas de L’été des poissons volants. Nous l’avons sélectionné l’année dernière en mars et montré à Cinéma en construction aux professionnels qui étaient là. Ils ont trouvé leur agent de vente, ils ont eu le prix, ils ont finalisé le film à Paris, ils ont été sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Ensuite le film a connu une carrière internationale très importante, et au moment de la distribution, le distributeur a décidé d’harmoniser la date de sortie avec nos dates. On a donc fait venir Marcela Said (la réalisatrice du film, ndlr) pendant dix jours et elle a sillonné la région pour accompagner le film.
cafébabel : L’été des poissons volants est revenu à Cinélatino en Panorama Fiction cette année…
EMK : Marcela, nous l’avons aidée à travers Cinéma en construction à finaliser le film, ella a également reçu l’aide du Fonds Sud Cinéma, du CNC et d’Arte. Et maintenant ce qui intéressant c’est que c’est son premier long-métrage de fiction (elle a réalisé trois documentaires auparavant, nda), et là elle vient d’être sélectionnée par la Cinéfondation, la résidence du festival de Cannes, pour être en France pendant quatre mois et rédiger son nouveau projet, qu’elle a présenté à Toulouse dans le cadre de Cinéma en Développement puisqu’on a un partenariat avec la Cinéfondation. C'est donc un circuit où en général, quand on découvre un réalisateur, on l’accompagne jusqu’au bout en partenariat avec différentes structures.
Bande-annonce de L'été des poissons volants
cafébabel : Quel sont les moyens à travers lesquels un film peut acquérir une dimension européenne ?
EMK : On a un troisième dispositif qui est EDEN (European Distributors and Exhibitors Network) qui est un réseau qui associe des professionnels européens (Irlande, Espagne, Bulgarie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Slovaquie, République Tchèque, Islande) autour de la thématique de l’accès aux films d’art et essai un peu plus indépendants que ceux qui circulent normalement, et c’est souvent de jeunes professionnels qui viennent de créer des salles de cinéma souvent pas très grandes, qui font 100 places, 30 places, dans des pays où il n’y en a quasiment pas. Un film comme Pelo Malo (film vénézuélien de Mariano Rondon, ndlr), sorti en France en avril avec un beau succès public et critique après avoir été sélectionné à Cinéma en construction en phase de post-production, puis sélectionné et gagnant de la Concha d’or à San Sebastian, va être diffusé sur tous ces territoires-là. C’est donc un film qui arrive à faire un consensus et en tout cas un film suffisamment universel pour pouvoir aussi rencontrer des spectateurs dans des pays qui ne sont pas forcément très équipés en termes de développement des publics et de salles de cinéma.
C’est vraiment à la fois une aide à la création du côté des réalisateurs et une aide à la diffusion du cinéma. Ce genre de dispositifs existe de plus en plus ou c’est vraiment une originalité dans un festival, d’une part de s’intéresser à cette partie-là de la vie des films, d’autre part de tisser des partenariats entre festivals ?
EMK : Il y a deux réponses. On a été pionniers, à la fois sur l’association avec San Sebastian, association de deux festivals pour mettre en place des événements et mettre en place un dispositif comme Cinéma en construction, ça n’avait jamais été fait. Depuis, il y en a eu beaucoup surtout en Amérique latine, donc là-dessus on est vraiment initiateurs. Si beaucoup de festivals ont des parties professionnelles, la particularité qu’on peut revendiquer sur Cinéma en développement, c’est le fait de ne pas vouloir devenir un marché de projet mais vraiment un espace de rencontres dans lesquelles on est vraiment actifs, en allant chercher des gens pour.
Et sur le réseau EDEN c’est unique aussi en Europe d’avoir un réseau de ce type avec des professionnels de ces pays-là autour de la distribution. Il y a des réseaux comme Europa Distribution, qui est partenaire et a fondé avec nous le dispositif précèdent qui a donné naissance au réseau EDEN. Mais Europa Distribution rassemble 140 professionnels, organise des workshops, défend leurs intérêts, alors que nous sommes travaillons vraiment sur des choix de films et sur leur distribution. C’est très complémentaire. Et on travaille avec de jeunes professionnels qui commencent, souvent dans des pays où tout est à structurer. Plus tard ils iront à Europa Distribution, mais ça c’est dans les deux ans, trois ans, une fois qu’ils auront pris plus d’assurance et d’expérience. Nous avons été pionniers mais il y a maintenant beaucoup d’initiatives similaires.
Tous propos recueillis par Ludwina Owona, à Toulouse.