L’Espagne à sec
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Laurent LagetLe problème de la sécheresse touche la plupart des pays méditerranéens, et notamment le Sud de l’Espagne. Les pluies inattendues du mois de mai ont permis de remettre le problème à plus tard. Mais quelles peuvent être les solutions écolos à long terme ?
Des pluies torrentielles ont déferlé en Espagne en mai dernier. Depuis 1880, les habitants de la péninsule n’avaient pas connu des niveaux de précipitation comme ceux-là. Un comble dans un pays où la sécheresse a contraint, ces dernières années, le gouvernement à adopter un plan d’urgence provoquant une crise politique. Pour le moment, la question est de nouveau écartée, mais toute cette eau soudaine n’est qu’un soulagement à court terme. Car la question de la sécheresse finira inéluctablement par se reposer si aucune stratégie politique n’est proposée pour assurée l’avenir.
Le problème barcelonais
Tout a été annulé. Suite aux précipitations, les différentes mesures prises cet hiver à Barcelone pour restreindre la consommation en eau, notamment en verbalisant l’arrosage excessif des jardins ou le remplissage des piscines avec de l’eau potable, ont été révoquées.
L’hiver dernier pourtant, les bassins d’alimentation des aqueducs descendent sous le niveau d’alerte. Pour pallier une situation dramatique, le gouvernement Zapatero approuve un plan d’urgence très contesté. Generalitat, l’administration autonome catalane, ainsi que le gouvernement espagnol, prennent en effet la décision d’approvisionner Barcelone par voie maritime, dans l’attente de la réalisation d’autres projets d’ici 2009.
Le plan en question, inspiré d’un projet déjà en place à Almeria, aurait du importer de l’eau par bateau en provenance de Marseille et de Tarragone où se trouvent des usines de désalinisation d’eau de mer. Il proposait aussi d’installer des canalisations entre Tarragone et Barcelone pour acheminer l’eau de l’Èbre grâce à une déviation. Mais les pluies record de mai ont permis d’interrompre cet approvisionnement in extremis.
L’Èbre, socialiste ou conservateur ?
Parmi ces mesures, plusieurs ont crée un vif débat à Barcelone et dans la société espagnole. La plus controversée concernait justement les canalisations qui étaient censées dévier les eaux du fleuve. Outre les problèmes environnementaux, cette proposition a attisé les rivalités entre les différentes régions espagnoles, chacune désireuse de s’accaparer une ressource de plus en plus précieuse.
En effet, si le gouvernement socialiste a approuvé la déviation vers Barcelone (gouvernée par la gauche), il s’est en revanche opposé à un projet équivalent pour Valence et Murcie, deux villes de centre-droite qui avaient elles-aussi demandé à être alimentées par l’Èbre. La proposition, pourtant approuvée par le gouvernement conservateur José María Aznar, a ensuite été bloquée par José Luis Rodriguez Zapatero en 2004. Les présidents de la communauté de Valence, Francisco Camps, et de Murcie, Ramon Luis Valcarel, sont alors montés au créneau et ont fait appel auprès du Tribunal constitutionnel contre le nouveau plan d’urgence.
Mais le refus socialiste est également motivé par des raisons écologiques : toute nouvelle déviation de l’Èbre, dont de considérables quantités d’eau sont déjà régulièrement prélevées, comporte un risque pour l’environnement. L’eau de mer pourrait en effet s’infiltrer dans le delta et compromettre rizières et habitat.
L’autre partie du projet qui consiste à importer de l’eau issue des usines de désalinisation est une mesure également largement contestée. Pour une raison simple : ces entreprises consomment énormément d’énergie et produisent de l’eau à un prix élevé (50 euros le mètre cube).
Terrains de golf
Traditionnellement pauvres en eau, les régions méridionales d’Espagne ont adopté depuis plusieurs décennies un modèle de développement basé sur l’agriculture intensive en serre et les constructions illégales. Résultat : les résidences touristiques de luxe, équipées de piscines et de terrains de golf pour les Européens du Nord fortunés, se sont multipliées. Toutes ces activités supposent une consommation en eau considérable.
De son côté, la zone métropolitaine de Barcelone a vu sa population augmenter de près d’un million et demi d’habitants depuis quinze ans. Associé à l’augmentation de la fréquentation touristique en été, les sources d’approvisionnement hydrique sont soumises à une demande intense.
Des mesures contre Kyoto
Depuis quelques années, l’Espagne est le premier pays d’Europe par son nombre d’usines de désalinisation de l’eau de mer. Six stations d’épuration sont déjà en fonction sur la côte méditerranéenne, et vingt autres sont en construction. S’agit-il de la réponse définitive au problème récurrent de la sécheresse, qui devrait s’aggraver encore avec le réchauffement climatique ? Sachant que l’Espagne a déjà dépassé ses quotas d’émission de CO2 fixés par le protocole de Kyoto, ces installations, très polluantes, ne constituent pas une solution viable.
Translated from Focus : La Spagna a secco