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L'Espagne à 300 à l’heure

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Politique

A l’horizon 2010, l'Espagne jure qu’elle dépassera la France et le Japon et sera le premier pays au monde en matière de grande vitesse ferroviaire, avec près de 2 230 kilomètres de lignes en service.

Le 14 février dernier, le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, annonçait qu’« en 2010, l'Espagne dépasserait le Japon de 200 kilomètres et la France de 400 kms en matière de ligne à grande vitesse », des nations pourtant considérées comme à la pointe de la haute technologie ferroviaire. Présomption ou réalité ?

L’ambitieux pari espagnol a un coût. « 250 millions d’euros, » répond José Salgueiro, président de la RENFE [l’entreprise publique ferroviaire espagnole]. «  Cette somme n’est pas un miracle mais le résultat d’un important investissement qui sera fait au profit du plan stratégique d’infrastructures et de transports », poursuit-t-il.

Salgueiro parle avec fierté du défi espagnol, lancé il y a 15 ans, malgré l'opposition des conservateurs de l'époque qui dénonçaient une ambition 'pharaonique'. Le projet de TGV espagnol, l’AVE [Tren alta velocidad] a été inauguré lors de l'Exposition universelle de 1992 à Séville, reliant pour la première fois Madrid à la capitale andalouse, en 2 heures 15 contre près de 8 heures auparavant.

«Les critiques disaient que ce ne serait pas un train fiable mais c’est aujourd'hui la ligne la plus rentable du pays », poursuit Salgueiro, un brin provocateur, reconnaissant toutefois que cet exploit technique a bénéficié d’un parrain indispensable : l'Union européenne. « L’UE nous a donné le soutien financier nécessaire pour pouvoir commencer les travaux dans les temps. Sans elle et sans les initiatives privées, nous pourrions difficilement atteindre les objectifs fixés pour 2010 », admet-il.

C’est en effet grâce à Bruxelles, qui a contribué à hauteur de 10% du coût total des travaux, que l'Espagne a déjà des liaisons entre sa capitale, Madrid, et des villes comme Séville, Tolède, Cordoue, Saragosse, Lérida et Tarragone. En 2007, la ligne entre Ségovie et Valladolid devrait ouvrir. La conception et la construction des nouveaux trains, par l'entreprise allemande Siemens, en fait un atout économique au niveau européen.

Stratégies de pouvoir

Le chemin était pourtant semé d'embûches. Le développement du maillage ferroviaire espagnol a oscillé au gré des alternances politiques, provoquant parfois de véritables frictions au sein des communautés autonomes. Séville, berceau de l'ex-président espagnol Felipe González, traditionnellement socialiste, a été la première ville à obtenir sa liaison grande vitesse avec la capitale. Durant l’ère Aznar, il a fallu satisfaire les nationalistes catalans pour que la droite puisse gouverner, d'où la construction d’une liaison avec Barcelone.

Les chantiers n’ont pas toujours progressé dans l'intérêt des entreprises mais ont plutôt résulté de stratégies de pouvoir, mâtinées de nombreux scandales. On a notamment accusé les dirigeants socialistes d’avoir financé les travaux de l’AVE à Séville au moyen de commissions illicites. Les 12 inculpés ont finalement été innocentés.

La ligne vers Saragosse a provoqué des glissements de terrain de 15 mètres de profondeur, à seulement 600 mètres de la voie suite à un mauvais calcul des ingénieurs du ministère des Transports du temps du gouvernement du Parti populaire (PP). Autre exemple, la liaison avec Tarragone souffre de retards constants dès qu’il y a de forts orages, en raison de la précipitation avec laquelle elle a été mise en service. Les infrastructures n'étaient alors même pas achevées.

De même, il faut bien admettre qu’aucune ligne à grande vitesse espagnole ne dépasse les 300 kilomètres/heure. Sur ce point, les Français restent gagnants. Leur TGV bat des records de pointe à 553 kms/h. Ironie supplémentaire, le réseau traditionnel français atteint en moyenne 200 kilomètres par heure, soit quasiment la même vitesse que la moyenne de l’AVE espagnol-210 km/h-.

Opportunités et connections multiples

Toutefois, Salgueiro n’entend pas analyser ou réparer les erreurs. « Il faut regarder vers l’avenir,, dit t-il. « Il est certain que notre travail atteindra des niveaux d'excellence inégalés ». Tisser un grand réseau européen de chemin de fer rapide constitue en tous les cas une alternative intéressante à l'avion pour les moyennes distances.

L'Espagne et le Portugal ont d’ores et déjà décidé de la création de 4 lignes ferroviaires communes à grande vitesse (Vigo – Porto ; Salamanque – Aveiro ; Lisbonne – Badajoz ; Faro - Huelva) qui devraient être mises en service dans les trois ans à venir, bien qu’elles aient déjà pris du retard. Les investissements s'élèvent déjà à près de 650 millions d’euros par an.

La connexion avec la France est plus avancée. En effet, la future connexion Figueras -

Perpignan, qui ouvrira une nouvelle voie à travers les Pyrénées, sera terminé en 2009, avec quatre années de retard.

Grâce à cette ligne, les trains de marchandises n'auront plus besoin de changer d’essieu en gare de Port-Bou. Finie la perte de temps dûe à l’adaptation des trains à la largeur différente des voies espagnoles, censées éviter les invasions par le train. Ce changement logistique devrait augmenter le ferroutage de 4,8% à 30% entre la France et l'Espagne. A condition que la politique et les imprévus « made in Spain » ne se croisent pas en chemin.

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